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Poésie libre
Stephane : Aux bien-pensants
 Publié le 21/12/20  -  11 commentaires  -  1808 caractères  -  214 lectures    Autres textes du même auteur


Aux bien-pensants



J’sirotais tranquillement mon café du matin
Lorsqu’un illustre esthète aux idées bien-pensantes
Parangon du diktat et de la rhétorique
S’en vint à blasphémer au milieu de la scène

Le pédant conformiste usait de l’oxymore
En bretteur émérite et comble du langage
Sonnait de l’équivoque à qui voulait l’entendre
Pourvu que l’assemblée étourdie du breuvage
S’en laisse discourir avant de l’acclamer
Entre deux verres de vin et une lampée de rhum

Pléthore dithyrambique en vacarme inutile
Le puriste de l’Ordre nous affublait d’éthique
Psalmodiant des versets à la gloire de son dogme
Fier de ses catachrèses à qui voulait l’entendre

L’hypocrite alphabète tel le Sphinx se tint
Sous l’égide assassine d’un laïus exemplaire
Vernissant au passage l’auguste aréopage
Comme le cul de chiroubles arrose les mâchons

Au comble de l’absurde notre fier carabin
Voua aux gémonies un brave Don Quichotte
S’offusquant tout à coup contre ce sycophante
Venu troubler ainsi l’oraison dispendieuse

Hélas le gibbon de la pensée unique
Se vit coiffé idoine d’un lapsus linguae
Lors d’un coup hasardeux dispensé par mégarde
À notre jeune éphèbe rhéteur-compositeur

« Vous coiffer d’anagrammes et de métonymies
D’anathèmes orgasmiques en novlangue orwelienne
D’hyperboles de fat politiquement correctes
Parodies d’antiphrases réfutant la critique
Bien-pensant satanique féru de polémique
Vous ouvrira tout grand les portes de l’enfer »

Maître de l’ironie et de la synecdoque
L’autre s’en retourna tout droit à ses pénates
Rejoindre l’hypallage et ses anacoluthes
Sans plus de pantomimes et de prêche à la noix


 
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   Gemini   
10/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonne idée d'écrire (sans ponctuation), et de classer ce texte en libre, et donc à l'abri, normalement, de tout commentaire bien-pensant.

On pense bien sûr à Hugo qui, fustigeant l'Académie (aïeule et douairière) dit "J'ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire".

Le ton populaire du narrateur (J'sirotais) qui se mêle à la liste des figures de rhétorique donne toute sa saveur à ce texte aux allures de règlement de compte (littéraire, on ne voit aucun terme de la prosodie poétique).
Peut-être est-ce du tact que d'avoir mis le titre au pluriel ?

J'ai trouvé un bon choix de verbes pour animer les propos du "pédant" : sonnait, affublait, psalmodiant, vernissant (!),

Et je découvre avec plaisir les mâchons que je me promets d'un jour déguster dans un bouchon avec un bon Chiroubles.

Reste l'ultime question : N'est-ce pas bien-pensant de dénoncer la bien-pensance ?

   Anonyme   
13/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

Un poème bien trop savant pour que j'en apprécie toutes les finesses.
Et je ne suis pas même un "sycophante".
Alors j'ai lu, écouté la musique, pas sûre d'avoir décelé le "lapsus linguæ". J'ai même cherché quelques termes dans le "cnrtl".
Cependant, je me demande s'il reste au narrateur quelque figure de rhétorique et/ou de style à placer.

Merci du partage,
Éclaircie

   papipoete   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour Stephane
je ne puis laisser passer un tel récit, dont chaque ligne recèle une pépite, une rareté de langage qui me laisse pantois !
ou, comment évoquer un prêcheur, dont seule sa parole a voix, les autres ne comptant que pour des prunes ! Vienne à passer un intrus qui lui claque le bec, avec moins d'emphase, et notre " je sais tout " s'en ira " la queue basse "
NB d'où avez-vous appris tant de vocabulaire, maniant rhétorique et métaphore tel le fouet d'Indiana Jones ?
C'est sûr que la re-lecture s'impose, pour ne pas vous perdre en chemin, mais le résultat m'impressionne vraiment !

   Corto   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette adresse aux "bien-pensants" est réjouissante.
Formulée d'un ton savant et provocateur, elle semble une réponse ciblée avec justesse en direction de toutes les pédanteries notamment littéraires.
J'ai volontiers relevé "Le puriste de l’Ordre nous affublait d’éthique
Psalmodiant des versets à la gloire de son dogme
Fier de ses catachrèses à qui voulait l’entendre"


Bien sûr pour apprécier ce discours il faut avoir sous la main un dictionnaire en pleine forme, mais c'est là une prudence habituelle. En outre puisque l'auteur fournit "deux verres de vin et une lampée de rhum" on ne lui en voudra pas.

Merci Stephane.

   Donaldo75   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Stéphane,

Eh bien, ce poème est très différent des derniers que tu as publié ici. Il recèle une tonalité satyrique pas piquée des vers et je suppose que parvenir à déchainer un tel feu lexical a probablement demandé beaucoup de travail. Quoi qu'il en soit, le résultat est à la hauteur de mes attentes et je ne peux que te féliciter pour cette explosion d'humour à la sauce poésie où la forme proposée libre flirte avec les sirènes de la prosodie classique sans rentrer dans leur jeu.

