Connaissez-vous les saillies de la nuit, Ces cauchemars humides qui vous trempent le lit ?
Rouleaux d’écumes comme des compresseurs, Qui angoissent l’oreiller au bord des draps mouillés,
Roulé-boulé des vagues qui ne cessent de tomber, En se roulant sur nous, en boule comme de peur,
Connaissez-vous bien, ces grands rouleaux d’écumes, Qui, bobines bavantes, nous roulent Sur nous-mêmes, et rouillent nos regards ?
Si vous ne savez pas, les saillies de la nuit, Alors nagez, bougez, sortez, et puis vaguez … Aérez-vous de ballades mouillées.
Cocooning de flots bleus, de silence, de présence, Pour être là, au bon endroit, quand la marée remonte.
La vague roule des pelles aux corniches crayeuses, Aux saillies naturelles surplombant nos regards.
Escarpement des sens et chemins de traverse, Que le poète prend pour monter aux à-pic, D’une écriture lourde en sel, Et en intuitions moites. Chemins d’écritures, qui surplombent les feuilles, Où s’écrivent l’impossible et l’inconnaissance.
Comme aux confluents de plusieurs inconnues, Là où deux cours d’eaux, se mélangent en nos bouches, Pour parler de la vie, et nous dire la mort ;
Là où deux sources, s’originent et se finissent ; Là où ciel et terre, enfer et paradis se rejoignent, Au seuil des purgatoires.
Comme à la fine pointe, au sud d’une lointaine Sicile, Flux, reflux, fluxions des eaux entre passion et Passion, D’un Verbe qui se meurt pour nous tous.
Souffrance à même la plage, où les croix poussent Droites, comme poussent les arbres.
Pointes de terres et de chairs au confluent de deux cours d'eau, Qui jaillissent du jardin d’Eden, Qui sortent de dessous le trône, et De dessous le Temple, s’éclaboussent de vie.
365 jours de flux, la mer va porter plainte, Pour le jour de trop, qui fait déborder la vague, Elle va porter nos plaintes, Au-delà des lointains horizons.
365 jours de marées bissextiles Portées tous les quatre ans, Aux biceps des vents.
Rouleaux d’écumes à bobines savantes, Au style austère, comme rouleaux de pierres Romanes, au seuil des couvents.
Les ondes des bénédictions marines, Hostiles au feu de Saint-Elme, Oscillent comme berce mon cœur, Nausée, au grand mal de la mer.
Nauséeuse, pissantes, jutantes, purifiantes, Lourdes et coulantes aux gargouilles des falaises, Toutes fouettées de lames violentes.
Comme saignantes des fluxions de la nuit, Grandes menstrues au sommet des flots. Suppurantes, fluantes et refluantes, Du flot de nos humeurs, S’égouttant aux replis de l’espérance, Dégouttant aux saillies de la foi Filtrant l’Amour de toute part.
Bandes enroulées d’eau de formes vivantes, Comme sirène des parchemins écrits à l’encre de la vague, Sirène de papiers, Sirène de tissus, comme s’ouvrent Les voiles pour dévoiler le jour.
Au bout du rouleau, la vague se défait, De n'avoir rien à dire, elle se nourrit d’échos À la fin de sa vie, elle repart de plus belle.
Comme cheveux enroulés aux bigoudis des eaux, L’Esprit de la vague, déferle sur les plages, À rechercher La Grâce, pour se vêtir de vents.
Roland REUMOND
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