Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Poésie en prose
Raoul : Triptyque japonais
 Publié le 12/08/14  -  9 commentaires  -  5097 caractères  -  104 lectures    Autres textes du même auteur

Lou Ping, To Fou et Shou Ki, ou peut-être Lou Shou, Ki Ping, To Fou… Allez savoir.


Triptyque japonais



Lou Ping dans ses pensées
(poète japonais 1527-1598).


« Lune se déplie
elle grince, c’est un grillon,
éternue pollen. »

[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]

Biographie :
Lou Ping, né d’un père fabriquant d’encre et d’une mère désosseuse de sèche, est très influencé par le travail du noir, ce qui irriguera plus tard toute son œuvre. Il étudie avec les enfants du shogoun local la calligraphie et les maîtres anciens. On sait peu de choses de sa vie si ce n’est qu’il fut fonctionnaire (service du recensement des bouches à nourrir et des coups de bâtons à donner) avant de, touché par l’illumination, se faire ermite errant. C’est sa période de création la plus prolifique, vivant d’un bol de riz mendié ou, plus rarement, d’une salamandre grillée, d’un beignet de légumes ou d’épluchures, ses pensées, aphorismes et haïku viennent aux oreilles (pourtant obtuses) de quelques nobles qui les collectionnent et les collectent.
Ils forment une somme de quelques trois mille six cent deux poèmes diffusés sous le nom de « Écrits du crachoir », « Crachats de l’écritoire » et « Une mouche boit sur mon pied ».
La légende dit qu’il est mort dans les buissons de la région de Kobe où il faisait son petit pipi pour embêter les coccinelles, piqué par un serpent jaloux.

« Lamento des soupes,
la pluie se noie, dans l’étang
galet dans la poche. »

« À l’ombre le vieux
au pied du figuier, se froisse,
un frelon sucré. »

[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]

« La mouche bouillie
parfume toute la soupe,
fadeur du tofu. »

« Les prunes au soleil
(… illisible…)
bouillant souvenir. »

[Une mouche boit sur mon pied - Kobe - 1588]


*

To Fou (lettré japonais 1612-1670) ou, l'inclinaison des plafonds au pinceau à calligraphie.


« Léchés par les algues
ils vaguent et divaguent ;
au loin, les pieds de l’esprit. »

Biographie :
To Fou, enfant sage, est né en mille six cent douze à quatre heures vingt dans la province de Shinano de parents organisateurs de duels de grillons chanteurs itinérants et baladins. Vivant longtemps de rapine, c’est lors d’un séjour en prison qu’il se met à écrire, puis à dire ses compositions pour distraire ou endormir ses codétenus. L’un d’entre eux (Tou Nu, influant acteur de No en disgrâce) joue de ses relations pour faire éditer les textes de To Fou – dont il est fou. Pour le remercier, celui-ci repeint leur cellule de bleu et de martinets.
Le recueil (Départ des esprits pour Ito) connaît un japonais succès auprès des lettrés de la région puis de l’archipel tout entier.
À sa sortie, To Fou devient un temps singe savant dans une cour de nobliaux avant qu’on perde toute trace de son existence jusqu’à sa mort relatée sèchement dans un dazibao laconique de Nara. Mort le 19e jour du 11e mois de la 8e année de l’ère Manji. C’est le poète d’une unique œuvre.

« Elle clapote à la nuit
chauve comme un œil,
cette fesse d’ange. »

« Sous les lampions rouges
au goût de la coriandre,
un Tigre qui pleure. »

« Le crachat du poulpe
marque dans la marge,
rapaces comme hirondelles. »

« Paresseusement
l’oreille caresse ;
petit poisson dans le vent. »

[Départ des esprits pour Ito - 1658]


*

Shou Ki (1115-1209) ou, la poésie muette des souris.

« L’esprit des esprits,
celui de celui qu’on mange,
lape dans la nuit
le frais lait trait des étoiles,
odeurs du grand chien mouillé. »

Biographie :
Shou Ki est la fille cadette que le troisième samouraï du clan Minamoto* eut avec la seconde suivante et femme de compagnie de la femme de l’empereur retiré Go-Shirakawa. Durant son existence cachée – près de vingt ans dans les multiples manches de kimonos et replis d’obis de la garde-robe Minamoto – elle étudie, silencieuse, la calligraphie, la peinture…
À la mort de sa mère et au sépuku de son père, découverte et chassée, elle part pour Nara lors d’un long voyage où elle découvre la vie hors des palais et note ses impressions dans un carnet qui ne comporte qu’une vingtaine de pages.
Contrairement à la poésie de son temps, la sienne ne se dit ni ne se chante, c’est une méditation. Ses filles ne retrouveront ce qu’on appellera « L'Hors obi de la muette », qu’à sa mort, cousu dans l’ourlet de son iromuji.
Ce bref et précieux recueil à moitié rongé par les souris sera publié en 1213 alors que Geoffroi de Villehardouin rédige ses mémoires.

