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Poésie contemporaine
Pouet : Sang de papier
 Publié le 08/10/13  -  12 commentaires  -  1795 caractères  -  362 lectures    Autres textes du même auteur

Traverser…


Sang de papier



Je rature les contours
De mon identité,
Pour ne pas me noyer
J’invente des subterfuges ;
Je trace sur ton ventre des lambeaux de beauté
Parce que ton grain sera mon tout dernier refuge.




Le vent couvre les pleurs des enfants effrayés
Et les cris du passeur qui recompte ses billets.
L’embarcation somnole au rythme des vagues noires,
Sur nos visages tanguent la terreur et l’espoir.
La plage s’est éloignée
En un don d’éphémère,
Certains jettent un dernier
Regard sur notre terre.
D’autres ont le dos tourné et défient l’horizon,
Leurs regards a l’éclat d’une étoile en prison.
Pas de promiscuité
Mais l’enchevêtrement
De nos corps suspendus aux lèvres du firmament…
Les nuages orangés,
Les premières dépouilles
Livrées à l’océan
En un hymne de rouille.
L’écume de la fuite,
Les songes violacés
Et le lien d’améthyste
De nos veines enlacées.
Les effluves complices
Des silences échangés,
L’interminable chute
Des esprits crevassés.
Puis aux tristes confins
De l’ombre et de la hargne :
La silhouette d’or
Des côtes de l’Espagne.
L’accueil des baraquements,
L’écharde de l’attente
Et le parfum de pluie de nos âmes absentes…




Je couche mes douleurs sur ta peau satinée,
Tu me fixes alanguie muette et bienveillante.
Je tatoue sur tes joues mes rires et mes regrets
– Déliés du destin
Arabesques tremblantes.

J’incise les nervures de mes jours arrachés,
Pour ne pas me noyer j’invente des subterfuges
Parce que ma vie se cache
Sur une feuille de papier
Et que son grain sera mon tout dernier refuge.


 
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   Anonyme   
8/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un thème peu souvent abordé, du moins je n'ai pas eu l'occasion d'en lire souvent en poésie ; seuls les comptes-rendus de ces évènements tragiques relatés par les médias.
Un poème qui, sans pathos, nous fait ressentir l'horreur de la situation, cet état d'âme de l'homme déraciné.
Des images puissantes. Je cite, entre autres (pour ne pas recopier le texte ) :
" Les cris du passeur qui recompte ses billets "
" Leur regards a l'éclat d'une étoile en prison "
" Les premières dépouilles livrées à l'océan "
" L'écharde de l'attente "

Et pour clore, deux dernières strophes très belles, à mon goût.

   leni   
8/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Ami Pouet
Je lis tes textes comme on visite un Aven en écoutant Erik Satie
Ton"exode" est écrit à plume humaniste dans une sobriété qui renforce le propos Ton style évolue il y a moins de place pour l'interprétation du lecteur Les images continuent à frapper notre imaginaire avec talent Je cite..Leur regard a l'éclat...lèvres du firmament..Hymne de rouille...écume de la fuite..confins de...je tatoue sur tes joues
J'ai visité ton Aven avec la compassion d'un quidam qui s'efforce
de croire en l'homme Merci à toi Leni

   troupi   
8/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pouet, c’est pas écrit à l'eau de rose tout ça, il y a dans tes poèmes des expressions, des images qui t'appartiennent assurément. "l’éclat d’une étoile en prison." " le lien d’améthyste
De nos veines enlacées." "L’écharde de l’attente
Et le parfum de pluie de nos âmes absentes… " J'avais déjà noté ça sur un de tes précédents poèmes et ça se confirme. Le style est bien là très intéressant. Merci et à bientôt.

   Robot   
8/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est effrayant et terriblement efficace. Une écriture forte et qui imprime au lecteur des images dont il ne peut se détourner. Et une fin qui voudrait échapper à ce terrible vécu mais seul le subterfuge de l'écriture permet de survivre à l'horreur. Voilà ma lecture.

   melancolique   
8/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir Pouet,

J'aime beaucoup ce texte, une vraie force se dégage des images qui y figurent, avec un style fluide et plein de poésie. J'aime plusieurs images, dont je retiens particulièrement:

"Le vent couvre les pleurs des enfants effrayés
Et les cris du passeur qui recompte ses billets."

"L’écume de la fuite,
Les songes violacés
Et le lien d’améthyste
De nos veines enlacées."

Et ces deux magnifiques passages, très musicaux:
"Pour ne pas me noyer
J’invente des subterfuges ;
Je trace sur ton ventre des lambeaux de beauté
Parce que ton grain sera mon tout dernier refuge."

"Pour ne pas me noyer j’invente des subterfuges
Parce que ma vie se cache
Sur une feuille de papier
Et que son grain sera mon tout dernier refuge."

Merci pour cette lecture.
Au plaisir de vous relire.

