J'aime bien la confusion des sens que manifeste ce poème, avec le cri des pistils, les voyelles de la peau de l'être aimé, puis le fait que le narrateur retrouve son chemin vers la renaissance grâce à de tout petits moineaux, qu'il se mette à écureuiller et roiteler. J'y lis une communion avec la nature, voie royale pour se sentir pleinement humain et capable d'amour. Un poème habile à mon sens, et en même temps rafraîchissant, trouvé-je.

Bonjour,
"Je n'avais plus de nom assis dans ce jardin
Puisque tout me berçait de ces voix sans naissance."
Juste pour ces deux vers, je ne peux que m'arrêter sur votre poème.
C'est ce que je ressens quand je me pose un instant dans la nature, des voix sans naissance, des voix infinies qui n'en sont pas mais qui sont là tout de même. C'est très juste et en deux alexandrins vous avez décrit parfaitement cette sensation.
Et puis on continue
"Un cheval du bassin dévora la distance
De la terre à ce ciel que jamais on n'atteint."
Je ne sais quel est ce cheval mais il nous emporte de la terre au ciel, encore deux vers magnifiques de simplicité.
"Toute musique allaite ainsi qu'un sein de femme." oh et puis celui-ci, c'est un vrai bonheur.
Ensuite, comme final, les animaux qui deviennent verbes, ça , il fallait oser. Quand les mots à disposition ne suffisent plus, il faut en inventer pour mieux montrer ce qui se passe. Et là voilà, vous le faites, comme si tout cela était naturel. Et l'on devient écureuil, roitelet, l'or, la flamme.
Très bel ensemble. Je ne juge pas la forme, le justesse de la construction de ce sonnet. Vos mots vont bien au-delà de cela et c'est déjà parfait.
A vous relire, bien sûr.

"j'écureuillai si haut par-dessus la cité"

je m'y vois. je m'y vois très bien !

Votre poème est plein de trouvailles, il a un ton très frais, il me donne un sentiment de bien-être.

De l'or dans ma flamme : l'art de dire une chose évidente, si simplement, et le redire : de l'or dans ma flamme.

Merci.

Extra!
Ce texte permet de pardonner à tous les mauvais sonnets

J'ai cru avoir affaire à Jeanne D'Arc en lisant la première strophe et ça ne me déplaisait pas...

Dès l'u et l'e d'un jet d'eau j'ai retrouvé votre style perso que d'autres trouvailles superbes confortaient:

"Je roitelai" par exemple...

Si bien que moi aussi me vient l'envie d'écureiller comme une bête ce matin, le plus haut possible...

"toute musique allaite ainsi qu'un sein de femme" et"J'avais toi mon amour"....bo, simple,parfaitement en place!

Voilà des images, des expressions, des néologismes qui agrémentent un texte très inventif. J'ai particulièrement aimé "Toute musique allaite ainsi qu'un sein de femme." et le second tercet

"Je n'avais plus de nom assis dans ce jardin"

Le locuteur est le poète. Il est l'homme qui, ayant traversé l'usure des choses, se découvre soudain investi d'une identité vierge, comme replacé au seuil d'un monde neuf, au moment premier de la découverte de la vie.

"Puisque tout me berçait de ces voix sans naissance"

La cause de ce bouleversement est évidente (conjonction de subordination : "Puisque"). Il s'agit de la rencontre de l'espace d'écriture et de la ligne d'horizon utopique qui lui tient lieu de point d'appui (hyperbole : "tout me berçait", paradoxe : "ces voix sans naissance").

"Des pensers d'un tilleul je devinais l'essence
Et le cri des pistils me forgeait un destin"

Dès lors, même les rêves les plus fous peuvent se réaliser. La nature offre ses moindres secrets en partage au poète. Elle lui donne pour tâche de rendre compte, par les mots, d'une richesse infinie de perceptions, de sensations dont la vie est porteuse.

"L'e et l'u d'un jet d'eau, blanc et vert du festin,
Voyelles de ta peau rehaussèrent la danse"

Avec les couleurs, c'est l'image du voyant rimbaldien qui se lève. C'est l'image du langage transfiguré. L'assimilation du fil de la plume à une relation amoureuse épanouie s'impose avec force.

" Un cheval du bassin dévora la distance
De la terre à ce ciel que jamais on n'atteint."

Étayé par un jeu d'opposition entre passé simple et présent de vérité générale, un paradoxe s'affiche, porteur de l'éclosion de tous les possibles.

"De tout petits moineaux me dirent le chemin
Jusqu'à la note nue où l'on renaît enfin."

À la manière des miettes de pain dans "Le Petit Poucet", les oiseaux guident celui qui cherche sa route dans la bonne direction : celle du réenchantement du monde par l'ineffable mélodie des mots.

"Toute musique allaite ainsi qu'un sein de femme."

L'image d'une femme permettant l'accomplissement s'éclaire à nouveau. Ce ne sont cependant plus les traits de l'amante qui se dessinent, mais ceux de la mère nourricière.

"J'écureuillai si haut par-dessus la cité,
Je roitelai si près du cœur de la clarté,
J'avais toi mon amour et de l'or dans ma flamme."

Les néologismes et les marqueurs d'intensité matérialisent la puissance d'évocation accordée au poète. Se rejoignent, ici, inspiration poétique et relation passionnée à la femme aimée.

Merci pour ce partage !