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Poésie en prose
Raoul : Projets indéfinitifs
 Publié le 07/01/21  -  8 commentaires  -  2685 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur

« Toute l'écriture est de la cochonnerie. »
A. Artaud.


Projets indéfinitifs



Déplacer des objets pendant leur absence. Panser la parole blessée. Compter sur la malchance pour réussir. Relire le relié et le paginé. Rassembler ces petits os que les sots laissent. Confondre le présent et le cadeau. Attendre la pluie de pied ferme. Amener le petit d'homme à son terme. Caresser le NAC dans le non-sens de la plume.
Commencer par la faim.
Ouvrir cette porte qu'est la radio sur la nuit. Céder au faisable paresseux. Épouiller son petit, son grand, son vieillard. Craindre la lame du couteau à amputer. Recracher le dégueulasse. Perdre la clef qui ouvre le microcosme. Incliner ses penchants vers les bas morceaux. Espérer que ce soir on espère que ce soir. Écouter (toujours) la sagesse du muet en cas d'aveuglement.
Cueillir la fleur velue du monde chauve.
Trafiquer jusqu'en Abyssinie. Parler, parler à quelqu'un plutôt qu'à sa montre. Ordonner les travers obliques. Fatiguer l'assise des chaises musicales. Peindre en bâtiments toute cette nature morte. Flinguer la ratatouille au gros sel. Réparer le mal vu, le mal venu, la peine perdue. Rejoindre les poubelles par la poignée de main. Disparaître dans les broyeurs techniques du rire. Endiguer le présent qui s'absente sans retenue. Cacher sa dent derrière. Fonder quelque chose de beau avec l'or du rien. Découvrir que l'anagramme d'image est magie. Voir son propre grotesque.
Vivre histoire de vivre encore un peu. Introduire ses doigts dans la vie secrète. Plonger dans le tumulte des silences. Maintenir à distance et du pied l'animal aux milliers de petites dents qui attaque la poussière.
Faire passer la douleur par un trou de souris. Faire ceci et puis faire cela. Changer de/le monde ou sa/son position/exposition de banlieusard galactique. Effacer la nuit revenante d'un coup d'éponge ou d'éventail. Marcher dans un monologue. Crever les yeux vitreux des portes à ouvertures automatiques. Confier son poids à la pierre de Syngué sabour.
Rater mieux.
Dériver dans l'eau du bain de l'étrange. Déplier ce que disent les Descartes. Échapper aux méfaits de son enfance (sont sous les tapis). Rêver à des lueurs sans angle. Voir ce qui cerne. Photographier mon espace bancal. Aller beaucoup trop vite. Nommer ce qui se mange et manger ce qui se nomme. Entretenir le feu du mammouth. Embrasser le ciel du Skylab. Produire du rien avec patience. Jouer de la guitare bleue en amateur cubiste. Allumer la lumière dans la poudrière. Compter sur trois fois rien. Éteindre la mouche déjà prise. Remettre son cœur à l'ouvrage. Déplaire à qui me plaît. Substantiver confondre. Cueillir affleure le mal. Souper de la grimace en famille, en amie, en joue, feu !


 
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   Anonyme   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
De ces notations en apparence disparates émerge pour moi une impression générale volontariste, la posture d'un être humain face au monde, qui se tient debout. Je trouve l'ensemble réussi, laissant sa place à l'humour, prenant en compte l'absurde dans le refus de s'y laisser engloutir. Ma « résolution » préférée :
Espérer que ce soir on espère que ce soir.

Je pense toutefois que ce poème en prose pourrait être plus percutant en le raccourcissant. Votre choix, bien sûr.

   Anonyme   
28/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
L'exergue est choisi : résolument provocateur. Un bon titre, merci !
Série d'infinitifs pour ces "indéfinitifs", pas d'injonction, mais des pistes à suivre. Les enchainements d'idées, les références nombreuses et dans beaucoup de domaines (musique, histoire, sciences, littérature) apportent un intérêt supplémentaire au texte.
À noter sur le calendrier, au 1er janvier en guise de résolutions pour l'année à venir.
Sa longueur, médiane, permet de ne pas lasser le lecteur.
Bonne inventivité !

Merci du partage,
Éclaircie

   Anonyme   
7/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Raoul,

Bonne tranche de rigolade avec ces bonnes résolutions absurdes ! Mes préférées : "compter sur la malchance pour réussir" et "jouer de la guitare bleue en amateur cubiste"... j'ai l'impression que vous les avez écrites en pensant à moi ah ah !

Certaines images ont une grande puissance évocatrice, tout en restant humoristiques et quelque peu deséspérées.

Dugenou.

   papipoete   
7/1/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
bonjour Raoul
Comme un voyage en absurdie, l'auteur nous emmène du bout de sa plume, sur des chemins de cabosse...rouler carrosse, et l'on sourit, l'on fait des " oh ! ou des ah oui... " sur le fil de fer d'un jongleur de mots, sans filets... à provision où gesticulent verbes sujets à profusion !
NB il faut parfois prendre sa boussole pour ne pas se perdre, et garder le cap, viser le nord jusqu'au sud...

   Corto   
7/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quel florilège d'évocations tous azimuts !
Une impression de tout est possible, surtout ce qui est inattendu, interdit, provocateur, sans sens autre que celui décidé par le narrateur.

Le style est brillant et d'une imagination foisonnante.

Pour le plaisir je retiens volontiers "Commencer par la faim", "Recracher le dégueulasse", "Marcher dans un monologue", "Déplier ce que disent les Descartes".

Moi mon colon cell' que j'préfère (aurait dit Brassens) c'est "Trafiquer jusqu'en Abyssinie" pour le clin d'œil au poète aventurier, foutraque et bourré de talent.

Bravo

   Pouet   
8/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

de fort bonnes résolutions que voici.

Il y a à voir et à ranger, à boire et à manger, à poussoir et à bouter, à s'asseoir et à danser, à surseoir et à suer, à dormoir et à nuité, à parloir et à fermer, à louvoir et à blouser, à vouloir et à fouisser, à mouroir et à vibrer, à chat-loir et chat-loupé, à trou noir et à rêver, à couloir et à couler.

Je vais garder "rater mieux", faute de rien.

Merci, bonsoir.

   Anonyme   
9/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Raoul,
De beaux projets, en définitive. je pense qu'il faut avoir du cran pour proposer cela. Chaque segment invite à aller plus loin. On peut répondre à cette invitation ou non. C'est loin de tout et j'aime beaucoup. Merci.

   Robot   
9/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un jeu sur in-finitif et in-definitif qui repose essentiellement sur les oppositions et l'humour. Le faisable opposé au renoncement avec une touche de surréalisme. En général je ne suis pas fan des listings poétique mais ici l'expressivité relève le récit.


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