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Poésie libre
Stephane : Génoxydes
 Publié le 31/07/22  -  11 commentaires  -  6420 caractères  -  97 lectures    Autres textes du même auteur


Génoxydes



Si tu savais l’ennui I

Si tu savais l’ennui aux abords des banlieues
Qui baigne de lueurs la patine du jour
Le murmure des paroles dans le vent taciturne
Qui heurte les persiennes à demi entrouvertes
La pluie sur les visages ruisselant d’amertume
À travers le réseau des artères diluviennes
Imprimant la douleur sur les corps et les âmes
En une onde létale où tout semble figé

Sordide est la lumière qui s’infiltre du pouls
Jaillissant des foyers de misère et d’oubli
La marche suffocante des années qui s’effacent
Aux pieds des murs d’enceinte voués à la paresse

J’ai cherché les focales à toute heure de la nuit
Le décompte des cernes piétinés alentour
Le roulis minuscule d’un organe intérieur
Semblable aux lumignons écaillés des voiries
Qui nous guident sans fard sur les plaines rétives
Maquillées des tantriques aveuglant des falaises
Lucifer giratoire maudissant les sirènes
D’une mue décatie dans le flot des vitrines

Dans le ciel voilé la nuit lente s’éveille
Imprimant sa dépouille au pyrée chromatique
Des passages piétons où les pas fuient le jour
Insensibles au vacarme délétère des carrefours


Le rayon se consuII

Le rayon se consume et ses mains insensibles
Nous lient à mesure que le temps s’émancipe
Lentement sur le fil élimé du réel
Vol intemporel où tu demeures encor
Toi la ville endeuillée aux complexes d’acier
Sous l’aube artificielle des écrans au plasma
Vêtus de bas résille dans l’air congestionné
De faisceaux hilarants aux morsures de velours

L’alchimie des chimères propageant le tourment
Sur les ponts et chaussées œuvre dans l’acoustique
Reliques intemporelles crachant des sédiments
Dans le temple euristique de courants éphémères

Depuis l’aube perfide d’errements passéistes
La pensée s’illusionne dans le flux hypnotique
À flancs d’immeubles hâves où s’imprime la faux
Incessante des siècles sur le corps des silhouettes
Tandis que la Prêtresse des slogans cancéreux
Essaime le menu des brochures d’illusions
Qui s’éteignent à voix basse sur le gras des trottoirs
En lipomes ambulants sur les cœurs dénudés

C’est une plaie immense qui baigne les forêts
De pylônes et de verre en un épanchement
De vacarme et de suie dressant à chaque pas
Les contours ombragés d’une usure spectrale


C’est le ventre équIII

C’est le ventre équarri des baleines échouées
Sur les flots ravageurs d’une mer de bitume
Que j’ose encore enfreindre sur les flancs intérieurs
D’entrepôts délavés d’une industrie en chaîne
La gorge usinée d’univers prodigieux
De plastique et de verre vomis sur les étals
D’une armée flamboyante d’emballages lunaires
Consommés sur les restes d’une toile en lambeaux

C’est le monde sécable d’immondices en vergue
Les mâts déchiquetés en vaisseaux miniatures
De filets et de tubes tronçonnés jusqu’à l’os
Nachos protéiformes de fumets cancéreux

Est-ce l’homme ainsi que l’on voue au malheur
Dans le cycle infernal des rouages sanglants
D’une arène scabreuse aux allures de succube
Le déchet titanesque livré aux gémonies
De harpies séculaires se ruant sur la proie
La gueule effroyable prête à mordre la chair
Ovale nébuleux d’un visage de mort
Sur la scène maudite d’un tombeau hivernal

C’est la lice où parade la folie des antennes
La sève numérique dans les lignes perfides
Des racines fantômes chevauchant le déclin
Sur les pans oxydés d’une plaine marchande


La suie comme oriIV

La suie comme oripeau les felouques dérivent
Au loin vers les torrents de moteurs qui s’épanchent
En une traîne aveugle de rouille homicide
Sur les voies intestines des artères mécaniques
Farandoles d’écume ponctuées de halos
Dans la brume amphibie gangrenée de sutures
Le souffle élégiaque des tronçons putréfiés
D’une jungle homicide où règne le chaos

Emmène-moi encore sur les sentes olfactives
D’une douceur ambrée à la faveur du jour
L’étreinte visuelle d’une enveloppe charnelle
Au-delà de la fosse mutilée des cratères

Hangars démesurés de poutres métalliques
Commerces immémoriaux de marches primitives
Les ombres menaçantes des miroirs Art déco
Nous offrent au rebut de sculptures émaciées
Cauchemars des comptoirs aux objets contrefaits
Semblables aux caractères sibyllins des pentacles
Qui œuvrent en coulisse à défaire la membrane
D’une mue décousue au corps de Danaïde

La scolopendre veille à tisser la nécrose
Répandant sa morsure de béton lapidaire
En œdème acharné sur les monts citadins
Où suintent les rivières de varices en crues


