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Poésie classique
Ramana : Apocalypse
 Publié le 02/07/17  -  11 commentaires  -  1843 caractères  -  167 lectures    Autres textes du même auteur

Un âge d'or perdu dans le livre du temps, puis un âge d'argent, un autre d'airain, et un dernier de fer avec sa fin prochaine… Et tout recommencera…


Apocalypse



C'est comme un ouragan tout au loin sur la plaine,
On entend le bruit sourd du vent qui se déchaîne
Et déjà fait trembler l'aura de nos flambeaux.
Une vague d'effroi se propage dans l'ombre,
Car la nature craint cette nature sombre
Au souffle colportant l'haleine des tombeaux.

C'est un âge de fer à la mine pâlie
Qui, devant nous, répand sa nature salie.
D'épais nuages noirs assombrissent les cieux ;
On dirait que plus rien, ni grâce, ni prière,
Ne pourra traverser cette opaque barrière
Séparant à jamais les hommes et les dieux.

Un grondement lointain remontant de la terre
Qui, jusque sous nos pas, rend livide la pierre,
Semble muer le sol en un gouffre sans fond.
C'est un temps de répit, mais en chaque demeure,
Nul ne connaît le jour et nul ne connaît l'heure ;
De cet événement, tout être se morfond.

Qu'il est loin le printemps, sa lumière dorée
Réchauffait au matin la lande évaporée,
Prodiguant à nos cœurs sa paisible vertu.
Aujourd'hui, l'océan roule son amertume
Et balance à l'ennui ses vagues de bitume ;
À l'horizon, l'espoir depuis longtemps s'est tu.

Oh ! Peuples esseulés, qui pourrait croire encore
Que sûrement, demain, se lèvera l'aurore ?
Partout, la bête immonde exprime sa fureur,
Confisquant l'avenir en un triste présage ;
Est-il encore un preux qui ne se décourage
Au ventre des maisons muettes de terreur ?

Mais quoi ! Ce qui se lève un jour enfin retombe ;
Il n'est pas de berceau sans qu'il n'y ait de tombe,
Et le feu de Shiva perd les mondes aussi.
Lors, chacun se souvient de ces pages du Livre :
Quand les temps seront là, ceux que la foi délivre
Sauront que je suis Dieu… Qu'il en soit donc ainsi.


 
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   Donaldo75   
11/6/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
(Lu et commenté en EL)

Bonjour,

Le ton de ce poème est très emphatique, presque surchargé par moment, ce qui sonne bien avec les alexandrins.

Mes remarques:
* Des rimes parfois convenues, sorties du catalogue de la poésie classique selon grand-papa (flambeaux, tombeaux, pour ne citer que cet exemple)
* Des images religieuses parfois aléatoires (que vient faire Shiva ici, alors que le ton est profondément occidental)
* Le quatrième sizain entrait bien dans un retour en arrière; malheureusement, le suivant nous remet dans l'apocalyptique; c'est un choix intelligent car il plombe encore plus l'atmosphère.

C'est lourd, mais l'Apocalypse n'est pas un moment léger, et bien composé.

Merci pour la lecture,

Donaldo

   Robot   
14/6/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Commenté en espace lecture:

Pas emballé. Hormis l'écriture un peu emphatique dans l'esprit de ce type de récit, le fond ne me parle pas. On est loin de Saint-Jean (auteur présumé ?) que j'ai lu et relu avec un intérêt littéraire malgré mon agnosticisme.
Si l'acception "moyenageuse" de catastrophe donnée au mot apocalypse est essentiellement présente dans le monde chaotique que nous présente ce texte, ici on n'a pas une vision mais une description dont on se demande ce qui l'inspire.
Il y manque ce que toute apocalypse digne de ce nom devrait contenir: Une révélation et une espérance. (Jean Apocalypse 20 à 22 - ce qui se passe après le bouleversement du monde)

   Marite   
2/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un thème ô combien éloigné de nos préoccupations actuelles. Certaines contrées du Monde font face à une sorte d'apocalypse lorsque des catastrophes naturelles, gigantesques, s'y produisent. A vivre dans une atmosphère aux horizons limités on se pense à l'abri et pourtant ...
L'ensemble de ce poème me séduit, à la foi par le rythme, des battements sourds et réguliers, quatre par vers, ont accompagné ma lecture, mais aussi par les descriptions qui s'y trouvent.
" C'est comme un ouragan tout au loin sur la plaine,
On entend le bruit sourd du vent qui se déchaîne ..."
Peut-être faut-il se placer au-delà de certaines références religieuses (Shiva ... St Jean ... etc) pour percevoir ici la force et l'impact des mots choisis.

