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Récit poétique
Pouet : Les brûleurs de pas
 Publié le 21/03/22  -  12 commentaires  -  2975 caractères  -  148 lectures    Autres textes du même auteur


Les brûleurs de pas



Les brûleurs de pas ont des lèvres en forme de flammèches horizontales. Certains sont affublés d'un rictus de silex, d'autres d'une gueule de haut-fourneau et déploient en commun une mèche rebelle au sommet de leur crâne.

Ils semblent avoir comme une urgence à dire, mais ne poudroient la plupart du temps que quelques sentiments cendreux. Ils fument continuellement des cigares de bistre sous le magma des songes, traînant leur ignition en un fagot penché.

Pourtant, les brûleurs de pas portent fiers le flambeau du recommencement et de la vacuité, fourbissant un travail de titan avec ardeur et pétillance.
Chacun marque un lambeau de sphaigne dûment étoupillé sur lequel est simplement noirci « Promettez ». Ils sont ainsi liés, balisés et fondus dans la masse.
Ceci fait, ils se doivent avant tout de riffauder les traces, puis accessoirement d'immoler la passion, attiser le présent et embraser l'ailleurs.

Le but de l'opération résidant précisément dans son absence, il n'est pas rare, nonobstant foudre intérieure et volonté incandescente, qu'un brûleur de pas fasse une dépression associée à une éruption cutanée ; la négativité de l'air le ramenant alors à l'état d'embryon de braise.
En règle générale il regagne en feulant son âtre chaleureux et entame sa reprise auprès de ses petits brandons ou d'une salamandre de compagnie.

Malheureusement, les brûleurs de pas se font souvent entretenir, ce qui n'est point sans causer quelques étincelles au sein du foyer. Penauds en leurs pénates, ils demeurent ainsi à l'orée du vestibule, sourds de lave verbale, soumis aux colères rousses d'incendiaires vestales. Les plus cristallins d'entre eux noient leur âcre chagrin dans un verre forgé de vodka-tison et finissent torchés.

Toutefois le labeur, comburant d'espérance, éteint l'inanité. Et les nouveaux départs sont ici incessants.

Les brûleurs de pas font fi des artifices, leur cœur est crépitant, ils dévorent l'instant, calcinent les souvenirs.
Le soir, lors d'une veillée au coin du peu, ils aiment à s'échanger d'insignes autodafés, à frissonner ensemble en écoutant des contes de princesses de bruine et de dragons aqueux. En mirage ils se voient effleurant les racines d'inaccessibles saules, arpentant les sentiers d'improbables forêts, léchant les flancs ligneux d'une cabane endormie, s'égayant au détour d'un écrin de broussailles…

Mais cela n'a qu'un temps.

Ne reste plus alors qu'à s'enfouir au creux du malléable et à superposer le rouge et le carmin, l'écarlate et la rouille ; à composer le gouffre puisque ici la lumière est un cri insatiable, une fenêtre opaque éternellement ouverte.

Les brûleurs de pas sont des rêveurs, des bâtisseurs d'enfer, des soleils d'utopie.
Leur rang ne compte pas plus de lâches que de braseros.
Les pompes funèbres ne cherchent guère à les côtoyer, ils sont incinérés à la naissance.


 
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   EtienneNorvins   
13/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le problème est bien sûr que je crois deviner l'auteur... Et que j'en suis donc réduit à le remercier de continuer à nous faire partager cette ethnographie imaginaire, qui fuse de trouvailles et de résonances dans nos géographies intimes.

[En EL]

   Eskisse   
15/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Là on peut dire que l'auteur a le feu sacré : il "joue avec le feu" de belle manière" ... Ce qui fait la beauté du texte selon moi, ce sont les trouvailles, les expressions, les métaphores crées à partir du lexique exhaustif du feu.
Ce double sens par exemple : "mèche rebelle au sommet de leur crâne.", et puis " magma des songes", " immoler la passion, attiser le présent et embraser l'ailleurs." ou " soleils d'utopie"

Les sensations du lecteur sont constamment sollicitées et les brûleurs de feu prennent forme et consistance : ils boivent, ils font des dépressions, ils écoutent des contes et rêvent de forêts...
Pour moi, le pari est gagné.

   Anonyme   
21/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Alors, en Espace Lecture j'ai touché le titre pour voir le poème, j'ai lu la première phrase, je me suis dit : « Chouette ! C'est de Pouet, sa série surréelle », j'ai refermé puisque je savais ne pas pouvoir commenter sur-le-champ. Je tenais à me ménager le plaisir de la surprise, et j'ai bien fait.

Comment que j'aime ! Changement radical d'ambiance, on est dans l'ardent, je ressens une énergie, une vivacité ; une douceur aussi, comme dans ce moment « chaleur du foyer » :
il regagne en feulant son âtre chaleureux et entame sa reprise auprès de ses petits brandons ou d'une salamandre de compagnie.
ou dans la nostalgie de bruine et de dragons aqueux (excellent choix de termes, puisque le dragon, si je ne m'abuse, dans la tradition asiatique est associé à l'eau ; vous assurez ainsi un lien solide et élégant entre l'eau et le feu).