Bravo !

Donald

   Cristale   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Excellent !
Un texte riche, une écriture vive et affirmée.

J'ai eu l'impression de dévorer des mots-bonbons qui pétillaient dans ma bouche d'un goût acidulé sucré propre à chacun :)

Un auteur travailleur, un travail pétulent et soigné, de la recherche : j'adore !...donc pas de retenue pour la notation ^-^

Bravo Stephane !
Cristale

   Wencreeft   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte plein d'érudition. Trop peut-être. C'est original, c'est drôle, c'est très travaillé soit, mais il y a à force un début d'écœurement et de saturation qui peuvent poindre devant cette profusion de mots savants.
C'est que le poème n'est pas court, et avec pareille densité de vocabulaire, on frise l'effusion bavarde et obséquieuse. En somme, le texte est proche de ce discours aigrefin dont il s'annonce pourtant le détracteur.
Cela étant dit, j'ai tout de même apprécié la lecture, à cela près que j'ai du m'y reprendre à plusieurs fois, avec maintes pauses et relectures pour l'absorber. La forme libre est réussie puisque j'ai presque parfois eu l'impression que les vers étaient rimés.
En revanche l'absence ponctuation m'a décontenancé. Le texte est quand même un récit, avec pas mal d'action et même de dialogues. La ponctuation aurait participé, je trouve, à rendre l'ensemble plus vivant d'une part, et plus digeste d'une autre part.
Enfin, j'ai apprécié cette réhabilitation d'un langage sophistiqué. Certains mots m'étaient complètement inconnus, j'aime les écrits qui continuent à me faire apprendre.
Félicitations pour votre travail qui dut être, je le devine, assez conséquent.

   ferrandeix   
21/12/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Superbe texte, érudit tout en critiquant la cuistrerie. Si j'ai bien compris (il y a tout de même un peu d'incertitude dans le sens général), un bien-pensant se fait rabrouer par un orateur de service aussi érudit que lui. Idée d'autant plus remarquable que le texte se place purement sur le terrain littéraire et ne prétend servir aucune cause, ni critiquer réellement la bien-pensance. Ce n'est apparemment pas le sujet, mais le prétexte. La forme, en éliminant la rime, est une possibilité d'évolution pour la poésie classique. Néanmoins, l'apocope (probable) de certains e me paraît contestable, notamment au niveau de la césure:

"Fier de ses catachrèses à qui voulait l’entendre"

engendrant une "fausse élision" sur un pluriel, cas tout de même gênant

En revanche:

"Entre deux verres de vin"

ne me choque pas tellement en devenant:

Entre deux verr de vin (à condition que ce fût écrit ainsi)

et cela peut être interprété comme une extension logique de la licence associée au mot encore. r se comportant comme une voyelle (comme le rhô en grec ancien), seule consonne à pouvoir prendre un esprit (rude). Cela me choque moins que

Mes amères pensées

pourtant conforme sur le plan des règles classiques, mais le "re" constitue à la lecture une cacophonie à mon avis très gênante, une des plus grave que l'on puisse rencontrer.

Je discute ces points qui m'intéressent, mais le texte, par son contenu, transcende ces points de prosodie et s'affirme réellement à mon sens comme un excellent texte où l'auteur affirme sa maîtrise littéraire.

   wancyrs   
22/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Stéphane,

Je vais vous le dire tout de suite, je n'ai pas tout compris, et je ne prendrais pas de dictionnaire. Mais j'aime beaucoup ! Pourquoi ? Parce que vous relatez une histoire dont j'ai été le personnage second, il y a longtemps, j'avais 13 ou 14 ans.
J'allais dans un collège à près de 10km de chez nous, et je devais prendre un bus scolaire chaque jour ; j'étais en classe de 4ème. Un grand pédant qui faisait classe de 1ère ou Terminale littéraire, tout le long des 10km, nous cassait le tympan avec sa grandiloquence et cette attitude du "Je sais tout". Tout le monde le haïssait, et rêvait du jour où quelqu'un lui clouerait le bec. Je faisais partie de ceux qui le guettait au tournant, car, petit rat de bibliothèque, en deux années de lycée j'avais lu plus de la moitié des livres de la bibliothèque du collège. Un jour où notre ami avait tellement rabattu les oreilles des passagers que chacun priait silencieusement le chauffeur d'accélérer, un lapsus se glissa dans le discours de notre ami ; il voulait parler de "folies de grandeurs" et utilisa le terme "Mélogamie" au lieu de "Mégalomanie" ; c'est l'erreur que j'attendais. Je le repris de façon sentencieuse, et tout le monde le hua dans l'autobus. Et depuis ce jour, il ne dit plus mot pendant le trajet, au soulagement de tous !

Merci donc pour votre partage qui me rappelle cette tranche de vie !

Wan

   Stephane   
23/12/2020

   Absolue   
23/12/2020
Bonjour,
On sent dans ce texte votre plaisir à utiliser un vocabulaire recherché. On perçoit des rimes, bien qu'il n'y en ait pas. Beau travail!
Cependant, je trouve ces vers désuets et ne parviens pas à éprouver une quelconque émotion en les lisant. Je ne comprends pas bien le but d'accumuler autant de mots hermétiques, alors que quelques-uns auraient suffi. Du coup, pleine d'aspérités, la forme m'a sauté au visage et le fond m'échappe.


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