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Poésie contemporaine
SaintEmoi : Les gauchants
 Publié le 08/07/18  -  4 commentaires  -  1246 caractères  -  112 lectures    Autres textes du même auteur

Lorsque la politique nourrit des émotions intimes (ici la désillusion), elle peut devenir poétique.


Les gauchants



Il est monté bien haut au-dessus de la ville,
Loin des notes plaintives d’une foule égarée,
S’accrochant de ses ongles aux couleurs morbides
Que projettent aux murs les illusions fanées ;

Il regardait de loin les mégots fatigués,
Que des bouches tordues portaient par désespoir,
Des visages perdus aux lèvres écorchées
Où des rides fouillaient chaque joue dans le noir ;

Il est monté très haut comme on fuit l’agonie,
Comme le solitaire se nourrit de silence,
Cherchant à tous les vents, implorant l’infini
De lui rendre les clés de nos rimes d’enfance ;

Toi le vent merveilleux, dis, où as-tu caché
Les sourires complices qu’échangeaient les gauchants,
Les échos sanitaires des propos révoltés
Qui devraient animer tous nos adolescents ?

Se sont-ils écrasés sous le poids des richesses
Que l’adulte brandit parfois comme un trophée ?
Se sont-ils égarés au fronton des promesses
Comme « Fraternité » si vite abandonnée ?

Il est monté si haut qu’il n’est pas revenu,
Empêché par le vent et sa propre colère,
Ce vent mauvais pourtant qui n'a pas retenu
Ni les valeurs du cœur ni sa fleur éphémère.


 
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   Anonyme   
8/7/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De fort belles images illustrent ce grand leurre, cette " désillusion "...
Un bilan tracé avec réalisme, sans grandiloquence et, surtout, la poésie omniprésente.

" Il regardait de loin les mégots fatigués,
Que des bouches tordues portaient par désespoir,
Des visages perdus aux lèvres écorchées
Où des rides fouillaient chaque joue dans le noir " j'aime beaucoup ce passage.

   papipoete   
8/7/2018
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour SaintEmoi
Il voulait tout révolutionner, il rêvait du côté de San Francisco, mais la réalité de la vie lui est tombée dessus, adieu rêves d'adolescent, bonjour tristesse ...
Et il interroge le Ciel ... sans réponse, il se réfugie dans le silence où bruissent des promesses que le vent mauvais plaque au sol désespérément .
NB des vers suppliques, des images sombres " il regardait de loin les mégots fatigués/que des bouches tordues portaient par désespoir " !
Il faut s'enivrer de songes de bonheur, se saouler de rigolades quand l'insouciance marque le jeune âge, car lorsque vient le temps de la dureté, on ferme les yeux et va puiser dans ces réserves drôles, de quoi aller de l'avant !
La forme " contemporaine " est-elle celle que vous avez sélectionnée ?

   Vincendix   
8/7/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Un sujet rarement traité en vers mais c’est vrai que la politique est aux antipodes de la poésie.
Un « métier » particulièrement difficile, les candidats se font des illusions et tombent de haut. Comme le dit la bible, beaucoup d'appelés et peu d'élus!
Je ne sais pas si ces « gauchants » représentent une famille politique précise mais je pense que d’une extrémité à l’autre, c’est le même scénario.
Malgré quelques vers que je trouve un peu sibyllins, j’apprécie l’ensemble qui exprime bien le ressenti de l’auteur.
Vincent

   jfmoods   
8/7/2018
Hormis le glissement allitératif du vers 3, ce poème de 6 quatrains en alexandrins est à rimes croisées, suffisantes et pauvres, majoritairement féminines.

La gradation hyperbolique ("Il est monté bien haut", "Il est monté très haut", "Il est monté si haut") met en exergue l'accession d'un homme politique aux plus hautes fonctions de l'état.

Un jeu de métonymies ("notes plaintives d’une foule égarée", "des bouches tordues", "Des visages perdus aux lèvres écorchées", "des rides fouillaient chaque joue dans le noir") signale le désenchantement populaire sur lequel s'est bâtie cette victoire.

L'utopie en bandoulière (participiales : "S’accrochant de ses ongles aux couleurs morbides / Que projettent aux murs les illusions fanées", "implorant l’infini / De lui rendre les clés de nos rimes d’enfance"), obéissant à l'exigence absolue qui le portait (comparaison : "comme on fuit l’agonie, / Comme le solitaire se nourrit de silence"), le président a fini par se perdre dans les méandres du pouvoir (compléments de lieu : "au-dessus de la ville", "Loin", "de loin", jeu antithétique : "cherchant à tous les vents", "le vent merveilleux" / "Empêché par le vent et sa propre colère", "Ce vent mauvais", constat : "il n’est pas revenu").

Le rêve de transformation sociale qu'il suscita s'est fracassé sur les récifs de la modernité (apostrophe amère : "Toi le vent merveilleux, dis, où as-tu caché / Les sourires complices qu’échangeaient les gauchants, / Les échos sanitaires des propos révoltés / Qui devraient animer tous nos adolescents ?", questions fermées aux réponses trop prévisibles : "Se sont-ils écrasés sous le poids des richesses / Que l’adulte brandit parfois comme un trophée ? Se sont-ils égarés au fronton des promesses / Comme "Fraternité" si vite abandonnée ?", double négation entérinant l'oubli : "qui n'a pas retenu / Ni les valeurs du cœur ni sa fleur éphémère").

Merci pour ce partage !


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