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Poésie contemporaine
SaintEmoi : Marie
 Publié le 08/12/23  -  8 commentaires  -  2428 caractères  -  187 lectures    Autres textes du même auteur

Dialogue avec Marie et ses souvenirs avec Meursault.
Elle qui aime et se projette, lui qui vit chaque jour dans une placidité mystique.


Marie



Je te parle d’ici, de ce pays étrange
Où les gens comme toi n’existent pas vraiment.
Tu es une pensée, un être de rechange,
Le fantôme appliqué de mon esprit dément.

Je crois te rencontrer dans une ville chaude,
Laissant derrière moi une lourde veillée,
Et nous avons nagé dans les sillons d’une aube
Scellant dans l’eau froide des sentiments croisés.

J’ai tout aimé de toi, les fleurs de tes chemises,
Cette légèreté qui manque à mes émois
Quand tes nacres baisers jouaient de leur emprise.
Tu riais des frissons qui éraillaient ma voix.

Comme dans ce livre où souvent je m’enfuis,
Convoquant le réel, tu as parlé d’amour,
De cette lumière qui nourrit tant de puits,
Comme la tragédie qui entre côté cour.

Je ne sais quoi répondre à ces élans du cœur,
Ils sont de ce monde que je ne connais pas,
Je peux aimer tes robes, tes mots et tes odeurs,
Comme j’aime le vent, la gaîté d’un repas…

En quittant la salle réservée aux visites,
Je me suis retourné, j’ai vu que tu pleurais,
Que tu voyais de moi, comme d’un parasite,
La triste vacuité de notre absurdité.

Je ne juge jamais ceux qui me sont étranges
Car je donne ma part à ce mot qui grandit ;
Je préfère accepter quand mon être dérange
De passer mon chemin, d’éviter l’incendie.

Marie, dans ma folie, je te donne la vie,
Tu es cette femme qui me dit qu’elle m’aime,
Tu guéris de ta main mon dos endolori,
Et disparais d’un pli quand le livre se ferme.

Cette envie qui me prend, parfois, de te connaître,
Fait de moi un zombie, un homme malheureux,
Ignorant qu’il est mort quand d’un soir sans maître
Il devint le jouet d’un destin silencieux.

Mais quand je croise enfin dans ce petit pays,
Que des esprits éteints appellent l’existence,
Un regard chaleureux, des caresses amies,
Je redoute à nouveau les vaines confidences,

Ce dialogue faussé qui étreint les humains,
Car nous sommes chacun, dans cette multitude,
Habités par des maux, couverts de ce chagrin
Qui nous plonge à jamais dans note solitude.

Je te laisse, Marie, retourner au récit,
De ton personnage aiguiser le relief,
Et quand je reviendrai, une nuit d’insomnie,
Laisse-moi te relire sans l’ombre d’un grief.


 
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   Vincent   
8/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Sublime

Je ne sais quoi ajouter de peur de rendre mon commentaire ridicule

Si j'osais je dirais seulement que je me suis reconnu (mon ego est trop fort ...) dans votre écrit

Je vous remercie sincèrement d'avoir écrit le plus beau texte que j'ai lu sue Oniris et si intelligent

   papipoete   
8/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour SaintEmoi
Votre texte montre les plusieurs personnages, qu'un seul être peut renfermer ( gai à se rouler par terre, et dans la minute qui suit, s'enfermer dans une tristesse plus noire qu'un abysse )
Bien que certains poèmes tel celui-ci, puissent s'étaler sur des pages, il faut savoir réfréner sa plume, et condenser un sujet... de crainte d'effrayer le lecteur !
Pour cette raison, je ne m'aventure point à le commenter...
me rappelant mes écritures au km, que je produisais, et qu'il me fallut sabrer...
Mais, je ne doute pas que sous " Marie ", l'on vienne vous congratuler...
.../...
ce n'est pas mon habitude de passer mon chemin alors
Je t'aimais, toi tu m'aimais... à ta façon ; sans effusion ou bien furtivement, quand tu quittais cette salle des visites ; j'aurais presque cru que tu m'aimais " pour de vrai "
Je me rappelle tout, de toi ; tes habits chatoyants et ces baisers nacrés...
On parle de toi, au passé de quelqu'un de bien, qui fit du bien à son prochain... à part à moi.
Je te retrouve la nuit, quand je ferme les yeux et te vois ; j'attends ces mots qu'on dit à un enfant dans un moment de douceur... ils ne viennent pas, ne veulent pas sortir de ta bouche Maman !
Ceci est mon interprétation ; rien que ma vision du récit.
" en quittant la salle réservée aux visites " est mon passage préféré ; mais à moi, il rappelle
la visite des parents en colonie, au milieu de la session
Ni maman ni moi ne voulions nous séparer ; c'était affreux !
Et ma mère m'aimait autant que je l'aimais...
Techniquement,
le 13e vers mesure 11 pieds
de nombreux hiatus se glissent par ci par là...

