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Poésie libre
Stephane : Les naufragés
 Publié le 05/01/25  -  6 commentaires  -  1173 caractères  -  117 lectures    Autres textes du même auteur


Les naufragés



Ils vont
Le long des voies
Happés par le gouffre abyssal
D’une nuit pleine et terrible

De chaque côté
Des portes
Des portes s’ouvrent
Des hommes tombent
Des hommes sans yeux
Des portes vides
Des hommes sans voix
Sans but
Sans vie

Bientôt l’œil
Droit devant
Dans l’axe
Fixant le spectre de tout homme
Observant
L’haleine fétide
La chair décomposée
Les os
La poussière
À travers les royaumes déchus
Les dynasties éteintes
Les républiques et les empires
En tous lieux
Toutes époques

Tant de morts
Portés par le courant d’une aube empoisonnée
Dès le premier soupir
L’intermittence du vent dans l’immobilité de l’air
La procession sans fin d’une horde monumentale
Creusant les fosses
Mégalithes
Dolmens
Autels
Sous des colonnes ioniques

Ils vont
Parmi les ruines
Portant leur croix dans un même abandon
Et au bout
L’œil
Droit devant
Observant
La danse macabre
L’arbre mort
La faux ensanglantée
L’inanité des Êtres


 
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   Provencao   
5/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Stéphane et douce et belle année,

"Ils vont
Parmi les ruines
Portant leur croix dans un même abandon
Et au bout
L’œil
Droit devant
Observant
La danse macabre
L’arbre mort
La faux ensanglantée
L’inanité des Êtres"


Personne ne peut croire, penser un tel repli ou une telle juxtaposition des diverses composantes de l’humanité. Aussi, je citerai cette réflexion Bouddhiste: " Rayonnez un amour sans limite vers le monde entier-au-dessus, en dessous et en travers"
L'amour authentique et honnête doivent être universels et acceptés partout dans le monde.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Damy   
5/1/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Vraiment très beau poème. Beau autant qu'il est laid dans un sens. Je veux dire, pour essayer d'être clair, qu'il aborde la laideur de l'humanité en la regardant en face dans des termes concis mais précis, ce qui provoque chez moi une émotion profonde qui m'affecte beaucoup.
Sans voix, sans œil, muets ou borgnes, les fugitifs finissent bien souvent dans la mer sans la mère patrie.
C'est comme cela que j'interprètes la liberté de vos vers.

   papipoete   
5/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Stephane
ils vont le long des chemins, l'oeil fixant l'horizon, où il n'y a rien
à peine nés, ils vont sur des épaules, dans des poussettes
ils traversent des villages fantômes comme eux qui n'ont rien, rien pour eux, rien pour plus pauvres
peut-être qu'une bombe fermera la marche qu'ils ont entrepris, s'arrêteront avant d'avoir appris à marcher...
NB on ne peut s'empêcher de penser à ces morts-vivants, d'Auschwitz partant pour les chambres, où les " douches " les attendaient
à tous ceux que la misère pousse sur les routes, les yeux exorbités et le ventre gonflé de ne manger... rien
la 4e strophe où l'on souffre et meurt, dès le premier soupir, est particulièrement douloureuse
je me sens coupable de ne manquer de rien, de vivre dans un pays endormi par la paix, que l'on ne sait même pas trouver anormal, par rapport aux pestiférés de la Terre.
un texte fort, et si monstrueusement ordinaire, comme la substance des JT chaque jour!

   Cristale   
5/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Hou là là !
C'est fort et ça sent la mort, c'est macabre de maccabées, le déclin de la condition humaine, aucune tombe n'est assez profonde pour engloutir l'enfer qui règne sur terre.
Des traces, depuis l'éternité n'ont d'existence que par la preuve que tout est voué à mourir.

"Fixant le spectre de tout homme
Observant
L’haleine fétide
La chair décomposée
Les os
La poussière
À travers les royaumes déchus
Les dynasties éteintes
Les républiques et les empires
En tous lieux
Toutes époques"

Et l'homme, son propre prédateur puisqu'il n'en a pas d'autres, n'y est pas pour rien.

