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Poésie libre
Pouet : Les gants
 Publié le 04/10/24  -  12 commentaires  -  962 caractères  -  255 lectures    Autres textes du même auteur


Les gants



ils sont déjà oubli
pour le muret friable sur lequel ils s'obstinent
depuis que les saisons

l'effritement grumeleux
ne ressent ni poids
ni gêne ni attachement

deux compagnons de gel
de perte et d'amitié

distants par le mouvement
enlaçant l'immobile

absorbés pas la pierre
en surface

juste assez

pour que le vent ne les résolve
que la pluie ne les distance

les gants se sont mués en lichen acrylique
et ceux qui les portèrent n'importent que si peu

le regard d'un enfant ne s'y chauffera plus
perclus entre deux mondes
ils n'appartiennent pas


il suffira peut-être un jour d'érosion
lors d'une promenade
d'un égarement usé

de se montrer abstraits face à nos intermèdes

frotter distraitement ses mains l'une contre l'autre
et puis se souvenir de la sincérité


 
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   Donaldo75   
2/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Rien à objecter, j’ai été smashé par la finesse de ce poème. Il me fait penser à des tableaux post impressionnistes où le figuratif n’empêche pas l’abstraction sans avoir à porter de gros sabots ou à mettre de grosses lunettes d’analyste. Les motifs s’enchevêtrent dans les mots – ou l’inverse, cela dépend de la position – et le composition bénéficie d’un champ lexical sobre et riche à la fois. Je pourrais lire ce poème des dizaines de fois sans me poser des questions à deux balles, juste en me laissant emporter par la magie des mots, le reste tenant de l’imaginaire.

C’est fort.
Bravo !

   Ornicar   
2/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Il y a de la sensibilité dans ce poème des petites choses insignifiantes mais qui n'est pas insignifiant pour autant. Car il faut un bonne capacité d’observation ou d’extrapolation pour faire un poème à partir d’un argument aussi mince : une paire de gants abandonnée.
Je regrette un peu le titre qui dévoile immédiatement le sujet alors que le mot "gant" n’apparaît qu’au vers 16. Il y avait moyen, je pense, de laisser planer une part de mystère, apportant une dose supplémentaire de poésie en adoptant un autre titre.
Poème de l’ordinaire, de l’humilité, des petits riens sans lesquels on n’est pas grand chose comme semble le dire à sa façon le joli dernier vers : "et puis se souvenir de la sincérité".

   Robot   
4/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Un enfant distrait ou un jardinier préoccupé ont-ils oublié ces gants sur le muret. Depuis assez longtemps pour qu'ils s'y enracinent. Au fil du temps ils se dégradent tout en faisant corps avec le milieu qui les absorbe jusqu'à les intégrer comme une partie naturelle de cet environnement.
Des images qui parlent et une écriture évocatrice.

   Catelena   
4/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Il y a, par effleurement de ces gants, des touches de mélancolie durable qui affleurent.

La ballade se fait lente entre les images, pour savourer en papilles douces chaque inclinaison du temps qui passe infusant dans ses traces ce qui s'est perdu à jamais.

La composition des couplets a une manière bien à elle, un style, pour laisser l'essentiel en suspens, emportant la lecture vers des paradis enfouis où chacun trouvera la table disposée à sa guise.

Merci pour le partage, Pouet.
Contente de te revoir par ici. Il y avait longtemps !


Cat

   papipoete   
4/10/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
bonjour Pouet
Des gants posés là, oubliés par quelque maçon, que le vent n'est pas arrivé à envoler.
Comme ancrés par un ciment invisible, ils s'accrochent ; on pourrait croire qu'ils faisaient partie du mur.
NB du " Pouet " pur jus, avec ces vers qu'il faudrait psalmodier, avec pour musique un bol tibétain...
j'avoue ne pas retenir la morale de ce poème ?
" ces gants ne tiendront plus jamais au chaud... il suffira de se frotter les mains "
comme celui dans le ciel, au bout d'une ficelle, j'ai le " cerveau-lent "
je suis heureux de voir le retour de notre " confrère ", depuis Juin 2024 !

