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Poésie contemporaine
Roxanne : Le scarabée
 Publié le 05/11/24  -  8 commentaires  -  1500 caractères  -  98 lectures    Autres textes du même auteur

Rencontre de la Toussaint.


Le scarabée



Dans le cimetière, où les croix altières toisent les prières
Des passants voûtés,
J'errais en silence, pris par la patience des stèles d'absence,
Prompt à méditer.

Je vis en spectacle, blattes en cénacle, fuyant en débâcle
Mes pas de badaud,
Un étrange insecte, membre de la secte, en pose suspecte,
Tanguer sur le dos.

Monsieur Scarabée, en habit d'Abbé, joue les macchabées,
Les six fers en l'air.
En vain gesticule, se désarticule, triste et minuscule,
Bête à Lucifer.

Pauvre croque-mort, au seuil de la mort, après tant d’efforts,
Transi de poussière.
Le pose à l'endroit, de mes doigts adroits, sur un marbre froid,
En guise de bière.

D'abord immobile, tremblotant, fébrile, rechargeant sa pile,
Livide au soleil,
Il démarre en trombe, par chance retombe, entre les deux tombes,
Au gisant pareil.

Le pauvre est en panne, près d'un vieux lucane, dans un trou de canne,
Au creux du gravier.
Car cette carrière, bagne à ciel ouvert, fait vivre un enfer
À notre bousier

Plusieurs fois il tente l’évasion démente d’avaler la pente
De la sablière.
Ô pauvre Sisyphe, maudit sous les ifs, doublement fautif,
Car c’est lui la pierre !

Qui sait pour quel mal, un dieu infernal fit, de ses dorsales,
Ce fardeau dément
Ou quelle déesse, une nuit d'ivresse, fit son pain de messe,
Tout en excréments ?


 
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   Donaldo75   
31/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Je suis de premier abord mitigé quant à ma lecture de ce poème ; le verre à moitié vide vient de sa noirceur et de son pessimisme qui manquent de dimension humaine, d’affect. Malgré la force des images, le ton général du poème reste distant et presque clinique. Certaines images et expressions sont répétées, ce qui peut créer une impression de lourdeur et de redondance. Cependant, il amène le lecteur à réfléchir sur le sens de l’existence. Le verre à moitié plein consiste dans le fait que les images sont fortes et précises, évoquant un univers minéral et lugubre. Les descriptions du scarabée, tour à tour macchabée, croque-mort, Sisyphe, sont particulièrement frappantes et soulignent l'absurdité de la condition humaine. Par ailleurs, le poème joue avec les allitérations et les assonances, ce qui créé un rythme lent et solennel, renforçant l'atmosphère funèbre. C’est presque gothique dans un sens.

Quoiqu’il en soit, ce poème est ambitieux et sa forme plutôt réussie alors pourquoi ne voir que le verre à moitié vide ?

Merci pour le partage, je m’en vais me recoucher dans mon cercueil en attendant la prochaine pleine lune.

   Cyrill   
31/10/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une poésie très visuelle. Les déboires d’un scarabée contés de façon drolatique. Chaque vers court semble représenter une chute de la bêbête après chaque tentative de marche sur les vers en 3x5.
Le regard du locuteur ne se départit pas de malice bienveillante bien qu’il dépeigne, à travers l’insecte, un sort universel et surtout malheureux.
L’empathie déployée envers le scarabée est communicative, dans la mesure où chacun peut se reconnaître ou du moins s’imaginer dans une des situations exposées de lutte pour la (sur)vie.

   papipoete   
5/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Roxane
Une histoire de scarabée ( j'aime les Beatles ) qui me séduit par ses lignes comiques, parfois tragi-comiques, alors que le pauvre bousier se débat les 6 fers en l'air entre ces sépultures.
S'il n'y avait pas cette bonne âme qui le remette à l'endroit, la bestiole mourrait sous sa maison...
NB ou comment avoir de l'égard, pour plus petit que soi, fort laid de surcroit, qu'une aide salvatrice ( ne remet-on pas un oisillon tombé du nid, là d'où il chut ? )
vos strophes semblent extraites d'une fable ( sans morale ), où l'on encourage la bête
" allez, vas-y ! "
j'aime bien les pentasyllabes et leurs assonances !
la 5e me plaît particulièrement !
sans vouloir me faire de pub, je vous invite à lire sans ces colonnes
" pharaonique chantier "

   Provencao   
5/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Roxanne,

"Pauvre croque-mort, au seuil de la mort, après tant d’efforts,
Transi de poussière.
Le pose à l'endroit, de mes doigts adroits, sur un marbre froid,
En guise de bière."

J'ai beaucoup aimé ce pessimisme qui affleure souvent la surface, son idéalisme repose sur des strates beaucoup plus éthérés et solides.

Bel écrit

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Eskisse   
6/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Roxanne,

Une poésie très travaillée: jeux de sonorités subtils, ( j'aime bien: D'abord immobile, tremblotant, fébrile" ) images personnifiant l'insecte...
Je trouve particulièrement bien choisi le ton teinté d'humour moqueur qui contraste avec le sort du protagoniste. sans le condamner puisqu'il n'y a pas indifférence mais spectacle.
On peut d'ailleurs ici parler d'hypotypose tant la scène est frappante.

   Yannblev   
6/11/2024
Bonjour Roxane,

Cette construction particulière ne s’explique guère de prime abord mais au fur et à mesure ce groupage de trois vers possibles en un seul s’impose à la lecture.
C’est, je crois, que l’effet renforce la subtilité de cette fine observation d’entomologiste-poète.
On s’intéresse forcément un peu mieux que d’ordinaire aux déconvenues supposées de ce carabe maladroit. Peut-on pour autant fondre d’empathie pour la bestiole ? c’est une question et si on croit aux dieux et déesses c’est bien à eux qu’il faut la poser.

Merci du partage

   jfmoods   
9/11/2024
La traditionnelle visite de novembre au cimetière est une occasion de développer une réflexion sur le sens de la vie. Le vers 4 ("Prompt à méditer") met déjà en condition favorable pour cet exercice. Reposant sur quelques ressorts comiques du meilleur effet (vers 10 : "Les six fers en l'air", vers 17 : "rechargeant sa pile", vers 19 : "Il démarre en trombe", vers 21 : "Le pauvre est en panne"), les mésaventures d'un coléoptère - mises en scène avec une certaine efficacité rythmique - nous invitent, par le biais d'une personnification (vers 27 : "Ô pauvre Sisyphe"), à nous pencher sur la destinée humaine et à revenir sur les questions existentielles fondamentales.

Merci pour ce partage !

   CarlTeo   
13/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Roxanne,
Ce mélange de perfection formelle et de légèreté humoristique est une belle réussite. On pense par exemple à la « Ballade à la lune » de Musset… Mes vers préférés : « Ô pauvre Sisyphe, Maudit sous les ifs, Doublement fautif, Car c'est lui la pierre ! » Sisyphe devenu pierre, quelle châtiment plus terrible ? Le destin de la pauvre bestiole nous interroge évidemment sur le nôtre.


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