Un texte à la fois inspiré, travaillé, original et intelligent pour moi. Les correspondances sémantiques et échappées poétiques abondent. J'ai toutefois un bémol ici :
Toutefois le labeur, comburant d'espérance, éteint l'inanité. Et les nouveaux départs sont ici incessants.
où le rythme 6/6/6/6/6 très visible introduit à mon sens un élément martelé qui jure avec le propos (en revanche cela aurait convenu à merveille, me dis-je, à l'évocation d'une forge en action).

   Corto   
21/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ce travail et ce jeu qui ne s'éloignent jamais du feu est impressionnant. Le tableau qui en émerge est tour à tour vivant et déconcertant. Qui aurait cru qu'autant de mots puissent ramener vers le feu sous toutes ses formes ?
L'histoire est pleine de surprises et l'on s'évertue à suivre la pensée de l'auteur dans une sorte de vertige, jusqu'aux "soleils d'utopie".

Applaudissements.

   Anonyme   
21/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Pouet, en souffleur de flamme inspiré joue avec le feu, et nous incendie d'une verve vertigineuse qui n'appartient qu'à lui.

Poète surréaliste accompli, il nous entraîne cette fois, dans la torture de ces étincelles qui rejaillissent de plus belle, lèchent le néant jusqu'à s'éteindre en route, puis reviennent, espérant rejaillir de l'ancien volcan transformé en insipide brasero.

Léger bémol : les pompes funèbres du dernier vers (sans jeu de mots) m'ont fait redescendre trop vite sur Terre.

Je crois avoir deviné d'où lui vient l'inspiration. Mais lui laisse le privilège de nous en offrir les rouages brûlés à point.

Pouet, si tu m'entends...

Bravo Maestro ! Belle envolée au royaume de Vulcain et de ses affres.


Cat

   Davide   
21/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

Tout de go, je le dis : j’ai beaucoup aimé ce récit poétique infernal en forme de fable burlesque et abrasive, il interroge sur l’aliénation de l’être humain dans notre monde contemporain, qu’elles qu’en soient sa nature et sa texture, et le fait d’une manière furieusement « épicée »/« relevée » pour qui aime le second degré (Celsius, évidemment !). Les jeux de mots se multiplient, dont les couples d’oxymores, les homonymies (« Promettez »/« Prométhée » renvoie sans doute à l’assujettissement, au travail dans un sens large, via un serment d’allégeance ; une image très parlante dans le contexte !) et les blagues (celle de l’incinération en point final, drôle à souhait, introduit l’idée d’une damnation éternelle, sans échappatoire, sans mort possible, à l’image du mythe de Prométhée peut-être) ; et puis, le choix d’une forme concise, celle d’une prose courte, comme un résumé/condensé, suggère parfaitement l’enfermement dans l’étroit, celui de notre monde intérieur, du monde extérieur, celui des normes sociales… je ne sais pas, mais celui-ci a l’apparence de l’enfer.

Oui, j’ai été vraiment séduit par la tonalité de l’ensemble, malicieuse et d’une égale inspiration tout du long (à aucun moment je ne me suis ennuyé), l’écriture est maîtrisée, astucieusement ciselée pour ne laisser dépasser que l’impromptu, juste ce qu’il faut pour nous amuser, nous surprendre et nous faire réfléchir. Bon, c’est pas tout ça, mais… à quand une fable sur les « dragons aqueux » ?

   Cristale   
22/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pouet,

Un univers poétique aussi surréaliste que le mien est réaliste ne m'empêche pas, ne nous empêche pas d'apprécier les couleurs des toiles de l'autre.

Je ne dirais pas que j'ai tout compris pour faire semblant parce qu'en suivant vos lignes, l'agencement de vos mots, j'entre dans un monde qui ressemble au mien mais où des êtres, que je reconnais également, portent des costumes, des masques et ont des attitudes que je n'ai jamais vus auparavant et c'est en cela que votre écriture est magique.

Ces brûleurs de pas, dans le fond, sont un peu poètes...

Merci Pouet de m'avoir sortie de ma zone de confort et de m'avoir permis de découvrir des couleurs et des nuances différentes de celles qui revêtent mes propres mots.

Cristale

   Ascar   
22/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
L’écriture est formidable et l’imagination qui la conduit, à couper le souffle.
Rien n’est laissé au hasard, les formules et le choix des mots concentrent les rayons de la pensée sur l’univers du feu.

Quel travail !

Cela tient à la fois de la science-fiction et du dessin animé. Il ne manque plus qu’une histoire, une intrigue pour dépasser la forme descriptive. Et alors tout deviendrait parfait.

Merci pour ce partage.

   Vincente   
22/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Sous le thème de la brûlure, et du feu qui anime ces êtres-incandescents, j'ai bien aimé la déclinaison fantasque, très joueuse de mots, de troubles, de concepts.