   Eskisse   
4/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Chaque petite strophe est à l'image des gants sur le muret : une empreinte posée. La forme épouse le thème... délicatement, à petites touches légères.
Le " sujet" ( des gants abandonnés) frappe par sa simplicité et pourtant il permet de dégager une philosophie de vie. Les derniers vers me résistent ( et c'est là aussi que germe la poésie) : " de se montrer abstraits face à nos intermèdes" .

Or on sent qu'ils recèlent une vérité un secret. Ces "gants lichenéifiés" semblent porter en eux une sorte de symbiose qui est sincérité. La sincérité au sens où l'on s'est associé, où l'on est en accord avec soi-même. En tout cas: ils sont un symbole ( du grec sumbolon, : objet coupé en deux dont les parties sont réunies à la suite d'une quête, une marque, un signe dessiné et sculpté ) EDIT

   Provencao   
4/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

"il suffira peut-être un jour d'érosion
lors d'une promenade
d'un égarement usé

de se montrer abstraits face à nos intermèdes

frotter distraitement ses mains l'une contre l'autre
et puis se souvenir de la sincérité "

J'ai beaucoup aimé cet appel de l'imaginaire qui fait écho à une autre parole.

L'apologue est le sentier de la pensée et du poème vers cette sensibilité, cette émotivité.

Que demeure vivant, existant, au sein de notre humanité errante, abreuvée de vide et frissonnante d’indicible attente... l'imaginaire se souvenir de la sincérité.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Myndie   
5/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Je retrouve avec délectation ton style tout personnel, cette écriture qui force l'imagination et qui a ce pouvoir magique de me transporter « autrement ».
J'aime la suggestivité des images qui jalonnent le poème, petits coups de pinceau dont l'abstraction n'éclipse en rien le sentiment de douce nostalgie qui en émane (peut-être même qu'elle y contribue).
J'aime ces vers impulsifs, parfois minimalistes, cette poésie épurée et pourtant si dense qui puise sa force dans l'immédiateté et la concision.
Des pépites
«  deux compagnons de gel
de perte et d'amitié »
«  enlaçant l'immobile »
et surtout ces trois derniers vers :
« frotter distraitement ses mains l'une contre l'autre
et puis se souvenir de la sincérité »

Franchement, réussir à faire ressentir avec autant d'efficacité en poétisant cet objet on ne peut plus banal qu'une paire de gants abandonnée , il fallait le faire.
Brillantissime !

   Cyrill   
5/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Ces gants sont de ceux que l’on prend pour ne pas blesser l’autre. Frottés l’un contre l’autre, je parie qu’ils laissent échapper quelques poussières de gestes oubliés que leurs propriétaires esquissèrent un jour.
Collant à la peau, c’est celle-ci qu’on abandonne avec eux, qu’on donne à qui voudra la prendre.
Les mains de ceux qui les ont enfilés sont multiples : mains d’enfant, d’ouvrier, de dame… Ils se passent la main dans le souci de perpétuer le lien à l’autre.
Amitié, sincérité, et surtout sensibilité à fleur de peau pour ce cuir pleine fleur ou ces mânes synthétiques, interfaces de soi au monde.

   Louis   
8/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
La contemplation de gants perdus, abandonnés sur un muret, choses sans grande importance, apparemment insignifiantes, amène pourtant à une réflexion sur notre rapport au monde et à autrui.
Le poème se présente, en petites "touches" délicates mais sans gants enfilés, comme une méditation poétique.

Il commence par un jugement réflexif :
« Ils sont déjà oubli »
Qui est, ou quel est l’objet du jugement ?
Le titre du texte déjà le révèle. « Ils » : désignent des gants.
Et ces gants n’ont pas "été oubliés" par des personnes qui les ont portés, non, ils « sont oubli ».
Le jugement, en effet, ne porte pas sur un événement qui rendrait compte de leur présence, là, sous des yeux observateurs, ni sur les causes, oubli, perte, qui l’expliqueraient, mais sur la nature, sur l’essence même, sur ce qui définit donc l’objet de la contemplation. L’oubli est un attribut essentiel des gants.

