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Poésie néo-classique
Ramana : Atavismes
 Publié le 27/02/25  -  9 commentaires  -  2206 caractères  -  121 lectures    Autres textes du même auteur


Atavismes



Graines de mes aïeux, poussière des tombeaux
Qui, des œuvres du temps, peuplez ma solitude,
Vous n'êtes plus ; je suis, de votre multitude,
L'ultime réceptacle où se mêlent vos eaux.

De vous, je sais le vent qui se grise des blés
Dans le creux des vallons, l'attente de la pluie
Sur la terre au printemps, le front que l'on essuie
Sous le feu des moissons aux rythmes endiablés.

Héritier de vos sens et gardien de vos mots,
J'aime le goût du vin que l'on tire à la pièce,
Le spectacle de l'âtre où la flamme en liesse
Ravive au soir venu comptines et ragots,

L'odeur forte et subtile émise du pétun
Lorsque entre deux fourneaux, la veuve bisaïeule,
Toute application tasse son brûle-gueule
Et lance à petits traits ses salves de parfum,

L'eau claire de la source où puisent au grand jour
Les bras nus et hâlés d'antiques lavandières
Qui s'en vont perpétrer leurs coutumes guerrières
Sur la pierre où l'on bat les linges tour à tour.

Je pleure le tourment de l'humble laboureur
Lorsque son compagnon, fidèle et vieille carne,
Qui, lavé par les ans, s'épuise et se décharne,
S'abat sur le sillon de son dernier labeur,

L'immense désarroi de celles dont le sort
Fut d'attendre au foyer leurs hommes qu'une bouche
Pestilente de poudre et de verbe farouche
Exigea de leur sang le tribut le plus fort.

Et l'homme sous le fer en l'ignoble cachot
Suintant de sa peur et de son indigence,
Animal aux abois et dont on dit qu'il pense !
Ah! Je suis bien de vous, issu du même flot.

Mais dans l'air sublimé de promesse et d’espoir
Où vos songes sont nus de n'avoir plus de formes,
S'élève, radieux, sur la cime des ormes
Votre vif, immortel et généreux vouloir.

Dernier né je vous dois, spectres des jours lointains,
De l'énigme des sens la clé qui fut la vôtre,
La force d'être vous, la chance d'être l'autre,
L’empreinte de mes pas au cœur des lendemains.


___________________________________
Texte avec un mot changé avant publication.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Mokhtar   
16/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce texte nous immerge au début du XXe siècle, époque difficile, tant par la rudesse des conditions de vie que par la survenance de la guerre. Plusieurs scènes de l’activité quotidienne sont dépeintes, dont le souvenir un peu nostalgique, presque émaillé de tendresse, ne dissimule pas une souffrance que le modernisme a abolie.

À l’image d’un enfant élevé « à la dure » qui aborde la vie avec force et courage, le narrateur puise dans les gènes, l’exemple et l’âme de ses ancêtres pour aborder sa vie avec abnégation. Et cela face à des luttes et contingences qui ne sont plus les mêmes, mais… qui sont. De la vie et de la mémoire de ses aïeux disparus se transmettent des leçons et des connaissances qui perdurent au profit des générations suivantes. Et c’est le sens du courage (« généreux vouloir ») qu’il puise dans une lignée qui lui confère une identité, et dont il revendique l’appartenance (« la force d’être vous »).

L’écriture et la versification sont brillantes et impressionnent. Un petit regret : le vers « Ah ! Je suis bien de vous, issu du même flot » , une des clés de ce texte, est placé en fin d’une strophe évoquant des prisonniers de guerre. Cette déclaration d’appartenance, qui, de fait, concerne bien tous les personnages évoqués dans les sept strophes précédant, risque d’être réduite (surtout en première lecture) à celle des prisonniers. Peut-être cette proclamation aurait-elle mérité…son propre quatrain mettant en valeur son importance.

Pour la forme, on trouvera bien dissimulé un Hi-atus imperceptible et une rime revendiquée par l’oreille au mépris de l’œil, susceptibles de virer le poème en néo-classique. Mais néo= nouveau. Écrit en alexandrins, évoquant des scènes d’un autre siècle, et des valeurs traditionnelles, ce texte soigné manque-t-il de modernisme ??? …Pas sûr…Pas sûr du tout…

Merci pour ce plus qu’intéressant moment de lecture dense et enrichissante.

Mokhtar, en EL

   BlaseSaintLuc   
17/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Le texte veut en dire beaucoup, avec respect, hommage vibrant chargé d'une émotion non feinte.
Poème bavard donc, mais c'est pour mieux dépeindre. (les aïeux ?)


l'entame est magnifique

"Graines de mes aïeux, poussière des tombeaux
Qui, des œuvres du temps, peuplez ma solitude,
Vous n'êtes plus ; je suis, de votre multitude,
L'ultime réceptacle où se mêlent vos eaux."

Je perçois la fragrance de la lavande au niveau du lavoir et le souffle dans la main d’un chêne, l’arbre dont les racines chatouillent les pieds des fantômes du cimetière, une histoire marbrière...

   Lebarde   
19/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Ne rien renier de ses ancêtres, de leurs origines, de leurs qualités comme de leurs défauts et faiblesses et accepter et être fier de porter les "Graines de mes aïeux".

Etant le "Dernier né je vous dois, spectres des jours lointains,
De l'énigme des sens la clé qui fut la vôtre,
La force d'être vous, la chance d'être l'autre,
L’empreinte de mes pas au coeur des lendemains."

L'idée est bonne; assumer les ressemblances et perpétuer l'hérédité avec fierté. Oui l'idée est bien louable et ce poème classique traite le sujet avec beaucoup de savoir faire , d'élégance et de poésie.
L'écriture d'une belle fluidité rend la lecture plaisante.
Bravo.

