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Poésie contemporaine
Quidonc : L’« Œil du jour »
 Publié le 14/02/23  -  6 commentaires  -  3372 caractères  -  76 lectures    Autres textes du même auteur

« Je naquis dans le sud de l’Inde, sur les côtes du Malabar, dans une ville sainte qui s’appelle Jaffuapatam. »

Margaretha Zelle


L’« Œil du jour »



Dans un décor exquis de légende exotique,
Vision admirable au parfum de Java,
Quatre femmes couchées au pied du dieu Shiva
Se noient dans une nuit érotico-mystique.

Au milieu du tableau, l’œil du jour apparaît,
Sublime, dans des pas et des pauses d’extase.
L’étincelle qui luit dans ses yeux d’anatase
Insuffle dans les cœurs un suave secret.

La danseuse s’incline, ondule sous ses voiles,
Se dérobe au regard, sourit entre deux tours,
Se déhanche et bientôt révèle ses contours
Dévêtant un sari ouvré de mille étoiles.

La chorégraphie gagne en exaltation,
Contant la jalousie et vengeance et luxure.
À moitié dénudée, s’exposant sans censure,
Elle s’allonge au sol, moite de passion.

Sa volupté dès lors déverrouille le gomphe
Des portes du succès. Le public est debout,
Et comme ensorcelé par un grand marabout,
Paris est à genoux, Mata Hari triomphe.

Paris est à genoux, M***
Tout s’est évanoui, luxe, gloire et amours,
Pour tout récupérer comme à la Belle Époque
Guerre ou paix peu lui chaut, la cigale s’en moque,
L’agent H vingt et un joue avec les vautours.

De salon en salon l’hétaïre espionne,
Mais il est dangereux d’emprunter ce sentier.
Séduisant, minaudant, apprenant son métier
Sans se douter de rien, la belle papillonne.

Mais lorsqu’elle comprend qu’il faut se méfier,
La naïve se tient dans les griffes du tigre.
Le grand inquisiteur lors de s’exclamer bigre,
La raison d’État prime, il faut la fusiller.

Bouchardon, Bouchardon, tu n’avais pas grand-chose
Mais tu requiers la mort, petit homme à l’œil strict.
Esquissant un sourire elle entend le verdict
Victime d’une France en état de psychose.

Paris est à genoux, M***
Toute la semaine il a plu, c’est encore un matin pourri,
La pupille du jour s’éteint dans des remugles d’ellébore.
« Quelle manie ont les Français de vous fusiller à l’aurore !
Il fait si froid sous ce ciel gris.

Il n’est plus temps de badiner, Poincaré rejette ma grâce,
Ne pleurez pas sœur Léonide et marchez plutôt avec moi.
Il fait si froid sous ce ciel gris qu’en chemin j’ai perdu la foi.
Vous savez la guerre est vorace ! »

Vêtue d’une robe élégante, coiffée d’un grand canotier,
La tête droite elle avance sans faillir, elle est magnifique.
Vous savez la guerre est vorace, alors salut la République,
Cueillir la mort est un métier.

Douze fusils prêts à tirer, douze zouaves lui font face,
Refusant de bander ses yeux, elle se met dos au poteau,
Cueillir la mort est un métier. Elle se revoit au château
Alors que douze Lebel claquent.

Aux portes de Paris, le quinze d’un mois d’octobre indécent,
Au pied du fort de Vincennes, le sacrifice se déroule.
Alors que douze Lebel claquent, sans un cri l’almée s’écroule,
Molle qui dégoutte de sang.

« Dieu ! Cette femme a su mourir », dit l’officier qui commande.
Gisante au pied du pilotis son spectacle était le dernier,
Molle qui dégoutte de sang, elle est partie sans larmoyer,
La mort a scellé sa légende.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Miguel   
7/2/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Ce poème est tout sauf classique, et dans cette trop longue narration la poésie finit par se diluer. Elle est présente, pourtant, mais il aurait fallu la concentrer sur un texte plus ramassé. L'attention du lecteur finit par se relâcher car la poésie consiste en des éclats plutôt qu'en de longs développements.

Miguel, en EL

   Ornicar   
8/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J'ai failli passer mon chemin à la vue de votre texte, à l'avance découragé par sa longueur. Aussi, entrepris-je de lire un bout de la fin. Bien m'en a pris ! Et voilà que je dépose ce commentaire.

Vie et mort de Mata Hari (littéralement "l'oeil du jour" en malais) fortement inspirées, pour m'y être référé et l'avoir lue, d'une encyclopédie en ligne bien connue. C'est un poème-fleuve ou plutôt un poème-fresque. A vrai dire, il ne pouvait en être autrement compte tenu du parcours hors normes de cette héroïne tour à tour danseuse, cocotte, courtisane, aventurière, espionne, femme libre et fière avant tout. Trois tableaux composent cet ensemble. Le premier conte ses débuts à Paris comme danseuse orientale, le deuxième sa carrière d'espionne pendant la première guerre, le dernier son exécution.