   Lariviere   
3/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Ramana,

J'aime plutôt ce style d'emphase. Je trouve que c'est un ton qui correspond bien à la lecture, une lecture ample, oisive, indolente et non empressée... mais c'est peut être mon coté méridional, ça !... ;)

J'apprécie sur le fond, ce que je crois être du sarcasme, voire carrément de l'ironie, sur le vers de fin. 

Effectivement, le "Qu'il en soit donc ainsi" final, c'est à dire cette expression religieuse et son essence aussi dirigiste et totalitaire que passive et fataliste, me parait dans ce contexte utilisée justement pour appuyer le sarcasme et le regard critique de cette "conception" et non pour approuver l'état de fait. 

Sinon, je passe à coté du texte en le percevant à l'envers de son endroit...

"Oh ! Peuples esseulés, qui pourrait croire encore
Que sûrement, demain, se lèvera l'aurore ?
Partout, la bête immonde exprime sa fureur,
Confisquant l'avenir en un triste présage ;"

C'est ce passage qui me fait basculer sur le fond entre un "j'aime" et un "j'aime pas"... La "bête immonde" est une référence du genre, en terme de dénonciation du fascisme et plus précisément dans notre magnifique pays, riche de toutes les cultures et les métissages passés et à venir, où il fait directement référence à un certain parti historiquement d'extrême-droite (quoi qu'il en dise) qui était minoritaire et qui est devenu en peu de temps la seconde force politique du territoire, ce qui est quand même déconcertant, pour ne pas dire pire, si on prend le temps d'y réfléchir cinq secondes...

C'est un texte sans concession mais qui rappelle bien que les peuples qui se sentent "abandonnés" par leurs élites font parfois de curieux et terribles choix, qu'ils soient choix personnels fanatisés par la foi par exemple, ou qu'ils soient de masse, autorisés par des dogmes ou des idéaux, avec alors les grands massacres de congénères toujours en prévisions...

La forme ne me rebute ni ne m'attire. Il n'y a pas d'audace stylistique sur la construction, mais il n'y a pas non plus de grosse maladresse d'écriture.

La forme permet de lire aisément et c'est je crois son ultime fonction ici, c'est à dire lire ce regard posé un peu à la Daumier, de façon satirique, mais avec des mots, sur cet état des lieux mondialisé chaotique et cette (qué)quête de sens illusoire et dévastatrice du divin exacerbé par le silence grandissant du sacré étouffé sous le poids envahissant du profane et des plaisirs vulgaires, éphémères, matérialistes, dans un monde consumériste (au moins en occident) ou de plus en plus, et malgré la frustration croissante, l'Avoir prend irrémédiablement le pas sur l'être... 

Pour résumer le constat fait dans ce texte, si je ne me trompe pas dans le sens profond, je citerais cette phrase :

"Plus Dieu est absent, plus Dieu est grand".

En ce sens, le sens sur le fond est plus profond qu'il n'y paraît.

L'auteur observe, entre cynisme acerbe et bienveillante "neutralité" cette poussée de fièvre mystique et il décrit les malheurs à venir sur le Monde.

J'ai trouvé ça, si je ne me trompe pas trop dans l'interprétation, particulièrement réussi et j'ai aimé.

En vous remerciant pour cette agréable lecture, je vous souhaite une bonne continuation dans votre démarche d'écriture.

EDIT : je n'avais pas lu l'incipit (en général je ne les lis pas) ; celui-ci me confirme déjà que l'inspiration de cette "apocalypse" est plus cyclique en lien avec les mythes païens antiques (Grecs) qu'avec les religions monothéistes. Je partage aussi ce point de vue spirituel. Il faudrait peut être d'ailleurs oser prolonger ces mythes originels qui ne se clôture malheureusement pas si vite... Après l'âge de fer, nous voici en plein dans l'âge de "plastique"...

