Dans ce couloir étroit, inconnu, aux moelleuses parois humides, Nous rampons éperdus, affolés, serrés les uns contre les autres, Convergeant tous vers la planète gélatineuse, ce blanc astéroïde Qui, dans le long canal tout au bout, flotte comme un astronaute.
La sphère épand une lumière diaphane et ses bords sont frangés. Elle ressemblerait presque à ces méduses aux voiles translucides Qui flottent dans la mer et laissent onduler leurs voiles de mariée, Et pour nous, d’un seul coup c’est une curée, un barbare génocide.
Telles des lucioles déroutées nous flottons éperdus vers la sphère. Nos flagelles lumineuses nous aident à nous propulser vers ce but : Pénétrer vaillamment dans ce nid à la chaude et magique atmosphère, Passer de la vie à la mort, et faire cette ultime et prodigieuse culbute.
Et me voici jouant de mon corps translucide comme d’un rempart Je donne des coups de queue des coups de tête et mon cri est silence Les parois de cette boule sont élastiques mais dures et c’est le départ Pour l'histoire de la vie, telle que je l’ai voulue, dans toute sa violence.
Et me voici seule à pénétrer dans cette grotte accueillante et souple Et alors je ne suis plus maîtresse de mon sort, des forces incroyables Me fixent aux parois, m’enveloppent, et des filaments s’accouplent Pour m’enchaîner dans des plis dont me défaire ne suis plus capable.
Des effluves de mer m’entourent dans cet océan , dans ce sombre nid Je suis sans réaction, tout ce que je veux m’est offert et des plicatures Se forment sur mon corps, je perds ma flagelle, et se divise à l’envie. Mon unique cellule, donnant naissance encore à d’autres sans torture.
………
Et ces cellules se dupliquent jusqu’à soixante-trois le stade morula Division ultime pour l’unité de vie, et son éternelle mission particulière Qui du têtard à l’humain va faire sa métamorphose et après deviendra Un enfant blanc, jaune, ou noir dans l’intégrité de tout son être.
Il ne me reste qu’un embryon de queue et deux immenses yeux noirs Ma peau est gélatine et dans elle se dessine ma colonne vertébrale Puis au fil des jours apparaissent des membres, tous les accessoires Telles des branchies me permettant de vivre dans ce milieu claustral.
Et un beau matin ou alors un soir, je sentis battre dans ma poitrine Ce cœur qui venait d’entamer sa chevauchée vers ma lointaine mort Quand je naîtrai ce jour choisi entre tous au sablier de l’heure utérine Ma présente existence à mon certain trépas ne connaîtra pas mon sort.
Et pourtant je suis là dans ce premier paradis esquissant des sourires Mes doigts bien formés trouvent enfin l’abri chaud de ma bouche Expérimentant déjà le plaisir qui se prolongera de sucer mon pouce Et je suis sensations, extases, rêveries avant que de savoir discourir.
Dans mes mémoires endormies, éthérées règne encore la prescience De ce qui est, de ce qui n’est déjà plus et pourtant mes vies antérieures Ont marqué la trame de mes devenirs et une fois de plus la conscience De la chute originelle va guider mes pas dans mes faillibles ailleurs.
J’entends depuis longtemps les battements sourds du cœur de maman Et j’écoute attentive toutes ces voix passées à travers le tamis des eaux Je suis bien ici, rien ne m’est refusé aussi je prends tout mon temps Je me fais des yeux verts, des cheveux noirs et blanche est ma peau.
Je grandis, je prends innocemment toute cette place. Où sera mon espace Lorsque mon corps aura acquis le droit et l’envie de bouger à l’envie ? Je donne des coups de pieds, des coups de poings sans que ne se lasse Ma mère qui amoureusement met ses mains sur son ventre là où je suis.
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