*源

« Quand le nord sanglote,
vols des oiseaux de passage ;
trémolos de glotte

… (illisible) »

« La barque au fond plat,
mince comme un couteau,
coupe les lentilles
du ronin qui n’est pas droit
le sabre posé sur son doigt. »

[L'Hors obi de la muette - Nara - 1213]


 
Inscrivez-vous pour commenter cette poésie sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   margueritec   
28/7/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Belle parodie/pastiche de l'écriture universitaire.

Jolis Haïkus et autres textes courts dont certains non dénués d'humour, tant dans les titres que les textes eux-mêmes.

Peut-être à classer en laboniris en raison de la diversité des genres ? Ce texte est pour moi comme un jeu, un exercice de style.

Avez-vous lu le livre d 'Umberto Eco : Pastiches et postiches ?

   Anonyme   
30/7/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ha Ha ! Bien vu !
Le pire c'est que ces biographies pourraient tout à fait être vraies. Quand on voit la vie parfois folle qu'on pu mener (justement au travers de biographies souvent incomplètes) certains haïkistes ou poètes chinois, on est pas si loin de cette parodie.
Le titre du recueil : Une mouche boit sur mon pied est franchement savoureux : )
C'est tout à fait le genre d'humour que l'on peut retrouver dans certains haïku je trouve.

« La mouche bouillie
parfume toute la soupe,
fadeur du tofu. »

"« Léchés par les algues
ils vaguent et divaguent;
au loin, les pieds de l’esprit. »

"« Quand le nord sanglote,
vols des oiseaux de passage;
trémolos de glotte...

Restent mes préférés.

À part ça je trouve que les noms des auteurs sonnent plus chinois que japonais.

   Robot   
12/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai préféré les biographies fantaisistes aux haïkus (qui ne respectent pas tous la forme 5/7/5)
J'ai bien aimé les loufoqueries...
"service du recensement des bouches à nourrir et des coups de bâtons à donner"
"organisateurs de duels de grillons chanteurs"

   Pouet   
12/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Excellent, j'ai bien ri.

Un texte original et ludique.

Cela sort un peu de l'ordinaire onirien et c'est très bien.

   Pimpette   
12/8/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'en chiale!

C'est une magnifique idée réalisée avec beaucoup d'astuce et de charme!...et plus de profondeur qu'on pourrait croire à première lecture...

je te vole pour mes proches:

"« La mouche bouillie
parfume toute la soupe,
fadeur du tofu. »

J'imprime!'' ce texte unique.BRAVO!

   emilia   
13/8/2014
Humour, talent, originalité, un triptyque prometteur qui a réussi à me plonger dans une atmosphère très asiatique, au charme si particulier...

   Anonyme   
13/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Raoul,

Très intéressante cette parodie, je suis bluffée par la qualité et l'humour tendre de votre texte. Vos personnages sont atypiques. L'auteur ne les a pas ridiculisé, il leur a donné une vie et une personnalité hors normes. L'histoire est carrée, bien appliquée, les biographies ne manquent pas d'originalité et de chaleur.

Et les haïkus m'ont fait sourire.

Sur la forme votre texte manque de musicalité, les tournures sont "parlées", il ne se différencie pas d'une nouvelle.
Je pense qu'il aurait été bien dans la catégorie Laboniris.

PS: "sépuku" ne s'écrit pas plutôt avec deux P ?

   Anonyme   
13/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Raoul

J'aime beaucoup les biographies, parfois très amusantes (ma préférée, celle de Lou Ping avec son " ère Mitterrand ") et jamais lassantes. Les haïkus me laissent froide. Je n'y ai jamais ressenti grand chose, je dois pas être formatée pour les apprécier. Un jour peut-être ?

   Anonyme   
23/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
源 veut donc dire "source"...

"l'inclinaison des plafonds au pinceau à calligraphie.".
Je joins les mains et m'incline respectueusement, à plusieurs reprises, devant ce petit chef d'oeuvre rempli de trouvailles orientalo-ubuesques.
Merci de ce savant dosage et du plaisir qu'il m'a procuré.


Oniris Copyright © 2007-2023