Sous les ors d’un arV

Sous les ors d’un archange la ville démentielle
Aux sombres artifices déploie son amble allure
De soleils factices au gré du macadam
La foule engloutie par une déferlante
De lumières et de sons où les voix déambulent
Dans le cloître des murs recouverts de haillons
Et les brandons s’échinent à décimer la nuit
En légions triomphantes sur des bras de Titans

La musique atonale qui blesse l’horizon
Brise la mélodie de nuances insonores
Avant de s’échouer sur le vide quantique
D’une épave nocturne où règne le silence

Le matin s’évanouit aux confins de l’éther
En fouillis basaltique de colonnes olivines
Océan chromatique sous une pluie acide
Où transmuent les fêlures en écume vibrante
Le long des trajectoires où meurent les silhouettes
En un flot ténébreux de varech et de crêtes
L’air saumâtre des sources de brouillard et d’écueils
Où chavire le reflet de funestes baïnes

Nature cyanosée au cœur serti d’émail
Luit l’astre corrosif sur les cimes chétives
Dans une farandole de rêves flamboyants
Avant de s’évanouir en un long sacrifice


 
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   Cyrill   
22/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une ambiance désespérante décrite à grand renfort de riches métaphores qui infusent en moi, lecteur.
Je suis littéralement baigné dans cette tristesse à fleur de peau, elle s’exprime longuement, se renouvelle encore et encore par moult détails qui posent un décor mi-fantastique mi-réel.
Un long poème, pas trop long pour moi qui aime les textes bavards quand ils ont quelque chose à dire, et c’est le cas ici.
Les excès de nos sociétés, de notre civilisation, sont questionnés sans relâche.
Un poème à relire, certainement, pour en apprécier toutes les subtilités. Beaucoup d’émotion s’en dégage.

   Anonyme   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Stephane,

Vous avez créé là, un texte riche, sombre (la pluie ruisselant sur les visages d’amertume). Un long travelling désespérant sur les banlieues mais pas que. Il est émaillé de métaphores et d'associations d’images, souvent superbes, parfois obscures (maquillée des tantriques aveuglant les falaises) et de mots compliquée à remplir mon carnet (pyrée, euristique, lipome, etc.) Le travail poétique paraît colossal et donne un peu le vertige. Je n’ai pas les compétences pour tout comprendre et commenter mais je suis ressortie un peu hébétée, enivrée et surtout très impressionnée par la densité et de cette état des lieux sur nos abus et déviances générales. Si je pouvais émettre un léger reproche, c’est sur sa longueur mais vous aviez tellement de choses à dire. Je le relirai dans quelques jours

Je découvre un auteur et je suis totalement éblouie

Anna

   papipoete   
31/7/2022
bonjour Stephane
D'emblée, je pus passer mon chemin devant la masse des vers ( c'est un principe depuis qu'on me sabra des quatrains entiers... )
Mais non, je me suis aventuré à pieds feutrés, et tel Champollion je m'attaquai à le transposition en français, de ce texte où les neurones traînent des pieds " c'est quand qu'on arrive ? "
NB je n'ai retenu que l'immense douleur, qui s'exprime sous la plume de l'auteur ; mais j'avoue avoir rendu les armes en chemin !
Je sais ce genre d'écriture, prisée par certains grands oniriens qui s'extasieront devant cette pelote de vers, aussi ne veux-je point pénaliser notre jongleur, avec une notre réductrice !
je ne sais si vous sauriez étaler des alexandrins, mais moi ne saurais me mesurer à votre façon...

   Robot   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte dense et accablant de morosité qui pourrait figurer dans une "légende des siècles" contemporaine.

La rédaction de ce poème libre est constituée d'images prégnantes et saturées de pessimisme, dans une écriture et une composition qui m'ont retenues jusqu'au bout de l'émotion et de la sensibilité.

Ce texte est tellement sombre et désespéré, ne laissant aucune illusion, aucune ouverture vers une quelconque sérénité, que le besoin d'aller chercher au dehors un peu de lumière sous le soleil se fait sentir.
En celà, c'est une réussite.

   virevolte   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je suis un peu gênée par le rythme . Il y a beaucoup d’alexandrins. Trop pour des" vers libres" mais qui seraient parfois faux pour du classique. Lu à haute voix cette forme est un peu pénible d’autant que le poème est très long.
Sinon j’admire la force du texte et sa noirceur.
Le thème de la « ville démentielle » est développé d’une manière très sûre, tout à fait personnelle et convaincante.
Si je devais faire la liste des métaphores originales dont le texte est rempli il faudrait que je recopie le poème !
Je n’aime pas beaucoup l’utilisation de l’« éther » usé.
D’ailleurs le vers dans son entier choque mon oreille.
« Le matin s’évanouit aux confins de l’éther"
Qui ne colle pas avec le rythme du vers suivant
"En fouillis basaltique de colonnes olivines"
Peut-être certaines comparaisons sont-elles un peu forcées
« La scolopendre veille à tisser la nécrose », ou « « le béton lapidaire » et d'autres.Mais pourquoi pas !
Donc un poème fort, une description originale et désespérée de notre monde.

