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Poésie en prose
Sanoniid : Raisonnance
 Publié le 17/07/20  -  6 commentaires  -  2983 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur

"Je pleure mes rêves perdus,
Que j’ai honte de ne pas pouvoir oublier."

Les rêves forgent notre identité et nous ancre dans le temps, d’un présent vers un futur. Sans rêve, pas d’identité, pas de temps. Le passé et le présent se résument alors à vivre et le futur à mourir. Une existence fade. Rêver devrait être la seule raison de vivre. Trouver la force de rêver la seule raison de mourir.

Unveiled · Hildur Guðnadóttir


Raisonnance



Mon esprit est enchaîné aux lueurs blanches, chaudes et réconfortantes de mes rêves. Ils murmurent de douces caresses et me baignent dans un éternel commencement.
Mais elle susurre sournoisement dans mon dos, cette raison irradiante.
Ses grognements résonnent dans le néant indomptable du déni, forgeant, coup de marteau après coup de marteau, un fer incandescent.
Bientôt, les stigmates des désillusions sont marqués au fer rouge sur les chaînes blanches de mes rêves, fragilisant leur insatiable emprise.
Les lueurs chaleureuses devenues runes flamboyantes calcinent tout ce qu’elles touchent. Les mots, les pensées et les regrets brûlent, rougeoient et crissent.
La tumeur avance, promettant de laisser un désert de cendres amères dans son sillage implacable.

La raison m’appelle. Elle exige de moi l'impensable, ma survie en dépend.
Je lacère les derniers remparts d’espoirs de mes ongles rongés par le doute.
Transperçant la peau, les muscles et le crâne.
Laissant des échardes d’os pénétrer mes mains, triturant la chair, vociférant des insultes à mon égard pour puiser un courage noir et abattre les fondations d’une identité dérisoire.
J’extirpe nerveusement des filets de lumières blanches d’une cervelle enflée et endolorie par une thérapie désespérée.
Mon hurlement de douleur se perd dans un faux rire délirant. Je n’entends déjà plus qu’une raillerie assourdissante.
Je regarde au travers d’un voile de sang mes rêves blancs s’évaporer au contact de la réalité.
Filet de lumière après filet de lumière, maillon après maillon, je décrasse un enfant ensorcelé par une vision mièvre.
Un écervelé s’évidant de vaines rêveries.


Le sang sur mes mains se mélange aux fragments de lumières brisées dans lesquels se noient les lamentations évanescentes d’un rêveur perdu.
La chimère blanche agonise. Cette maladie malicieuse ne murmura plus aucun mensonge.
La raison l’emporte.
J’étouffe, elle s’esclaffe. J'abandonne.

Sa carcasse froide se libère des échos d’un tas de chairs fumantes asservies.
Elle s’élève au dessus des vibrations du monde. Sans rêve, sans moi. Jusque dans l’immensité noire et froide de l'espace.
Gelée. Insignifiante. Sauvée !
Hors du temps…
Soulagée du poids des rêves…
Elle flotte, sereine et observe, attentive…
Les rêves ne murmurent plus, l’autre voix s’est éteinte. Elle étreint tendrement sa voie.
Une reine squelettique dans le vide noir de l’espace. Un fœtus cryogénisé dans l'ombre des corps célestes.
Le monde n’est plus qu’une cacophonie lente et lointaine. Les gémissements pathétiques de ceux qui vainement poursuivent un rêve qui est déjà loin derrière eux.
Elle flotte, sereine et observe, attentive…
Soulagée du poids des rêves…
Hors du temps…
Avec une certitude chaleureuse qui murmure dans les lambeaux de sa cervelle.
À la fin, elle mourra.


 
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   Anonyme   
26/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

J'ai ouvert le lien joint en exergue et je relis cette prose au son du violoncelle. Un plus à la lecture. Le violoncelle n'est-il pas l'instrument le plus proche de la voix humaine ?

Une prose qui ne me laisse pas indifférente, loin de là.
Un texte fort sur la raison déraisonnable à la valeur poétique évidente à mes yeux.
J'ai noté et apprécié le blanc et le noir que l'on voit en toile de fond des deux parties, la première et ses trois premiers paragraphes et la seconde composée du dernier. Passant par le rouge.

J'ai apprécié les allitérations, ajoutant du poids au discours déraisonné.
Les passages ou extraits que j'ai trouvés remarquables :
"éternel commencement"
"Les mots, les pensées et les regrets brûlent, rougeoient et crissent."
"...au travers d’un voile de sang mes rêves blancs"
"Un écervelé s’évidant de vaines rêveries"
(entre autres)

J'ai apprécié le passé simple de la phrase :
"Cette maladie malicieuse ne murmura plus aucun mensonge.".

