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Poésie contemporaine
SaintEmoi : Le manteau
 Publié le 06/04/21  -  7 commentaires  -  2034 caractères  -  84 lectures    Autres textes du même auteur

Tous les agresseurs abandonnent, parfois sans le vouloir, un peu d'eux-mêmes sur les lieux d'un crime, ici c'est un manteau.


Le manteau



Les ombres indolentes se glissent jusqu’au mur
D’un jardin retenu où ne bêche personne,
La maison éventrée a perdu son armure,
Et laisse le printemps se perdre dans l’automne.

Sous les tuiles fendues la charge des embruns
Pose dans la maison un étrange silence ;
Soudain, à l’aube triste, dans ce terrible écrin,
Un hoquet de sanglots trahit une présence.

Des outrages du soir, il demeure le sang,
Les lèvres écorchées, sous les ongles les preuves,
Les larmes d’une nuit au chagrin épuisant,
Au ventre la douleur en écho de l’épreuve.

Et pleurera ainsi, une journée encore,
Les gestes interdits par un moi sidéré,
Sans un cri, sans un mot, son être entier implore
Une aide, une mort, un soutien éthéré.

Elle attendra en vain, ses cheveux sont trop sales,
Ses cartons de misère bien trop discriminants,
Ses plaintes volatiles ont une encre si pâle
Que les faits s’évaporent comme un mauvais roman.

Debout dans ce taudis, elle quitte les lieux,
Vivante malgré elle, une allure poussive,
Ses chaussures trouées, un manteau bien trop vieux
Laissé là, misérable, pour payer l’invective !

Traînante dans le vent, au filet des falaises,
Équilibre fragile de chacun de ses pas,
Et remontant le col pour contrer le malaise,
Elle sent son parfum glousser entre ses doigts.

En tête tubéreuse, et sa nervosité,
Enroulée dans les notes d’un musc énergétique,
Ce relent masculin d’un penchant suranné
Où le désir de l’un est un accord tragique.

Frissonnante à nouveau, en quête de chaleur,
Elle plante ses mains dans les profondes poches,
Hurle dans la tempête pour cracher son malheur
Tandis que l’océan ignore ses reproches.

L’horizon citadin n’a rien de rassurant,
S’érige dans le ciel des pointes habitées,
Immense prédation la cité hérissant
Le corps des jeunes femmes en objets habillés.


 
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   Robot   
6/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je vous livre ma lecture: Les suites morales et physiques d'une agression (un viol ?). La victime le ressent cruellement au point qu'il lui paraît que toute la maison en est imprégnée. Peut être n'est-ce pas qu'une impression et que l'habitation a également été saccagée. Au final, le récit nous laisse avec la victime désemparé peut être au bord d'un acte irréparable.

Quelques vers que j'ai apprécié:
"Et laisse le printemps se perdre dans l’automne"

"Et pleurera ainsi, une journée encore,
Les gestes interdits par un moi sidéré,"

"Elle sent son parfum glousser entre ses doigts."

Enroulée dans les notes d’un musc énergétique,
Ce relent masculin d’un penchant suranné
Où le désir de l’un est un accord tragique."

Par contre je suis resté dans le flou à propos de la femme qui semble décrite comme une miséreuse (chaussure trouée, manteau trop vieux). Est-ce un effet de style pour signifier la déchéance ? La femme s'est-elle vêtue ainsi pour marquer la souillure ? Est-elle réellement une pauvresse ?

J'avoue que ces questions ont un peu perturbé une totale compréhension de l'idée portée par le récit.

