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Poésie en prose
Raoul : Papier peint
 Publié le 11/09/12  -  8 commentaires  -  1561 caractères  -  191 lectures    Autres textes du même auteur

Le noir et blanc c'est déroutant.


Papier peint



Tapissées jusqu'au ras des huisseries dont l'huissier ne s'est pas encore emparé, les grosses fleufleurs du papier peint attendent, sans doute en vain, le bovin qui viendra les brouter d'un œil vague et bleu, car on n'a jamais vu vache dans les étages.
Elles ont fait des saisons qui passent, de leurs couleurs qui passent aussi, comme des petits nids serrés à l'armoire, aux chevets, au grand miroir qui les démultiplie, au portrait de Georgette à lunettes, à celui d'Eugène en zouave, à la pendule et sa cheminée qui restent du même marbre "rouse" (mi-rouge mi-rose).
Ce papier-là, peint, est comme une vieille maman qui entoure et suce la moelle à son grand qui va bien sur ses quarante maintenant.
Si l'on n'y prend pas garde, il englobera bientôt de sa couleur molle, le canapé, les tentures fatiguées, et même le manteau de qui s'adosse au mur du fond qui est à cour, au mur du fond qui est à jardin.
Au départ, elles étaient pourtant d'amples beaux chrysanthèmes (la vogue des chinoiseries), mais, vieilles et fanées, elles sentent l'immuable routine du pas de la pantoufle, la crotte de mouche stratifiée par dizaines d'années, le potage filandreux au poireau, le museau vinaigrette de garde-manger, l'usure des poires qui veillent sur l'électricité des ampoules à filament, et, de temps en temps la savonnette, de temps en temps…

C'est pas demain qu'la vache.


 
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   Pimpette   
16/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Superbe! Rigolo et vrai car j'étais étonnée que notre auteur connaisse, lui aussi, le 'séjour' de ma tante Agathe!

Il faut absolument vous lancer dans un truc plus long en gardant ce style ironique, un peu vachard mais sans méchanceté...un recueil de nouvelles courtes et denses serait un bon choix, non?

J'espère que vous n'êtes pas le super Tanguy malheureux dont auquel il est est fait allusion côté cour...ou côté jardin...je ne sais plus...

BRAVO!

   Anonyme   
22/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est un texte qui ne peut par laisser indifférent : on aime ou on déteste. J'aime le style enlevé, l'humour constamment présent et les trouvailles qu'il a suscitées, la façon dont l'auteur a su créer une atmosphère glauque, crasseuse, poisseuse, morbide qui possède une vraie épaisseur. J'ai détesté l'esprit où pointent le mépris et le dégoût de tout ce qui est vieux, démodé, abîmé par le temps, par l'âge ou par les petites infirmités. Georgette et Eugène ont aussi été jeunes,heureux, peut-être beaux. N'auraient-ils pas mérité un peu de clémence, de tendresse, au moins un peu de respect. A la lecture de ce texte et à mon âge, j'ai pensé réclamer l'euthanasie. Je salue les qualités littéraires, pas l'esprit du texte.

   Marite   
11/9/2012
Pour ma part, je n'ai ni aimé, ni détesté. Certes c'est bien écrit et le temps de ces quelques lignes nous avons une vision de cette pièce vieillie, fatiguée jusque dans ses moindres recoins.
N'ayant pas trouvé de poésie dans ce texte très court, je reste seulement avec une impression : la catégorie "poésie en prose" a été choisie par l'auteur car cet écrit ne pouvait entrer dans aucune autre de celles proposées par le site (impossible pour "nouvelles" car aucune action, aucun personnage, aucune évolution dans la situation décrite ... etc).

Ah ! J'oubliais : pas compris "Le noir et blanc c'est déroutant" ???

   Lunar-K   
11/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Raoul,

Une approche fort amusante pour un thème qui, finalement, ne l'est pas tant que ça... De l'attrait de la nouveauté à l'habitude un peu lasse, l'envie de changement et la difficulté de s'y résoudre, guettant comme un signe peu probable du destin (une vache aux étages en l'occurrence...) pour faire la chose à notre place, nous sortir de cette inertie qui peu à peu contamine l'ensemble de la vie quotidienne.

Un texte drôle et alerte, original aussi. Bien écrit malgré quelques choix qui me laissent un peu plus perplexe. Ainsi le mot-valise : "rouse". En lui-même, je ne le trouve déjà pas terrible du tout, mais alors avec la parenthèse explicative qui suit directement... Je pense que vous auriez dû privilégier, à la limite, une note en bas de page pour définir ce mot, plutôt que d'insérer ainsi la définition à même le texte.

J'ai également un peu bloqué sur "Ce papier-là, peint, ...". Personnellement, j'aurais mieux vu un simple "Ce papier peint-là" qui me paraît plus fluide et direct, peut-être plus en phase avec le reste du texte...

Sinon, vraiment un bon poème selon moi. Portant un regard vif et humoristique sur ces habitudes qui peuvent parfois miner, voire affadir, notre vie de tous les jours... En attendant qu'la vache...

Bravo, et bonne continuation !

   brabant   
11/9/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Raoul,


Beaucoup de tendresse (qu'il faut aller chercher car j'ai été dérouté de prime abord) dans ce papier usé comme le temps, avec quelque part des odeurs peut-être parfois trop intimes, en tout cas que l'on n'a pas envie ou que l'on ne se sent pas forcément le droit de déranger.

"C'est pas demain qu'la vache" ira brouter ses grosses fleufleurs passées !

A mon avis ce "Papier peint" a encore de beaux et longs jours devant lui, à nidifier, à se démultiplier, se caméléoniser, materner à outrance, sentir la pantoufle, la crotte de mouche, le potage au poireau, le museau vinaigrette et la savonnette sous la chaleur des ampoules comme des poires.
Cet angle suranné tient de l'immanence.
Original et très Vieux Siècle.


J'espère qu'il y a un train, une gare quelque part dans le lointain du jardin... pour occuper la vache !

lol et bravo et Merci !

   Meaban   
12/9/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
parce que cela correspond a une part de ma sensibilité, je trouve ce texte virtuose de par ça part de précision chirurgicale et l'imaginaire entretenu lors de ma lecture

merci raoul

   David   
15/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Raoul,

Un curieux poème, au charme qui se griffe sans cesse j'ai envie d'écrire, la mélancolie sensible n'émerge que pour mieux replonger dans une lucidité de façade - de papier peint - qui ne cherche guère à tromper qui que ce soit. Une tendresse aussi, que je trouverais plutôt dans des formulations, datées ou inventées, je ne sais pas, telle que : "et même le manteau de qui s'adosse au mur du fond qui est à cour, au mur du fond qui est à jardin.".

Les couleurs et le temps qui passe sont très présents, le "noir et blanc" évoquerait des photos anciennes, celles de Georgette et Eugène, peut-être d'autres encore. La vache pourrait être un code de couleur aussi, ou de dessin pour son cuir tacheté que le décor singerait d'une façon pas très clair, des taches d'humidité peut-être.

   Lotier   
2/5/2014
Bonjour Raoul,
J'aime bien les vieux papiers peints, j'aime bien aussi la dérision sur les vieux papiers peints, et, avec la dérision, la nostalgie et la tendresse. C'est mou, c'est fané, fossilisé. C'est avant l'eau courante. Si les vaches ne montent pas les étages, on sent bien qu'elles sont au rez-de -chaussée. Il ne manque à mon imaginaire qu'une vieille pendule, une comtoise, pour y être, tout à fait.
Merci pour cette poésie !
À bientôt,
Lotier


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