Ce texte est dense, riche, luxuriant, foisonnant à l'image d'un orientalisme fantasmé encore en vogue avant guerre. Le troisième tableau ne manque ni de souffle, ni de tension dramatique, insistant, avec ses vers de 16 pieds, sur le panache de l'héroïne à l'instant d'affronter le peloton d'exécution. Mention spéciale pour la reprise de l'octosyllabe dans le troisième vers de la strophe suivante.

Pour la catégorie revendiquée, n'en possédant pas forcément tous les codes, je laisse le soin aux spécialistes du genre de passer ce magnifique poème au crible de leur jugement dernier. Peut-être un "e" non élidé à la strophe 4 ("A moitié dénudée") ? A voir...

Je relève bien quelques coquilles ou erreurs de frappe sans importance que les correcteurs s'empresseront de réparer avant publication définitive : un espace et une virgule mal placés après "la danseuse s'incline", un espace manquant entre "dès" et "lors" (strophe 5), un "s" manquant à "mois d'octobre". Je suppose que le "s" à la fin de "pourris" (strophe 10) est une licence poétique pour envisager la catégorie classique.

La seule chose sur laquelle je bute un peu est l'excès de sifflantes au troisième vers de votre strophe 4 : "s'exposant sans censure". Un peu raide à la lecture. D'autant plus que vous poursuivez au vers suivant ("Elle s'allonge au sol...") comme si l'effet était voulu et assumé.
Il n'en reste pas moins que, sans conteste, ce texte est un très bel ouvrage que j'ai eu plaisir à lire et à commenter.

   papipoete   
9/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
classique
Grietje Zelle danseuse sous le nom de scène de Mata Hari, hypnotise le public venu la voir s'alanguir et finir son tableau presque nue.
Elle séduit le bourgeois bleu blanc rouge et l'uniforme vert de gris, et poursuit son numéro jusque dans les alcôves prussiennes, et tombe dans un traquenard qui la révèle espionne au profit des allemands.
On connait la suite, avec ce jugement express où son avocat l'abandonne ; et son exécution passée par les armes, fait d'elle une héroïne tant elle fera montre de courage...
NB difficile de versifier sur cette histoire, dont la danseuse sulfureuse, put faire écrire des pages et des pages !
Mais elle qui faisait se pâmer un public dévergondé, devient un symbole face aux douze fusils pointés vers elle, et put mériter une médaille avant de mourir...
Chaque partie de son histoire ( danseuse, espionne et condamnée à mort ) est fort bien relatée, comme cet "oeil du jour " qui fait tourner les têtes avec ses seins couverts de cupule de bronze en guise de soutien-gorge.
La seconde partie, où elle tombe dans les griffes du tigre, est une transition moins spectaculaire...
La troisième partie qui fera entrer Mata dans la légende, avec cette mise au poteau d'exécution, montre une femme qui n'a pas peur de la mort, la défie même d'un large sourire !
Un poème long, mais il ne put en être autrement, et se lit sans ennui ; particulièrement la dernière partie où même l'officier du détachement est subjugué par tant de " savoir mourir... "
techniquement ;
- 12e vers ( sari/ouvré )= hiatus
- 16e vers ( dénudé/e ) rajoute un pied
et ensuite, le passage d'alexandrins à vers de 16 pieds, puis en octosyllabes...
Difficile de suivre la forme " classique " proposée, comme difficile de traiter cette biographie en vers à pieds, mais chapeau bas à l'auteur !
papipoète

   Marite   
14/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une "petite" page de l'Histoire contée en vers, ce n'est pas évident à réaliser mais ici, j'ai pu la lire sans aucune difficulté, que ce soit dans le rythme où dans la succession des évènements. Les rimes bien agencées et réparties aident le lecteur à poursuivre jusqu'à la conclusion sans lassitude, ce qui pourrait être possible étant donné la longueur de poème.

   Ramana   
14/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Beaucoup de travail dans ce texte affiché en catégorie contemporaine, mais qui présente néanmoins une rigueur certaine côté prosodie. Egalement un aspect original si l'on considère cette deuxième partie en vers de 16 pieds, une découverte pour moi. je trouve cette triste histoire bien narrée, et pour tout dire, cette fille, j'aurais bien aimé la sauver en la cachant sous mes draps...

   Edgard   
14/2/2023
Je ne me suis pas ennuyé à lire ce poème, pourtant bien long. C'est que l'histoire accroche: on en connaît la fin mais qu'importe, on va au bout.
Les premières strophes m'ont paru très "détachées", sans vraiment générer d'émotion, c'est peut-être un peu dommage, très descriptives. "Vision admirable au parfum de Java" "Se noie dans une nuit hérotico- mystique".
Au long du texte:
On balance entre un ton un peu ironique, presque badin, "Le grand inquisiteur lors de s'exclamer Bigre" puis
"La pupille du jour s'éteint dans des remugles d'ellébore" c'est presque un peu alambiqué,
ou: "Alors que douze Lebel claquent, sans un cri l'almée s'écroule" Plus empreint de sincérité, plus émouvant. J'aime mieux.
Je ne sais pas dire si c'est perfectible, c'est un gros boulot, je mesure la tâââche. Mais mon ressenti est positif.
(Moi aussi Ramana...sous les draps...trop tard. Bien fait!)
Bien cordialement.


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