   papipoete   
6/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
bonjour SaintEmoi
Dans cette maison où ne pourrait subsister que poussière, et guenilles dépareillées, un pleur déchire l'espace.
Celui d'une femme qu'on a laissé là, après l'avoir " tourmenté ", et que la mort put prendre, sans que quiconque n'en sache mot !
La malheureuse implorant le Ciel, d'abréger son martyr, s'en va du côté de la falaise dominant la mer ; un faux-pas la sauverait à tout jamais...
NB un scénario qui se joue tous les jours de la semaine, sans relâche, où une bête humaine avide de souffrance, interprète ce rôle de Grand Inquisiteur... de préférence la nuit dans un endroit sordide ou maison abandonnée.
Demain, un appel de recherche pour personne disparue, paraîtra dans les colonnes quotidiennes ; un jour, on retrouvera sur la grève, un pantin désarticulé comme en Place de Grève...
L'on peut versifier sur tout ; le beau, le mal, l'amour et ici hélas sur l'ignominie ; et les exemples foisonnent, depuis cette fillette violée par un fou, jusqu'au passage des soldats russes dans les villages allemands, quand leurs troupes battaient en retraite...
le 8e vers est tragique, et l'avant-dernière strophe fait plus mal qu'un coup de couteau !
à la 4e strophe, on sait bien de qui il s'agit ( qui pleurera ainsi... ) mais j'aurais placé " elle " avant pour qualifier les verbes suivants.
dès le départ, vous écrivez un vers de 13 pieds
au 7e également
" mur " et " armure " ne riment pas
de nombreux hiatus...
ce texte est réellement de forme " contemporaine "
Cela n'enlève rien à l'attrait du texte... Brrrrrrr !

   Quidonc   
6/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La loi de la rue est cruelle. C'est un beau texte qui met en exergue, mais avec pudeur, le sordide de la vie dans la rue. Je vois dans ce texte le viol d'une femme sans abris. Le violeur involontairement ou volontairement a laisser un vieux manteau sur place pour payer son méfait.
Merci du partage

   Damy   
6/4/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Pas vraiment emballé par la forme poétique du traitement de ce drame qui me ramène à un autre poème sur le même sujet et que j’avais aussi eu du mal à pénétrer : Harcelée. Ce n’est pas le thème qui me dérange. J’avais reproché à l’auteur de ce dernier (Inconnu1) de le traiter avec trop de tendresse pour la victime au détriment de la violence du drame. Ici, ce n’est pas le cas. Le drame est prégnant jusqu’au bout, jusqu’à l’idée du suicide. Non, c’est plutôt les formules un peu trop simplistes et approximatives qui me freinent comme, par exemple (et ce n’est qu’un exemple) :
« Les lèvres écorchées, sous les ongles les preuves,
Les larmes d’une nuit au chagrin épuisant, »
Je trouve l’inversion peu séduisante et le qualificatif du chagrin assez banal. Dans la même strophe le mot « épreuve » me semble être un euphémisme.
Dans la strophe suivante, je m’interroge sur le sujet de « Pleurera » et le mot « éthéré », assez inapproprié à « soutien », ne me semble avoir été trouvé que pour la rime.
Je ne vais pas décortiquer le poème, beaucoup de choses similaires m’ont, vous l’aurez compris, quelque peu arrêté, comme, autre exemple, « le musc énergétique ».
C’est dommage car l’émotion de frayeur que vous avez voulu faire passer est bien présente au total.
Une question : le manteau dont s’est revêtue la victime pour se diriger vers les falaises est-il bien celui abandonné par l’agresseur ? Ai-je bien compris ? Oui, c’est effrayant.

   Anonyme   
6/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
SaintEmoi, bonsoir

Même si à la lecture et à la re-relecture de ce poème je n’ai pas tout compris ; même si de nombreux vers ou expressions n’ont pas ma préférence ; allez savoir pourquoi ? Je reste quand même fasciné par le tragique de ce texte au charme indéniable. Et je trouve superbes ces deux vers :

« Soudain, à l’aube triste, dans ce terrible écrin,
Un hoquet de sanglots trahit une présence. »

Bravo ! Pour cette lecture si tragique.
dream

   Provencao   
7/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
"Des outrages du soir, il demeure le sang," ces outrages du soir sont tragiques et sont toujours inassurés.
Pourtant, ces outrages du soir n'abjurent pas à errer dans l'existence alors même qu’ils ont, le sentiment de déchirer un gouffre de doute, d’ombre et de mort.

Vous avez fort bien rendu cet esprit tragique avec cette tension à la limite du supportable, entre angoisse et horreur.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Miguel   
7/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bien qu'on soit tellement dans l'allusion qu'on n'est pas sûr de tout comprendre, je trouve à certains de ces vers une grande puissance d'évocation, une vraie force pour créer une atmosphère sordide et pitoyable.


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