Sur la forme je relève un hiatus (qui/incline) et une synérèse/diérèse sur "suintant ", bien peu de choses que la catégorie classique n'acceptera pourtant pas.
C'est bien dommage car ce poème superbe pétri de qualités ne mérite pas ce déclassement.

   Cyrill   
20/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une leçon d’anthropologie doublée d’un hommage vibrant, et avec quel lyrisme !
Aragon n'est pas loin dans cette adresse :
« Animal aux abois et dont on dit qu'il pense !
Ah! Je suis bien de vous, issu du même flot. »
(=> « ah je suis bien votre pareil... »)
Il faut parfois relire pour intégrer la syntaxe un peu complexe. Ce n'est pas un obstacle à l'empathie qu’on éprouve à la lecture et les idéaux d’humanisme convoqués se ressentent profondément.
Le poème égraine les aïeux avec emphase et respect, chacun peut retrouver les siens dans cet inventaire. L’ultime quatrain évoque à la fois un devoir de mémoire et de perpétuation.
Bravo pour cette belle et longue poésie.

   Ornicar   
20/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Magnifique raccourci anthropologique et historique.
Dans ce poème, le narrateur rend un puissant et vibrant hommage aux "aïeux". Non pas les siens, ou pas seulement, mais aussi tous ceux qui l'ont précédé, toutes lignées confondues. Pour preuve ce très beau titre avec son pluriel ("Atavismes") qui est plus qu'une simple coquetterie d'auteur. C'est la marque d'une expérience commune et partagée qui confère alors au texte une dimension universelle dans laquelle chacun de nous peut se reconnaître.

Il y a du souffle dans ce poème, de la générosité et de la gratitude dans l'hommage. Par la puissance évocatrice de ses mots simples et de ses images qui fleurent les terroirs d'autrefois, cet ensemble m'évoque l'image d'un fleuve à la fois paisible et imposant, mélange de force et de retenue, comme sait l'être une certaine forme de sagesse à la fois populaire et ancestrale. A son tour, en nous offrant ce poème, l'auteur inscrit ses pas, en toute humilité, dans ceux de la multitude qui l'a précédé et fait oeuvre de transmission. Comme le fleuve, l'écriture est maîtrisée et fait preuve d'amplitude.

En tant que lecteur, on sent que le narrateur s'estime pleinement redevable envers ces générations qui l'ont précédé. Pour ce qu'elles lui ont transmis, ce qu'elles lui ont permis d'être et de devenir, ce qu'elles ont enduré enfin, de peines et de guerres. Et nous le sommes avec lui. Je pense aussi à un Charles Péguy, tombé au front et dans les oubliettes de la mémoire collective, guère enseigné de nos jours, j'imagine. Tout aussi étrangement ou naturellement, je ne sais, je pense aussi à l'idée de "patrie", non pas celle cocardière, va-t-en guerre et revencharde brandie comme un étendard, mais la patrie en tant que patrimoine et socle de valeurs humaines, communes et partagées. Pour un temps, je mets "mon" Brassens sous le boisseau...

Voilà modestement ce que m'inspirent ces vers. Merci pour ce poème qui force notre respect.

   papipoete   
27/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Ramana
Vous êtes redevenus poussière, vous mes aïeux dont le souvenir m'est si présent ;
que ne saviez-vous point de la terre, qui colle se repose et donne des récoltes escomptées, après l'avoir dûment travaillée ?
que ne connaissiez-vous point de l'air du temps, qui se veut ami, qui bientôt va se fâcher, qui donne le top aux semailles, à la récolte ?
que ne saviez-vous de la vigne, qui sera généreuse ou hélas tombera malade ?
que n'avez-vous point pleuré en silence, quand votre vieille carne rendit son dernier souffle ?
que n'avez-vous point souffert sous le joug germanique, et le fer d'une geôle...
Je sais tout de Vous, et mène ma barque sur les mêmes flots que vous affrontiez...
NB et je regarde votre fantôme me parler
" ast-tu bien tout compris ? "
Toute la palette des us et coutumes d'avant, s'égrènent sous votre plume, avec la chaleur de l'âtre, le ciel à connaitre et respecter ; ces femmes qui tapent le linge au lavoir, mais qui attendent aussi le retour hypothétique du soldat.
des couleurs, des senteurs, des sentiments profonds ; nous sommes dans l'ombre de ces aïeux, de par votre méticuleux journal bercé de poésie.
le 6e strophe, avec la mort du compagnon ami de l'homme est mon passage préféré.
la forme " classique " ne doit pas être loin de ces dodécasyllabes, que le " néo " habille néanmoins de beaux atours.

   M-arjolaine   
27/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
J'ai beaucoup aimé ce poème, que ce soit dans la forme, régulière et maîtrisée qui se déroule toute seule sans accroc, ou dans le fond qui m'a touchée, évoqué des images claires, sans jamais me donner l'impression de me perdre. C'est un bel hommage aux ancêtres et à ce qui vit encore d'eux à travers nous.
Je ne connaissais pas le mot "atavisme" !

   Stuart   
28/2/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Absolument magnifique ! Un langue belle, qui nous relie à notre passé, à l'existence de celles et ceux qui vécurent avant nous, dans le dur labeur, la résistance et l'espérance.
J'aime particulièrement la strophe six, aux accents hugoliens...
L'ensemble sonne comme un éloge à la France, à celles et ceux qui partout dans le monde, aiment notre belle langue. Bravo et merci pour ce moment de recueillement !

   Ramana   
1/3/2025


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