L’adverbe : « déjà » laisse entendre que leur nature de gants, malgré les apparences, n’a peut-être pas vraiment changée, mais qu’elle a toujours "déjà" été « oubli », sans que l’on en prenne conscience, alors que désormais cet aspect essentiel se révèle à nous dans la contemplation de ce qui s’offre au regard.

Si les gants sont « oubli », ce n’est pas pour les personnes qui, autrefois, les ont portés puis égarés ; mais d’abord : « pour le muret ».
L’oubli est perte ou absence de souvenir, défaillance de la mémoire.
En quoi les gants seraient-ils oubli, ou facteur d’oubli ?
La réponse ne se révélera qu’à la fin de cette méditation poétique poursuivie tout au long du texte.
Mais pour le muret, relativement à lui, en quoi sont-ils oubli ?
Le muret "porte" les gants, mais ne les "retient" pas ; sur lui, « ils s’obstinent ».
Le muret s’avère « friable ». Lentement, il se désagrège, et ne conserve pas même la mémoire de lui-même.
Le muret aussi est oubli, et oubli de cet oubli qu’est le gant.
Le muret est soumis à un temps destructeur sans mémoire, qui transforme tout en poussière.
Dans son processus d’érosion inexorable, il ne tient nul compte de la présence des gants, il en demeure indifférent, lui, représentant pourtant d’une réalité tangible. Nullement "touché" par eux, en rien entravé par leur présence ; gants « oubliés », comme s’ils n’étaient pas là.
Oubliés dans leur fonction tactile, en cet autre aspect essentiel de leur nature de gants qui en fait les intermédiaires d’une relation entre des mains qu’ils recouvrent et des choses.
Pourtant les gants « s’obstinent », se conservent, résistent malgré les « saisons », et l’érosion du mur en « effritement grumeleux ». Malgré "l’indifférence" du muret qui, de leur part, « ne ressent ni poids / ni gêne ni attachement »

S’ils peuvent être dits :
« Deux compagnons de gel / de perte et d’amitié.»
c’est du point de vue humain. Ils signifient une « perte » à leurs yeux d'humains, à leur coexistence de « compagnons », chauffée à l’amitié.
Il ne s’agit pas en effet de gants d’une même et unique personne, mais de gants de personnes différentes : « ceux qui les portèrent » dit plus loin le poème, et non "celui qui les porta".
Les gants, symboles d’unité, de mains qui se donnent l’une à l’autre, dans l’amour ou l’amitié, ont du sens pour les hommes, mais demeurent insignifiants pour le monde, représenté par le « muret friable ».

« Absorbés par la pierre » sans mémoire, ils ont perdu ce qui les distinguait des simples choses du monde, en tant que traces, signes, symboles. Ils sont avalés par la pierre dans son ventre d’insignifiance.
Gants "pétrifiés", juste assez « pour que le vent ne les résolve / que la pluie ne les distance ».
Ils demeurent grâce à la pierre, qui empêche leur effacement et leur désunion ; provisoirement conservés, mais dans l’oubli et l’indifférence.

La perte de leur nature symbolique est encore celle de leur portée métonymique, en tant que synecdoques de la main et de l’hu-main, jusqu’à leur mutation en « lichen acrylique », lichen artificiel, simple chose en adhérence au mur, sans autre rapport avec lui, végétal parasite dans un processus de "naturalisation".
« et ceux qui les portèrent n’importent que si peu »
La nature a tôt fait d’oublier l’humanité et ses productions, les gants sont « déjà » oubli, et elle les mue en simples "choses".
Les gants dans le mur ont cessé d’être des gants.

