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Poésie contemporaine
sqark : Le dialogue des vents
 Publié le 05/11/14  -  2 commentaires  -  4490 caractères  -  117 lectures    Autres textes du même auteur

Tiré du Recueil des Vents.


Le dialogue des vents



Dans le ciel agité par le calme éternel,
Vers l'azur sans limite où le soir vient tomber,
Deux voix venues d'ailleurs s'élèvent et s'appellent ;
Tout tremble et tout grésille au cœur du bleu bombé.
Moi qui n'étais pas loin et qui, ne pouvant voir,
Voulus décidément attendre pour savoir,
Voici en quelques vers ce qui gicla du ciel :

La première voix dit : « Je suis le soleil jaune,
C'est moi qui fais ton chant quand tu marches la nuit ;
Peu m'importe où tu vis : je suis la fin et l'aune
De l'espoir qui te pousse à combattre l'Ennui.
Je suis comme l'éternité
Dans le lit chaud d'un soir d'été ;
Je suis le conteur de l'après-matin d'un faune ! »

Puis le Soleil immense entend l'autre parole :
« Toujours cette statue, pourtant moulée par l'homme
Se prend pour Dieu ! Le laid est le nid d'où il vole –
L'infini magnifique est tout ce que je nomme :
L'immonde gluant qui s'agite,
Le mort puni qui ressuscite :
C'est la conjugaison du rire et des véroles !

Le monde dégarni n'offre pas la retraite
Où l'on pourrait un soir espérer s'oublier
– Car c'est le seul espoir dans notre vie muette !
Je suis le Beau, le seul à qui tu dois t'allier,
C'est dans l'existence des nuits
Que j'entends celui qui supplie
Mes mains cent fois damnées de sortir de sa tête ! »

« Dans ma sérénité tu verras l'inconnu,
Lui dont tu as rêvé lorsque tu pris la vie !
Rien du tout, ô jamais, n'a pu choir de mes nues,
Constamment je soutiens et nul ne m'asservit.
Dans ce vaste orchestre cosmique
Je suis le chef, je suis l'éthique.
Chacun frappe le son à ma simple venue !

Quand je rougis à l'Ouest on m'applaudit ailleurs,
Le spectacle du temps qui danse dans l'espace
Est pour moi un ballet que saupoudrent les heures ;
Devant mon âme pure on s'incline et l'on passe,
Toi qui me parles par le vent,
Étais-tu présent lorsqu'avant
J'ai fabriqué ce monde et bâti le bonheur ? »

« Le pus de l'arrogance a gonflé ta ténèbre ;
Dans ta prosodie froide il me semble sentir
Un goût de déjà-vu. La fragrance funèbre
Viendrait-elle d'un souffle où chacun de tes dires
N'aimerait rien d'autre que lui ?
Dans ton cœur aucun feu ne luit,
As-tu déjà goûté ce pourquoi mourut Phèdre ? »

« Comme j'étais présent quand l'univers est né
J'ai forcé celui-ci à me donner son nom ;
Je suis ce monument que nul n'a calciné
Et l'unique et le seul qui octroie le pardon.
J'ai fait la route et les chemins
Pour que tu me donnes ta main !
Je voyage avec toi, dans tes yeux, dans ton nez !

Pour connaître ta place il te faudra sans crainte
Chaque jour que je fais aimer encor l'humain.
De mon culte précis ne monte aucune plainte :
Il n'est de vrai confort qu'entre mes vastes seins.
Je suis le Soleil et sa Chair,
Des embryons la seule mère !
Je suis le peintre doux de chaque toile peinte ! »

« Dis-moi ce qu'un soleil peut contre le néant ?
Ma grande immensité trouve un aspect comique
À voir ce que tu crois être un gouffre béant !
Tu n'es qu'une poupée dans ce bordel cosmique !
Je ris au bas de tous les mots,
Je suis l'Ennui près des hameaux !
C'est à moi que tu dois le dialogue des Vents !

Je sais gronder plus fort que les gémissements
De ce monde stupide où tout fait allégeance
À ce Dieu de l'Utile et du renoncement,
À ce Dieu méprisant terrifié par mes danses !
N'es-tu qu'un bout supplémentaire
Du magma visqueux de la Terre ?
Es-tu courbé encor quand l'autre Dieu te ment ?

Sais-tu que seul le bien nous détourne du Beau ?
Que le Mal curieux nous fait voir le squelette
Et le crâne et l'échine où il n'est plus de peau
Des sombres vérités ? Le divin obsolète
Dans ta peur veut construire un monde
Pour y placer toutes ses sondes.
Les genoux repliés dans le fond d'un caveau

Tu lui plais ! Tu t'inscris dans le sens des natures !
Il faut souffrir très vite, et après les souffrances
Il faut souffrir encor ! Peut-être dans l'azur
Identique partout, à l'équateur, en France,
Tu as déjà lu mon proverbe
Et les traits subtils de mon Verbe :
On passe, on se redresse au fond de l'âme impure ! »


 
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   David   
5/10/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

C'est à la relecture que j'ai pu identifier les deux tenants du dialogue, j'avais bien reconnu le soleil mais pas l'autre, et j'avais compris que la narration, le "poète", intervenait au début en troisième voix, en quelque sorte. C'est ce vers qui m'éclaire en relisant :

"Dis-moi ce qu'un soleil peut contre le néant ?"

Mais il est difficile d'identifier un échange, j'ai pensé à un "dialogue de sourds", néant et soleil faisant leur prestation sans ne rien laisser paraitre de la parole de l'autre dans leurs propres mots. C'est un peu exagéré finalement, l'échange est imagé, la syntaxe poétique, mais l'échange alterne simplement de strophe en strophe chaque personnage, le dernier passage est la parole du soleil, si je ne me trompe, "vainqueur" finalement du néant.

Le "poète", le narrateur qui rapporte la discussion entre le soleil et le néant, a un tout petit rôle en fin de compte, il ne fait que lancer le truc et n'intervient plus. Pour la fin par exemple, je m'attendais à le voir poser une conclusion, tomber le rideau.

Il y a de jolis vers aussi, c'est difficile à rassembler en commentaire, après l'épreuve de décryptage que je m'inflige surtout, mais la première lecture en a senti, un peu malmenée par les changements de mètres mais ça participait du mouvement des vers. je trouve quand même délicat d'associer l'octosyllabe à l'alexandrin, car du fait des césures, le plus long n'est pas vraiment l'alexandrin mais l'autre.

C'est bien plus digeste que le roman en vers de Hugo dont j'ai oublié le titre, mais ça reste une gageure de se lancer dans une pareille lecture. Je trouve cela plus intéressant, plus musical plutôt qu'un conte ou qu'une fable en vers, qui peut avoir la même longueur, avec une syntaxe plus sage mais du coup plus froide.

   Robot   
5/11/2014
 a aimé ce texte 
Bien
 C'est bien écrit, peut être un peu lassant, peut-être un peu confus. Je me suis perdu un peu dans le dialogue, ne sachant pas toujours quel interlocuteur s'exprimait. Cette lutte entre le soleil et le néant, la lutte entre le créateur et sa création en somme . Le soleil veut prendre la place de dieu, le soleil se croit dieu, et sa matrice ne peut s'y résigner.
Mais si le soleil meurt, le néant lui survivra-t-il ?
J'ai perçu comme une émanation de La légende des Siècles.


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