Merci Stephane,
je m'en vais vite respirer l'air du temps ^^

   jfmoods   
6/1/2025
Le titre est trompeur qui semble nous mener tout droit vers l’évocation, hélas très prégnante aujourd‘hui, des migrations forcées. En vérité, ces naufragés sont au cœur d’une réflexion philosophique sur l’existence humaine. Certains éléments, d’ordre grandiose, font immédiatement penser au monde de Saint-John Perse ("Les royaumes", "Les dynasties", "Les républiques et les empires/En tous lieux/Toutes époques", "La procession sans fin d’une horde monumentale"). Cependant, chez Perse, toutes ces masses travaillent à leur propre accomplissement. Ici, c’est la décadence qui, partout, sans cesse, est à l’œuvre ("déchus", "les ruines"), une décadence qui conduit invariablement, et de manière obsédante, à l’extinction ("Happés par le gouffre abyssal/D’une nuit pleine et terrible", "le spectre de tout homme", "L’haleine fétide/La chair décomposée/Les os/La poussière", "Tant de morts", "Creusant les fosses", "L’arbre mort/La faux ensanglantée"), extinction programmée par notre fragile condition ("Portés par le courant d’une aube empoisonnée/Dès le premier soupir"). Nous naviguons sur un océan contraire qui peut nous fracasser à tout instant sur le premier rocher venu. Nous ne faisons que passer. Une évidence, me direz-vous. L’absurdité de l’existence humaine est particulièrement bien rendue aux vers 7 et 8 par une mécanique implacable ("Des portes s’ouvrent/Des hommes tombent"). L’existence est absurde et elle est également vide de sens. Les "hommes sans yeux" renvoient au mythe de la caverne. Nous sommes aveugles au monde qui nous entoure. L’élément le plus marquant de ce poème est évidemment l’œil scrutateur. Cet œil n’est certes pas celui, bienveillant, de l’ange de Wenders dans "Les Ailes du désir". Non, c’est bien la chanson de Manset qui s’impose ici…

"Quelqu’un a inventé ce jeu
Terrible, cruel, captivant" ("Comme un Légo")


Merci pour ce partage !

   Cyrill   
6/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Salut Stéphane,

Les vers tombent dans l’abysse évoqué au vers 3 comme tombent les règnes, les civilisations, depuis le début de l’humanité et « En tout lieu / Toutes époques ». Nous sommes plus près que jamais de l’œil du cyclone et tristes prétendant au naufrage, nous n’avons qu’à ouvrir une porte. À moins que ce soit les portes du sauvetage que nous n’avons pas voulu ou su ouvrir.
«une aube empoisonnée / Dès le premier soupir ». Toute vie porte en elle sa fin, on ne devrait pas s’en émouvoir plus que cela. Mais se sentir dans la mouvance de cette extinction de masse force la noirceur du trait chez le poète du désespoir.
« Bientôt l’œil … Dans l’axe » m’évoque une époque pas si lointaine qui tend à repasser ses plats malgré l’adage et confère au poème une tonalité plus politique qu’il n’y paraît.
Il y a aussi dans cette hécatombe, surtout dans la dernière partie avec des vers très visuels, du mystique, avec croix, œil, danse et faux. Très visuel, je dis, et qui infirme presque l'idée d'inanité. Et puis cet aspect processionnel des vers qui répond à la procession des êtres... du bon rapport fond/forme, je trouve.

Le texte s’émancipe de ponctuation et je suis assez surpris que les majuscules de début soient maintenues, elles m’ont obligé à forcer la barrière pour avancer dans ma lecture. Mon bémol dans ce beau poème.
Merci Stéphane pour la joie insufflée à mon cœur de scout de bon matin  (˶ˆᗜˆ˵)
Et au plaisir d’autres rencontres.


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