   BeL13ver   
3/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un point de vue poétique sur l'Apocalypse qui montre bien peu d'espérance, le "Qu'il est soit donc ainsi" qui conclut est bien désabusé. Ce texte me semble, en tous cas, bien plus parler des conséquences de l'exploitation de la Nature contre l'homme, ce qui est actuel. D'où l'opposition entre la "nature" et la "nature sombre". De nombreux passages évoquent des catastrophes plus humaines que naturelles, telles que des marées noires ("l'océan roule son amertume,/ Et balance à l'ennui des vagues de bitume"), une déflagration atomique ("c'est comme un ouragan tout au loin sur la plaine", le mot comme y a tout son sens), les catastrophes industrielles ("un âge de fer à la mine pâlie"), la guerre ("Oh ! Peuples esseulés"). La seule catastrophe naturelle précède d'ailleurs "un temps de répit".

Belles références au Livre de l'Apocalypse "la Bête", "Nul ne connaît le jour et nul ne connaît l'heure", "ceux que la foi délivre/ Sauront que je suis Dieu". À propos de cette dernière phrase, elle ne cautionne ne rien le message de Saint Jean, d'où, probablement, que l'auteur insiste peu sur l'Espérance. Cette dernière phrase me paraît plutôt désabusée : comment des gens peuvent-ils croire au bonheur éternel dans un monde de malheurs ?

L'Apocalypse est là parce que l'homme est là. C'est le sens que je perçois de ce texte. L'homme a besoin de se rassurer en s'imaginant un créateur, selon l'auteur.

Même si je ne partage le point de vue exprimé, j'aime beaucoup ce poème, qui parle très profondément de la révolte et de la cruauté.

   archibald   
3/7/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je salue la performance : écrire un pastiche de Victor Hugo, c’est une gageure et je me représente bien le boulot que cela représente. Il y a là toute une collection de figures de rhétorique propres à l’auteur que jfmoods se ferait un plaisir d’analyser. Peut-être le fera-t-il.
N.B. : j’aurais écrit “Il n’est pas de berceau sans qu’il ne soit de tombe”, pour la symétrie du verbe “être” dans les deux hémistiches.

   Cristale   
3/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Ramana,

Un poème dense, une belle écriture, des vers soignés, des sizains qui respectent la forme qui leur est due, je n'ai rien à dire qui puisse aider l'auteur, son niveau est manifestement élevé.

Le fond ne me laissa pas indifférente mais je ne suis pas certaine de savoir en débattre avec suffisamment de recul.

Merci Ramana pour ce poème soigné que j'ai plaisir à lire et relire.
Cristale

   Ramana   
4/7/2017

   Anonyme   
12/7/2017
 a aimé ce texte 
Bien
J'apprécie l'homogénéité du vocabulaire, d'inspiration romantique, et salue la réussite.

Le dévoilement de la nature du narrateur ne me convainc pas et le poème ne reprend pas le plan suggéré par l'accroche (le résumé). Le thème de l'apocalypse est rendu par des bouleversements plus explosifs que ceux que vous avez proposés. Il gagne à être mis en perspective ; l'apocalypse peut être interprétée comme l'échec annoncé du christianisme, comme une vengeance divine, comme un second déluge, comme la guerre de tous contre tous. Dans le dernier cas, ce n'est plus un phénomène surnaturel mais social, dépendant d'hommes qui ne croient plus en l'humanité et se laissent guider par la passion haineuse.

   Queribus   
1/8/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Ramana,

Rien à dire sur la forme qui frôle la perfection malgré un côté Leconte de l'Isle un peu dépassé mais beaucoup de poètes aimeraient maitriser la langue et la prosodie comme vous le faites; comme d'autres auparavant, je me suis demandé aussi ce que venait faire ici le dieu Shiva dans un texte d'inspiration plutôt chrétienne mais est-ce peut-être pour lui donner un aspect plus universel. Quoi qu'il en soit, voilà de la belle ouvrage que chacun devrait obligatoirement venir lire pour enrichir ses connaissances et sa pratique de la poésie en vers.

Bien à vous.

   Terri_Peirton   
3/9/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très beau poème, un plaisir un lire.... Le rythme me porte, les sonorités me sont douces et les images bien choisies.

La prière a sans doute beaucoup à voir avec la poésie. Cadou de temps à autre immisçait une allusion à la Religion. C'est un risque, qui ne remet pas en cause l'essentiel ... mais c'est un risque.

Il y a à l'évidence de la poésie ici... et c'est ce qu'il faut retenir.

Merci.


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