Quand, de retour sur lui à l'instant de la mort,
L'œil glacé mais vivant ouvert sur le tombeau,
Il examine, ainsi qu'un peintre son tableau,
Le tracé de sa vie, voilà ce qu'il en sort :

Enfant déjà, sachant les jours sans caractère,
La ville sans stature et les gens monotones,
Il a imaginé d'autres jeux. Les automnes
Lui rappellent l'ennui chutant sur les hiers ;

Il a cherché ses désirs parmi les voyages,
Sur les nouveaux chemins menant aux voluptés
Et à ce que le cœur ne connaît. Excité,
Il a cousu sur lui des chansons, des images ;

Il a aimé pour rien les beautés inutiles,
Le ciel ! l'astre mouillé giclant sur les trottoirs,
Les fleuves argentés, les ombres dans les soirs
— Il a suivi longtemps les danses volatiles

Qui ne se posaient que pour l'emporter plus loin,
Vers les espaces bleus enfouis sous les rêves...
Vers ces rares saveurs que la vie nous enlève...
Aujourd'hui, glissant dans la cave, sans témoin,

Tout au fond du tombeau que des herbes encerclent,
Il contemple son passé sans aucun regret
Pour son passage ici : il peut dormir en paix
— Et son œil se referme en tirant le couvercle.