   Cyrill   
8/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Salut SaintEmoi,

C’est un poème poignant et la longueur ne m’a pas rebuté. Plutôt que dialogue je parlerais de monologue, le locuteur s’adressant en vain à ce personnage qu’il extrait d’un roman pour une relation fictive avec lui. L’émotion est forte à lire les confidences, les doutes et les errements, la solitude enfin d’un narrateur qui se fait lui-même personnage de Camus pour rencontrer Marie et lui dire son amour.

J’ai aimé cet aller-retour entre fiction et réalité et le sentiment d’absurdité qu’il engendre. C’est vertigineux !
Merci pour la lecture.

   Eskisse   
8/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour StEmoi,

"Et nous avons nagé dans les sillons d’une aube
Scellant dans l’eau froide des sentiments croisés."

Distique que je trouve magnifique et qui convoque les souvenirs de ma lecture de L'Etranger.
L'idée de créer un prolongement à cette oeuvre est très originale et le discours est réussi : psychologie de Meursault qui existe à travers les sensations, le silence, son destin tragique, sa relation distanciée au monde, poéticité du poème ...

Très émouvant .

   Corto   
8/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une fois utilisé l'exergue comme clef d'accès à ce poème, on entre dans un domaine intime plein de richesse.
Meursault devenu narrateur exprime avec délicatesse son ressenti aux multiples visages.
Dès le premier quatrain on perçoit une transfiguration qui captive: "Tu es une pensée, un être de rechange, Le fantôme appliqué de mon esprit dément".
Le second quatrain avec son "Je crois" ouvre une évocation heureuse mais qui prépare le drame, un éloignement pressenti, précisé par "ces élans du cœur, Ils sont de ce monde que je ne connais pas". Pourtant l'élan du cœur est à l'affut avec "Cette envie qui me prend, parfois, de te connaître, Fait de moi un zombie, un homme malheureux".

Attention l'homme ne maîtrise pas son sort car il est "Ignorant qu’il est mort quand d’un soir sans maître
Il devint le jouet d’un destin silencieux."

Pire, l'homme est voué à une profonde solitude, il ne doit pas croire à "Ce dialogue faussé qui étreint les humains".

Ce poème est superbement déroulé, aux frontières de la philosophie pour une tentative de dépasser la condition humaine.
Bravo.

   Eki   
9/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un poème très lumineux, puissant où les vers entremêlent les sentiments profonds de Marie et la torpeur de Meursault tout habillé de gris...
Meursault, presque réhabilité dans sa vie vide qui dit son amour pour Marie, habillé d'humanité hors de l'exil des grandes solitudes.
Il le dit "il a tout aimé, même les fleurs de ses robes" ne l'ont pas laissé insensible, capable de ressentir, presque de s'émouvoir...Enfin, son âme et son coeur ont vibré et l'amour de Marie l'a porté hors des ombres de l'étranger, peut-être pour le ramener au centre du monde avant que tout se délite.

La beauté de ce poème m'a happée. Je suis venue le lire, le redécouvrir plusieurs fois avant de poser mon petit commentaire.

Strophe introspective qui met l'accent sur la profondeur de ce poème...le plongeon est délicieux !

Ce dialogue faussé qui étreint les humains,
Car nous sommes chacun, dans cette multitude,
Habités par des maux, couverts de ce chagrin
Qui nous plonge à jamais dans note solitude.

   fanny   
10/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ravie de voit l'Etranger ainsi mis en valeur dans ce magnifique poème aussi bien travaillé dans la forme que dans le fond.

Le ton, l'expression des ressentis et du cheminement mental sont parfaitement adaptés au sujet. Bravo.

   Miguel   
10/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
J'avais trouvé ce poème trop long et je l'avais aisé de côté en espace lecture ; mais les appréciations que je lui au vues m'ont poussé à le lire, et je ne le regrette pas. Il y a là une mélancolie sans pathos et une multitude de vers musicaux et émouvants. Le thème, fondé sur l'intertextualité, est très original.


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