Ainsi « Le regard d’un enfant », le regard et non pas les mains, « ne s’y chauffera plus ».
À les voir, à les apercevoir, ils ne peuvent plus être représentés comme dispensateurs de chaleur, l’une de leur fonction ; ces gants, « perclus entre deux mondes » celui de la nature et celui de l’humain. Inertes, hors d’usage, inopérants.
« Ils n’appartiennent pas. » Sans appartenance, s’avèrent-ils, en ce sens qu’ils ne font partie ni d’un monde ni de l’autre. Bien qu’« absorbés par la pierre », ils demeurent altérés, mais reconnaissables ; bien qu’humains, incapables de « réchauffer le regard » d’un enfant.
Ils étaient, de toute façon, des "intermédiaires ", des "interfaces" entre les deux mondes.
Alors,
« Il suffira… de se montrer abstraits face à nos intermèdes »
Détachés de la nature et de l’humain, ( non pas de l’humain en général, évidemment, mais de la "subjectivité") ; s’abstraire et de l’un et de l’autre, pour retrouver un contact direct entre soi et le monde, à l’image de ce geste recommandé : « frotter ses mains l’une contre l’autre » , sans médiation des gants.
C’est ce dont « il suffira ». C’est la réaction qu’il conviendra d’adopter, si l’on veut tirer la leçon de cette méditation.

Il suffira surtout de :
« se souvenir de la sincérité »
Se souvenir, contre cet oubli que sont les gants.
La condition en sera de "ne pas prendre de gants", d’apprendre à s’en passer.
Les gants ont pris, dans cette fin de méditation, une dimension très large, pour désigner tout intermédiaire entre soi et l’Autre.
Il sont envisagés dans le cadre relationnel qui leur donne sens, de chacun au monde et à autrui.
Les gants empêchent la relation directe, et donc l’authenticité des sensations, la « sincérité » de leur expression. Il s’agit alors de retrouver cette relation non médiatisée, de se « souvenir » qu’un tel rapport à l’Autre, non altéré, non déformé, dans sa "vérité", reste possible, et qu’il a été primordialement possible.

Les gants réfèrent au tactile, au toucher, mais celui-ci prend aussi un sens plus large. Et désigne tout ce qui "touche", ou nous "touche" au sens affectif. Retrouver la sincérité, la relation première et directe entre soi et le monde, c’est retrouver le contact premier, originel, "sauvage" et instinctif, primitif et brut de ce rapport affectif.
La réalité, elle, "ne prend pas de gants", dans son rapport avec nous, elle altère ces gants, leur fait perdre leur nature d’intermédiaires ; elle les transforme en choses naturelles, en « lichens acryliques ».

La "brutalité" retrouvée, sans atténuation de la rugosité des rapports, dans le froid ou la brûlure, l’âpre et l’épineux, sans réduction de douceur et de velouteux, n’empêche pas dans le rapport à autrui les liens, les véritables « amitiés » dont les gants étaient aussi le symbole, mais dont on peut se passer.
Les mains à nue, les mains tendues, les mains ouvertes peuvent tout aussi bien signifier générosité, hospitalité ; on peut "donner un coup de main", serrer amicalement une main. On peut caresser.

Le manque de sincérité repose sur un manque de naturel, de rapport originel au monde. Rapport trop médiatisé par des a priori culturels, d'où résulte une "subjectivité". S’il est tromperie et mensonge, c’est d’abord à l’égard de soi-même.
Il s’agit donc de retrouver dans sa vérité le rapport originaire entre la main et le monde, entre la main nue et autrui, entre l’hu-main et l’Autre.

   Eki   
11/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Sujet aussi banal qu'une paire de gants...
Mais pas que...Le poète nous glisse au creux de l'oreille une confidence aussi soyeuse qu'une paire de gants...
J'aime beaucoup votre écriture. Il y a toujours cette magie cachée sous les mots.
J'ai aussi apprécié la douceur des deux derniers vers.

   MarieL   
13/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une très belle poésie à l'émotion discrète, touchante, inventive et originale.

Ai-je tout dit ? Certes non, ce sentiment discret d'intimité, de douceur, de présence qui affleure dans ces vers, cela, il ne faut pas le manquer !


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