Oui mais voilà ma perception a vite été affadie par l'impression d'un système sémantique et linguistique auto-inflammable, une découverte en attisant une autre, puis laissant un vide qui de suite sera comblé de bonheur… (par exemple, j'aime beaucoup la "gueule de haut-fourneau" ou "Penauds en leurs pénates, ils demeurent ainsi à l'orée du vestibule, sourds de lave verbale") ou de dommages (je n'ai pas aimé par exemple dès le début le "rictus de silex", je ne vois pas à quoi ça se rattache… ; je ne sens pas trop non plus la notion de "brûleurs de pas" ; en autres…) quand ont arrive à la fin et qu'apparaît un exercice plus que la naissance d'un monde parallèle aux ressources folles.

Entre l'insolite pour l'insolite et l'art pour l'art, la proposition progresse sans véritable destination autre que de présenter plus ses bonnes trouvailles, frasques d'un regard et d'une plume, que conter l'aventure d'un peuple "inconnu" et la découverte d'une de ses histoires vécues.

Si j'ai été peu réceptif à ce texte, ce peut être aujourd'hui un manque d'ouverture d'esprit, peut-être ? Je citerais cependant pour montrer l'ambivalence, ou du moins ma relative non-conviction, de mon ressenti ces deux phrases qui me semblent opposées dans leur opportunité, la première d'une pertinence certaine bien que plus "philo" que "poéto"… et la deuxième, également la finale, qui s'achève en eau de boudin, ni en guise de conclusion, ni en guise de justification de ce qui a précédé, juste une belle trouvaille de plus :

"Toutefois le labeur, comburant d'espérance, éteint l'inanité. Et les nouveaux départs sont ici incessants."

"Les pompes funèbres ne cherchent guère à les côtoyer, ils sont incinérés à la naissance.".

   Lariviere   
24/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pouet,

Ne sommes nous pas tous des bruleurs de pas qui nous consumons comme des étincelles dans l'éternité de l'instant ?...

J'ai aimé ce troisième opus sur les éléments, le feu étant sans doute ce que nous avons de plus sacré et de plus instinctif dans notre carcasse enluminée de sapiens sapiens... Ici encore l'absurde (mais peut être aussi la condition humaine) côtoie avec maestria la poésie la plus pure, la plus insurrectionnelle, la plus musicale dans l'effritement de la braise et du tison, la faute à ce feu qui nous anime, nous les être soumis de plus en plus à l'énergie dionysiaque dans les affres enflammées de nos existences... Alors :

"Ne reste plus alors qu'à s'enfouir au creux du malléable et à superposer le rouge et le carmin, l'écarlate et la rouille ; à composer le gouffre puisque ici la lumière est un cri insatiable, une fenêtre opaque éternellement ouverte."

Merci pour cette lecture et bonne continuation !

   Cyrill   
2/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je me réjouis de ce nouvel opus à ton bestiaire, toujours très étonnant d’une poésie qui se paie autant de mots rares et délicats que de plus familiers, truculents même parfois.

Un riche vocabulaire donc pour appuyer la description d’on ne sait trop quoi et qui de très convaincant.
« portent fiers le flambeau du recommencement et de la vacuité » par exemple parmi les formulations qui m’ont emballé.

L’humour dérisoire n’est pas absent du programme. Je salue aussi la musicalité de l’ensemble, qui n’a pas échappé à mon oreille attentive, et je te dis bravo et continue, Pouet !

   Lulu   
2/4/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Pouet,

Aux premières lignes, j'ai pensé que "Les brûleurs de pas" étaient des gens de l'armée partant ou partis sur le front d'une guerre, mais le feu est ailleurs... et semble-t-il au creux de certains êtres, à ce que j'ai finalement lu.

J'ai trouvé ce récit intéressant dans ce contexte où la poésie est jeu autour d'un champ lexical : le feu.

Les images se bousculent dans un ton que j'ai trouvé non pas léger, mais imposant, sans doute à la mesure de ce qui brûle.

J'ai bien aimé le démarrage de ce récit, soit les deux premières phrases qui donnent le ton, mais aussi une manière de voir ce qui file ou ceux qui filent.

J'ai eu l'impression de me reconnaître, non pas aujourd'hui, mais à un moment, il y a longtemps, quand j'ai lu ces mots "Ils semblent avoir comme une urgence à dire"..., notamment dans l'écriture. Mais j'ai aimé m'extraire du texte pour voir ceux que vous sembliez montrer du doigt...

J'ai appris tout plein de mots... "sphaigne" ; "étoupillé" ; "riffauder"... Tout ça dans un même paragraphe ! Ca tombe bien, j'aime bien découvrir...

Ce que je préfère, ce sont les trois dernières phrases... les trois dernières lignes qui, finalement, se présentent quasiment comme un poème en vers libres... Je trouve que les formulations y sont plus subtiles, plus poétiques alors.

En effet, auparavant, le fait d'être vraiment dans le récit me semble intéressant, mais un peu moins dans des formulations comme "En règle générale" ; "Malheureusement" ; "Toutefois"... qui font plus dissertation dans ma lecture.

Belle trouvaille que cette chute ! "ils sont incinérés à la naissance".

Merci du partage !


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