Merci pour la lecture.

   senglar   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Stephane,


Je vais être honnête. Est-il possible de rendre compte de ce très long poème truffé de vers aussi riches qu'hiératiques.
A moins d'y passer trois jours ou trois semaines je ne le pense pas
Alors avant de dire mon impression générale je choisis de chaque étape quelques éléments :
- 1ère séquence :
"à demi entrouvertes" : une persienne se lève ou se baisse non ?
Vers remarquable :
"Le décompte des cernes piétinés alentour"
(Ce seront mes choix bien entendu)
- 2ème séquence :
Je relève le "cancéreux" à mon avis corrélé au titre.
Vers remarquable :
"De faisceaux hilarants aux morsures de velours"
- 3ème séquence :
je retrouve le mot "cancéreux" et je trouve le mot "oxydés"
- 4ème séquence :
Le mot "rouille" m'interpelle. Hello mec !
"jungle homicide" : je n'en connais pas de paradisiaque.
vers remarquable :
"Les ombres menaçantes des miroirs art déco"
quoique l'art déco c'était l'art nouille, tout en rondeurs, difficile de blesser quand on est rond. Vous me direz la batte de base ball et tout ça...
- séquence 5 :
Je trouve le mot "acide"
"vide quantique" c'est tout petit le quantique.
vers remarquable :
"En fouillis basaltique de colonnes olivines"
Ah celui-là il est fabuleux !

Et euh C'est l'autel de Moloch le quatrain final.

Bien j'en viens à mon impression comme annoncé au début :
Brrr !... J'ai lu là une vision bien pessimiste de la ville et de sa banlieue. Réaliste-Poétique-Rhétorique-Philosophique-Catastrophique.

"Génoxydes" J'ai cherché "Gén-", j'ai trouvé "oxyd(és)" :
"Sur les pans oxydés d'une plaine marchande"
Et puis j'ai vu le jeu avec le O : GénOxydes. Génome et oxydes. Ce génome est un carcinome avancé puisque l'on court ici à sa perte. Un grand bidon de rustol peut-être je retombe sur le mot "rouille" relevé plus haut. C'est pas de la gymnastique ça !

Vite mon oncologue !

Ah une dernière remarque : Dans ce tableau apocalyptique je n'ai pas vu les rats. moi qui habite la campagne j'ai mon rat. Va pas être content le rat des villes !

   Cristale   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Stephane,

Quel punch ! Comment tu as laissé courir ta plume ! C'est une folie, un délire d'images toutes plus crashes les unes que les autres sur un rythme haletant. Pas le temps de souffler...
Des vers en situation tellement plus expressifs à ta façon si personnelle que tu te passes aisément de toute forme classique.
Tu parviens à contrôler la chevauchée de ta plume sans jamais la brider.
Peintre des entrailles de la ville tu m'as scotchée devant mon écran.

Histoire de dire un truc négatif, je n'aime pas trop les numérotations. Les espaces plus grands m'auraient câliné davantage le regard ^^

Bravo Stephane !

Cristale
quand j'aime je le dis.

   StephTask   
31/7/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Stéphane !
Après Supraville, c’est encore du lourd. Je n’avais jamais lu quelque chose d’aussi beau et puissant pour décrire un paysage urbain.
C’est aussi un texte politico-poétique militant contre les méfaits du capitalisme, de la surconsommation et de leurs conséquences sur l’artificialisation des sols, la gestion des déchets et du plastique, la fragmentation écologique, l’impacts des ondes, la pollution atmosphérique liée aux moteurs thermiques, le non respect des zones humides, la congestion, la pollution lumineuse et le bruit puis les impacts sur l’eau et son cycle. Tout y est ! C’est un manifeste écologique et poétique. J’adore ! C’est un chef d’œuvre aussi utile que sublime.

   Provencao   
1/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Stéphane,


"Le matin s’évanouit aux confins de l’éther
En fouillis basaltique de colonnes olivines
Océan chromatique sous une pluie acide
Où transmuent les fêlures en écume vibrante
Le long des trajectoires où meurent les silhouettes
En un flot ténébreux de varech et de crêtes
L’air saumâtre des sources de brouillard et d’écueils
Où chavire le reflet de funestes baïnes"

C'est mon passage préféré, où vous nous invitez à percevoir, ressentir, voir, chercher, penser les choses du monde, avec cette greffe de tristesse, de fantastique, de douleur, d'ennui, de sordide, et d'llusion.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Stephane   
5/8/2022

   Anonyme   
30/8/2022
C'est long très long trop long pour que je m'interesse et m'imprègne de cette poésie.
Je salue toutefois le travail et l'inspiration débordante de l'auteur bien que je n'ai pas tout lu.


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