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Poésie en prose
Sidoine : Passé antérieur
 Publié le 28/04/25  -  4 commentaires  -  2404 caractères  -  36 lectures    Autres textes du même auteur

Un voyage poétique entre la vie primitive et la modernité, où l’auteur explore la nostalgie des racines perdues et le malaise de l’homme contemporain.


Passé antérieur



Dans un passé très lointain, je courais après les bisons, je lançais des flèches en os, je cueillais des baies sauvages et je pêchais des poissons plus grands que moi.
C’était un autre temps ; je couchais dans des grottes ou à la belle étoile, au milieu de la nature infinie. Que me reste-t-il de mes avancées nomades ? Comment puis-je retrouver les traces de mes ancêtres et poursuivre leur voyage continu ?
Je ne suis qu’une larme d’humanité ; un Homo sapiens qui dort dans des draps propres et mange des plats artificiels. J’ai perdu le cœur battant de la vie qui m’animait alors ; l’inscription sacrée sur les parois humides de mes trophées s’est estompée dans le silence des âges.
Je voudrais voir le bleu de la Voie lactée, m’y plonger entièrement, et goûter l’haleine fauve de mes semblables. Me réfugier près du bûcher tremblant où flambe la chair rude. Me glisser dans la peau d’une autre moi-même, de cette femme velue aux mamelles pendantes. Dessiner sur le sable l’image de l’inconnu, et l’effacer aussitôt de mon pied agile.
J’erre dans les rues faméliques qui pleurent l’essence et le vomi des fêtes nocturnes. Je sursaute dès qu’une silhouette espiègle effleure mon long manteau qui dissimule la langueur de mon corps étroit.
Je suffoque ; j’étouffe ; je me ronge les ongles et j’ai honte de mon visage qui apparaît soudain sur une vitrine dansante. Une figure pâle, un vieil air de requin, une dent cariée et des sourcils en éventail. La montagne alentour m’effraie ; son ombre engloutit ma propre ombre ; ses jappements noirs crispent mon front anxieux. À la lisière de la forêt je me perds ; je tourne dans un labyrinthe incandescent et regagne avec peine mon logis. Une tasse de café… un regain d’énergie… mon chien frémit sur le balcon d’où il contemple le poulpe urbain. Tentacules clairs qui frappent de leurs moteurs les bâtiments obliques ; mâchoires acérées qui s’échappent des grues rutilantes. Ma jungle me tourmente ; je ne connais plus la chaleur des peaux entrelacées ; j’ai oublié le grand cri guerrier qui me façonne. Un avion zigzague dans l’air électrique ; je coupe avec avidité un morceau de jambon et le dévore à main nue. Qu’importe les couverts ; fourchettes et couteaux bondissent dans les entrailles de la Terre ; je suis tapissée du lisier de mes peurs ; me voilà devenue fossile, « sensitiva mulier » exposée au musée de l’humain.


 
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   Gouelan   
17/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
À la recherche de l'animalité enfouie dans les gênes.
C'est dans une autre jungle que vit l'homme moderne, une jungle où la lumière artificielle éteint la Voie lactée, où les racines sont écrasées sous le bitume et les dents d'acier.
J'ai aimé me plonger dans votre texte en suivant ce personnage en quête d'authenticité, de vérité. Dans la vitrine, il fait face à son ancêtre d'un passé très lointain. Celui qui avait l'inconnu devant lui avec tous les chemins possibles à emprunter. L'homme moderne n'a plus peur que des siens. C'est inhumain.

Merci pour ce texte au vocabulaire précis, aux tournures de phrases poétiques et travaillées, au sens profond de l'ensemble.

   Provencao   
28/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
 Bonjour Sidoine,

J'ai bien aimé ce parallèle que vous avez développé.

Moi, je vous répondrais qu'il serait fort interessant de faire de cette larme d'humanité presque imposée,  l'édifice d'une civilisation avec ses peurs, ses craintes en cette terre en amorçant un changement vers la coexistence et la paix, difficile certes mais inéluctable  de ce " passé très lointain, je courais après les bisons, je lançais des flèches en os, je cueillais des baies sauvages et je pêchais des poissons plus grands que moi." De la quatrième humanité.

Au plaisir de vous lire
 

   Hiraeth   
28/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
L'oxymore du titre me laisse perplexe. Je pense au temps du plus que parfait, absent de ce texte. Un jeu de mots avec futur antérieur ? Curieux.

Sinon, de belles trouvailles (dessiner l'image de l'inconnu...), et un texte que j'ai bien aimé dans son ton et son intention. Il fait écho à un malaise moderne que nous éprouvons tous plus ou moins, de diverses façons. J'aime l'auto-dérision absurde de la fin.

Merci pour ce partage.

   papipoete   
28/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Sidoine
Assise au confortable de ma chaise, je m'apprête à manger ma tranche de jambon, pré-découpé comme un poisson Findus bien rectangulaire, ma serviette sur les genoux, armé de fourchette et couteau, quand...
je ferme les yeux, et vois la vie de mes très vieux ancêtres, assis autour d'un feu...
on est assis par terre, on ne se parle qu'en bruits de bouche ; tantôt, nous allâmes chasser à l'arc le bison, mais là sur les flammes rien que les reliefs d'un lapin ; après, on dormira à la belle étoile ou bien ferons l'amour à la Belle aux grosses mamelles...on trinquera et tous à la litière !
Mais, nous sommes au siècle des machines d'acier ; on ne se parle pas ou alors en deux mots ; la nuit a perdu ses étoiles dans des cieux trop clairs ; les nomades ne sont plus le peuple ; dans la rue tantôt, je me suis vue si moche dans une vitrine...que sommes-nous devenus ?
NB un voyage au temps des bisons et mamouths, dans la banlieue parisienne ou autre ville tentaculaire, quand à l'image de Bonobo nous réglions des différents, empêchions une guerre en passant " par devant par derrière par côté " sans préliminaires... dans la " chaleur de peaux entrelacées "
aujourd'hui, tout ce qui remplit un jour ordinaire, n'est que pâleur, sales odeurs d'essence et de vomi...d'avoir trop bouffé, d'avoir trop bu.
Ah, comme j'aimerais retrouver mes anciens, en train de dessiner sur les murs de notre grotte ! mais je ne suis plus que fossile devenue.
J'ai beaucoup aimé ce retour-arrière, bien que mon optimisme à géométrie variable, me fait apprécier le temps d'aujourd'hui ( ma mie qu'à moi ; mes enfants bien portants ; à manger chaque jour ; mes dents sans carie et la LIBERTE de ma France )
" sensitiva mulier " was ist das ?


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