Les effluves embaumés du bain maure se brumisent Et l’on voit des femmes entièrement dénudées, assises Sur les carrelles vertes et blanches qui s’interpellent À peine dissimulées par les vapeurs fleurées du bain
Elles se parlent en gestes ronds et parfois appellent Leur enfant hardi courant sur le carrelage mouillé. Elles ont de longs cheveux humides qui dissimulent À demi leurs seins lourds, où parfois tète un tout petit.
Elles reposent, cachant à peine derrière un voile de tulle, Leurs corps dorés, allongés sur des nattes de paille de riz. Et j’arrive, moi si blanche et intimidée, dans le hammam, Serrant, autour de ma taille, la serviette de bain incarnat.
Personne ne fait attention à ma pâle nudité et ces dames Continuent de babiller, à qui mieux mieux, dans le sauna. Une masseuse, à la peau ébène, me désigne alors une table Où je m’abandonne, confiante à ses deux mains expertes.
Ces paumes, qui ont massé toute les femmes de la ville, Peuvent reconnaître les épouses délaissées à leur corps. À la manière dont elles la massent du visage aux chevilles La femme se laisse toucher et puis lentement s’endort Elles savent parer pour la noce, les vierges à la peau satinée Et lavent longuement leurs cheveux à l’argile et au henné ; Colorent pieds et mains suivant le rite, et préparent le thé Qu’elles servent dans des verres que le breuvage a tannés
Mères et filles, tour à tour, admirent mais aussi redoutent Ces négresses du bain, magiciennes serviles et puissantes, Car elles connaissent leurs plus infimes ou lourds secrets. Leur réputation, en une seule phrase, infiniment blessante, Diffusée à la ronde, peut être, alors, irréparablement ternie
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