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Poésie en prose
Provencao : Au seuil du cabanon
 Publié le 22/05/24  -  7 commentaires  -  4598 caractères  -  113 lectures    Autres textes du même auteur

Quand nos pas accueillent d'autres pas.


Au seuil du cabanon



La porte en bois du cabanon au pied de la pinède, élimée par le temps, graciée du monde en un reflet lointain, était à demi ouverte…
J'entre. L'air s'arrête, se crispe, se décline. Un soupir dense, un soupir lourd. Est-ce possible ?

J'avance

Les feuilles rougeâtres s'amoncellent sur la terre, seul délicatement achoppait l'écho de mes pas.

J'avance

Sur ma droite, au détour d'un raidillon, s'éveille le mystère, une feuille de marronnier bouge sans le moindre souffle, le sentier semble près de tituber, dans le vide au cœur de la griffe épineuse.

J'avance

Dans tout ce chaos, mes rêves s'éraillent aux fragons sauvages, dont les graines sont une tache de sang.
Quelques chagrins s'ennuient
confus et fluides dans les futaies.

J'avance

Une promesse sensible, endolorie, se balance, à la cadence de mes pas.
Une borie reniée depuis si longtemps gît étripée, un bastidon élagué de tant d'absence ! J'effleure du bout des doigts l'orle de la pierre, pour y décrypter le souvenir sous le soleil d'hier. Le silence y flâne, en silence, son chant les harcèle, frisson.

Brusquement, au loin, un oisillon essaie de battre des ailes – son cri dans le sous-bois où l'ombre s'enlise. Pas une Aria ne suit. J'avance égoïste du temps. Le moment seul m'enlace. Une peine ose la rencontre et s’évade. Chaque détour du sentier offre sur le souvenir son appel toujours précédant celui qui avance.

Soudain entre les rameaux, un petit filet d'eau fraîche. Soudain une éclosion. Elle érafle les feuilles, la terre, les bosquets austères et la caresse du buxus odorant… Son murmure fend le silence, nul mensonge s'éloigne ni éraille.
Nulle tromperie non plus de soi contre soi.

J'avance

Je me hisse, doucement, au-dessus des pâtures, j'épouse la cime des hêtres, vole entre les branches. Je vole, impassible, habité d'une aura, tranquille, d'une joie toujours à venir.

Ambulations fiévreuses dans les méandres des songes. Tout s'abroge. Elle là-bas, y compris,
qui a disparu.

J'avance

Je me réveille, dans une prairie assourdie, m'effare vaguement de ce qui m'entoure : la couleur du ciel, les oiseaux éparpillés, les fourmis qui me montent sur les jambes… le temps s'écoule, placide. Immobile, j'accueille le silence, respire le calme. Quelques débris de souvenirs sans allégeance, une souffrance déchirée sitôt apparue, disparue.
Un trouble infime.
Le tournis des rafiots qui se dandinent, dans le flamboyant clapotis du quai, à l'heure où la rade dort encore.
L'hymne berce mon front
– la féerie de son rythme, dans l'unique musique de mon souvenir !

L'hymne me quitte, je m'endormirais presque, si ce n'était ce halètement entêté.
Je ne serais donc pas mort ?
Le calme est là, une douceur sur mon visage s'est mise à s'offrir, je m'y laisse prendre, m'y laisse l'accueillir.
Elle lui susurre à l'oreille, la quiétude du moment.

Dans les airs, passe élégamment cendre grise, fragile, ardente où encore s'inscrit l'écho qui m'appelle.
L'écho prêt à se fondre, dans le bleu éthéré du ciel.

Les champs de blé flottent et se craquent dans le vent, les pierres roulent
sous mes pas, dans les chênes Kermès, la fragrance de l'air susurre, le cours d'eau, ample, s'esquive entre les massettes.

J'avance
Les pierres roulent sous mes pas, la peine et la joie se mêlent,
la gaîté parfois si forte, si câline, si fortement câline, blesse, touche, peut faire mal sans même savoir pourquoi.

Elle siffle, chante, crie en moi, s'attise, m'égratigne.
Je me remémore un moment de bonheur, mais un bonheur évité, un bonheur sans raison, il me transperce.

La peine d'un bonheur vrai.
L'ample calme de la rivière, entre les massettes au son de verre, une estampille de ronces en plein cœur.
Les fruitiers embaument de senteurs. Les abeilles s'y activent, perles de soleil qui valent, dans le calme dense.

J’avance
Les pierres roulent sous mes pas, une coquille de noix vide, à l'ombre d'un peuplier se berce.
Les ambulations fiévreuses dans les méandres des songes,

Où était-ce ?
Dans quelle vie, perdue ?

J'avance


 
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   Vincent   
22/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Dans quelle vie perdue...