   Anonyme   
9/10/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Oui, il y a dans ce poème une formidable émotion. J'entends formidable en son sens premier. Aucun pathos, mais de la dignité. Je suis très sensible au rythme, à sa fluidité nerveuse soutenue d'alexandrins cachés. Quant aux images, elles sont d'une justesse qui fait mouche. L'exorde est splendide. Chapeau !

   emilia   
9/10/2013
La force de la poésie n'est-elle pas de sublimer le tragique, de transposer cet épisode sordide et douloureux qui interpelle notre conscience de façon cruelle, peut-être comme le conseille Boris Cyrulnic pour évacuer un peu le traumatisme ressenti et en témoigner...

   David   
11/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

L'image du grain de peau au grain du papier est assez forte, il me semble aussi d'ailleurs que c'est un enfant qui parle, qui tient la narration. Des passages comme :

"Je trace sur ton ventre des lambeaux de beauté
Parce que ton grain sera mon tout dernier refuge."

"Je couche mes douleurs sur ta peau satinée,
Tu me fixes alanguie muette et bienveillante.
Je tatoue sur tes joues mes rires et mes regrets"

Ils m'évoquent plus un dialogue avec une mère qu'avec une compagne.

Ainsi, ça ferait un 3ème "grain" symbolique avec le narrateur lui-même, d'autant que la forme est un peu épistolaire, comme une lettre jetée dans une bouteille à la mer, ce grain prend encore des airs "d'aiguille dans sa botte de foin", d'infime dans la multitude.

Il y a le ton aussi, très onirique, impressionniste plus que descriptif :

"Je rature les contours
De mon identité"

"La plage s’est éloignée
En un don d’éphémère"

"Pas de promiscuité
Mais l’enchevêtrement
De nos corps suspendus aux lèvres du firmament…"

Le poème transmet une forte émotion dans des vers qui marquent leur passage de façon singulière.

   cottington   
11/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pouet,

J'aime le rythme de ce poème qui est aussi frappant que les images...
Il fallait cette force pour souligner un tel sujet!


et ceci est d'une grande beauté:

Et le lien d’améthyste
De nos veines enlacées

   framato   
19/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

Vraiment très beau ce texte... sur un thème difficile, actuel...

Quelques belles fulgurances :

"Je rature les contours
De mon identité,"

"Je trace sur ton ventre des lambeaux de beauté"

"Leurs regards a l’éclat d’une étoile en prison."

"L’écharde de l’attente
Et le parfum de pluie de nos âmes absentes… "

"Je tatoue sur tes joues mes rires et mes regrets "

J'aime bien aussi la reprise modifiée de la première strophe qui ponctue cette poésie un peu comme pour vouloir dire que rien ne change et que cela va encore durer longtemps... que la vie est une boucle et l'histoire un éternel recommencement.

Un texte qui me parle et un traitement très réussi sur un thème casse-gueule, bravo !!!

   papipoete   
4/12/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
bonjour Pouet
Nous voici embarqués pour l'eldorado, où n'est point l'or, mais à ce qu'on dit ; bien plus précieux LA LIBERTE !
Tout-au long de cette odyssée, ça pleure enfant ; ça gémit maman ; ça vomit partout !
Comme ne voulant pas attendre, on meurt aussi à côté du cimetière, sans manière et l'on tente de survivre...
Toi, je ne te quitte jamais des yeux, et rêvant à ce futur, j'écris sur ta peau je t'aime, tu me manques, tu me retiens...
NB que n'entend-on pas encore sur ces " croisiéristes ", qui viennent manger notre pain, nous voler notre oxygène et même violer nos filles à la nuit tombée...
" Qu'on les renvoie d'où ils viennent ! dans le même bateau ! - il est dégonflé ! - on s'en fout ! et s'ils râlent, qu'on les foute à l'eau ! "
Un récit glaçant, où seul l'amour de l'autre fait espérer, fait oublier la vague scélérate qui vient de mordre à mort... des hommes des enfants des femmes !
Fasse le Ciel que jamais nous n'ayons à embarquer ainsi, avec nos femmes nos enfants tous les nôtres !
la fin de le 2e strophe ( la silhouette d'or... ) et " je couche les douleurs... " sont mes passages préférés !

   Feuille   
4/12/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Comment visiter ces situations de souffrances ? Comment oser qu’une tentative de poésie s’immerge dans ces plaies et en ressorte et témoigne avec ses mots, ses musiques, ses beautés ? Comment supporter aussi que la poésie s’abstienne de ces voisinages ?pourquoi s’abstiendrait-elle ? dans quelles conditions le témoignage poétique peut-il être suffisamment humble pour qu’il soit supportable ? Si la poésie est un langage alors toutes les situations nécessitent d’être dites Par tous les langages disponibles et donc celui de la poésie également. Au cœur des plus grands désespoirs la beauté n’est pas absente.


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