Un peu trop autocentré ? Peu importe, tellement résonant pour le lecteur, le "Je" omniprésent ne ferme pas la porte au passant.

Merci du partage,
Éclaircie

   Gabrielle   
6/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une lutte acharnée entre le rêve et la raison est décrite ici.

Le rêve, qui fait la vie, contre la survie, représentée par la raison qui sort vainqueur de ce combat acharné.

La chute renvoie sur la mort prévue de la raison elle-même.

L'auteur(e) souligne ici la place que doit occuper le rêve et l'urgence de le préserver au risque de se voir confronté à une réalité dont la survivance n'est que provisoire.

Merci pour ce moment de lecture.


Gabrielle

   Queribus   
17/7/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Je vous dirai tout d'abord ce que j'ai apprécié: une écriture remarquable et très habile avec de belles images poétiques (J'ai pensé à Rimbaud et Lautréamont) et de belles tournures grammaticales; la poésie en prose, n'est pas ce qu'il y a de plus simple à réussir et vous y êtes parvenus.

Par contre, j'ai noté deux défauts (en ce qui me concerne évidemment): le texte me semble trop long et mérite plusieurs lectures mais surtout je l'ai trouvé top abstrait; de toute façon, il est réservé à une élite; certains l'adoreront, d'autres beaucoup moins comme tous les écrits dans ce style.

En résumé, une très belle écriture mais qui ne m'a enthousiasmé sans toutefois me déplaire.

Bien à vous.

   Angieblue   
17/7/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est très puissant ce duel, ce combat sanglant: rêve contre raison.

C'est violent au niveau des images, mais tellement réaliste:
"raison irradiante", "la tumeur avance".

J'ai également apprécié la métaphore du feu:
"Les mots, les pensées et les regrets brûlent, rougeoient et crissent."
"un désert de cendre amer"
"un tas de chairs fumantes asservies"
Tout cela me fait penser au burn out qui guette les personnes trop perfectionnistes et trop idéalistes. En effet, trop rêver, trop espérer peut être dangereux quand on n'est pas suffisamment armé.

Votre narrateur a du courage car il lutte:
"Je lacère les derniers remparts d’espoirs de mes ongles rongés par le doute.
Transperçant la peau, les muscles et le crâne.
Laissant des échardes d’os pénétrer mes mains, triturant la chair, vociférant des insultes à mon égard pour puiser un courage noir et abattre les fondations d’une identité dérisoire."

Mais la dépression guette: "thérapie désespérée".

Il va perdre le combat.
Le "J'abandonne" symbolise le lâcher-prise, la résignation:
"soulagée du poids des rêves"
"Hors du temps"
Ces deux phrases répétées 2 fois rythment la fin du récit.
La narrateur a-t-il atteint la résilience?
Mais ne plus rêver, ne plus espérer c'est, en effet, un état tellement froid et proche de la mort:
"Une reine squelettique dans le vide noir de l’espace"
J'aime beaucoup la symbolique de cette image, c'est tellement juste.

Ce texte m'a vraiment parlé, bouleversée, on ressent toutes les sensations à travers des images physiques, ça sort des tripes, c'est visuel. On ressent la puissance évocatrice du verbe et de la métaphore.

Merci pour ce texte. Je pensais être la seule à ne plus rêver...

   papipoete   
17/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Sanoniid ( monsieur ou madame ? )
Le texte à lui seul est déjà plus pesant qu'une enclume, et chaque phrase est la masse qui vient sur elle asséner ses coups !
La musique en plus, ce violoncelle qui joue une partition lugubre ; va telle une marche funèbre, derrière ce corbillard empli de pensées noires que suggère le désespoir.
La mort est là, tapie dans un coin de coeur du héros, se réjouissant à l'idée qu'elle va gagner la partie... les rêves acculés contre le mur du " si... " abandonnent le duel, rendent les armes.
NB j'étais content de me réveiller ce matin ! en effet, je rêvais de mort ; pas celle du texte qui sort vainqueur, mais celle qui frappe à mes côtés !
Je vous lis dans cette prose magnifique, où votre plume est le cocher qui fouette corps et âme ; où chaque mot lutte désespérément contre le malin, mais le rêve est coton alors que le réel n'est que plomb !
Chaque strophe est particulièrement flamboyante de tristesse ( mon hurlement de douleur se perd dans un faux rire délirant ) et bien d'autres passages soulignent cet état où " une thérapie désespérée "
ne peut rien...

   Bossman   
29/7/2020
 a aimé ce texte 
Vraiment pas
je ne comprends pas très bien le style, si toute cette exagération pathétique est ironique ou si le narrateur n'est pas influencé par des jeux vidéos mytico-fantastiques et barbares. Pour moi, ça sonne faux et surtout, ce combat entre raison et rêve est purement dualiste et conventionnel.


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