Est-ce un songe, est-ce une réalité un soupçon fantastique

Est-ce l'inconscient surgissant de nulle part

Ce trajet menant où

Le reflet de la psyché fantasmagorique

J'ai adoré vous suivre dans un inconnu, que je ne connaîtrais pas

   papipoete   
22/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Provençao
Quand, passant devant un cabanon abandonné, la mémoire lève les voiles d'un navire qui accoste au quai des souvenirs.
D'autre songerait " quel vilain débris sur cette garrigue, où l'on put installer une piscine à débordement ; y venir boire un drink' avec tous nos amis in' !
L'auteure, telle Aladin au féminin, nous emporte sur un tapis volant, parmi les sentes rocailleuses, et thyms et romarins, dans une odyssée fantastique où rien ne pique, même pas l'ajonc qui se fait plus moèleux que mousse... et l'on avance dans le présent, le passé, le futur ? là est la question.
NB pour une PREMIERE prose, notre poétesse fait fort, et marque l'esprit à travers cette déambulation, où quelques mots savants ponctuent le chemin, mais se font comprendre sans manière.
" soudain, entre les rameaux un petit filet d'eau fraîche... " est le passage que j'ai préféré... dans ce voyage où je pourrais soupirer à notre guide
- comme c'est beau ! comme ça sent bon !
Un texte à emporter en séminaire, dans quelque retraite, pour... s'évader !
Bravo à l'auteure !

   Polza   
22/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Provencao,

Votre poème et surtout son leitmotiv « J’avance » m’a fait pensé à la chanson de Bernard Lavilliers (artiste que j’aime beaucoup) 15e round.

J’ai beaucoup aimé la façon dont le récit se déroule, comme une sorte de rêve que vous racontez. Je suis complètement rentré dedans, c’est comme si j’y étais, la qualité de votre plume y est pour beaucoup !

Je pense que c’est un texte qu’il faut relire plusieurs fois pour en appréhender toutes les subtilités, toute la poésie, la délicatesse, mais aussi les tourments.

J’avais vu passer votre poème en EL, je n’avais pas eu le temps de le commenter, mais à l’époque, j’ai cru que la personne qui avait écrit ses mots avait oublié de préciser qu’il s’agissait d’une participation au concours N°35 avec pour thème la photo porte sur l’inconnue.

« Le silence y flâne, en silence, son chant les harcèle, frisson. » je comprends l’image que vous avez voulu faire passer, mais j’aurais peut-être préféré que le silence y flâne en secret ou quelque chose du genre…

Soudain entre les rameaux, un petit filet d’eau fraîche » la ponctuation n’est vraiment pas mon point fort, néanmoins, j’aurais bien vu une virgule après « Soudain ». Idem pour le soudain qui suit pour marquer le soudain, l’appuyer.

Un bien agréable poème qu’il me faudra relire dans quelques jours et plusieurs fois encore pour aller au-delà des mots…. J’oubliais. De part sa féerie et certains des aspects de votre poème , j’ai parfois pensé au roman de Mikhaïl Boulgakov « Le Maître et Marguerite » j’adore ce livre !

   ALDO   
22/5/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Je suis avec très peu de réseau...
Je reviendrai pour approfondir.

Mais
j'ai entrapercu bien des choses sur ce chemin...
et bien des chemins dans ce monde qui semble mêler le visible à un invisible...

Bravo

Je reviendrai dans la force du réseau...

   jeanphi   
22/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Un parcours accidenté rempli d'une plainitude parfaite.
Comme le dit votre premier paragraphe, le regard que votre prose amène à porter sur ces découvertes insufle une poésie et une philosophie émouvante dans le commun.
Ce qui pourrait paraître de simples ruines envahies par la végétation devient alors une occasion 'offerte' de s'interroger sur la multiplicité des dimensions du ressenti, de la pensée.

Du cabanon à la borie, plusieurs époques, sans doute, et à l'instar de notre vie présente, vous offrez aux lecteurs de ce texte l'opportunité de comprendre quelles possibilités de nous élever sont présentes jusque dans l'écoute ou l'attente du chant d'un oiseau, dans la sensation d'un cailloux roulant sous le pas, etc.

"J'avance, égoïste du temps", est je crois la formule qui m'a le plus marqué.
Bien des choses pourraient être relevées ici, je retiens particulièrement la justesse du vocabulaire, la beauté et la portée philosophique du propos poétique, et la simplicité qui ressort de l'ensemble pourtant assez fourni.
À l'image de vos commentaires, votre poème m'a fait voyager en moi-même.

   Catelena   
27/5/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
"J'avance
Les pierres roulent sous mes pas, la peine et la joie se mêlent,
la gaîté parfois si forte, si câline, si fortement câline, blesse, touche, peut faire mal sans même savoir pourquoi."

Tout pareil pour moi dans cette poésie en prose où j'avance comme en apesanteur, baignant dans un sentiment indéfinissable mais agréable qui me porte tout le long de ma lecture.

Merci Provencao, pour ce bon moment passé à vous lire. Un moment aussi étrange que familier, mais sans savoir dire précisément pourquoi.

Cat

   Dimou   
4/11/2024
Modéré : Commentaire sans rapport avec le texte.


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