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Poésie libre
vicon : Chemin de nuit
 Publié le 05/01/12  -  10 commentaires  -  2153 caractères  -  231 lectures    Autres textes du même auteur

(à ma et mon vélo - tiré depuis.)


Chemin de nuit



… venir à toi j’ai douté
j’ai étouffé
j’ai cherché entre les ombres tes traces
 un chemin
  qui abat tous les arbres
    et qui jette toutes les pierres
  encore toujours un chemin effrité dans l’herbe-nuit
     des pierres tombantes
j’ai pris ce chemin
    pédalé vers ce secret comme on tombe d’un réverbère
        avec cette lumière froide gercée sur la façade
grésillante
    pâle comme un drap froissé
   à peine pâle
dans mon froid velours embué j’ai continué
j’ai roulé vers toi
 partout accroché les rues, les lignes blanches
 partout écartelé les croisements
j’ai roulé vers toi
     éboulé ma ville éteinte
  un clocher sans étoiles
et tous ces dormeurs aux mains mortes
  aux ongles agonisants sur l’asphalte
qui sont partout des musiques trop sombres pour y allumer un cierge
  ces dormeurs qui furent comme nous
    à douter à étouffer à
    manger trop de nuits
maintenant ils sont des dormeurs qui toussent la journée
mais je les ai dépassés
  je me suis enfoncé à nouveau vers toi tout au bout
   puis j’ai vu au creux d’une place
un carré de terre verte comme une fourrure
et j’ai repensé
 aux arbres et aux dormeurs
 au silence des pierres tombantes près du sol
alors
 près du sol j’ai tiré une petite plaie
  en tailleur
  dans l’obscur
 et
du coin des lèvres
   parmi les cendres incertaines
j’ai vu un bar vide des verres sur la table
 des verres deux fois trop grands
et cette vitre
cet autre verre où se noyait
    mon vieux lycée désert
    un banc
     de la rosée
et comme un petit enfant qu’on serrerait dans nos bras
 un petit brin d’herbe-nuit où se lovait le jour
      et j’ai...


 
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   Lunar-K   
27/12/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

J'ai beaucoup aimé ce poème, original et intriguant. C'est tout d'abord son rythme qui m'a emporté. On sent qu'il y a une véritable recherche, un véritable travail là-derrière. Et, à cet égard, ce texte est tout à fait abouti selon moi. Un rythme non pas étouffant (le point de vue n'est pas ici celui de ces "dormeurs aux mains mortes") mais bien plutôt haletant, comme pour échapper, d'une manière ou d'une autre, précisément, à l'étouffement de ces dormeurs et de la nuit (ou "herbe-nuit").

Le fond, ensuite, ou plutôt l'ambiance générale, m'a lui aussi complètement subjugué (fort bien aidé, il est vrai, par l'efficacité du rythme). Une espèce de récit halluciné et épique au développement particulièrement génial. Récit de ce qui, à première vue, ne semble finalement être qu'une simple balade à vélo... Mais ce serait réducteur de ne considérer ce texte que sous cet aspect, la balade (qui se transforme bien vite en course) étant justement ce rythme efficace au service du fond, et non le fond en lui-même.

Bon, il est vrai que cette quête du jour à travers les chemins de la nuit, jour qui s'avère finalement déjà présent, lové dans la nuit elle-même, n'est guère très originale ni excitante en soi. De même que ce recommencement perpétuel que suggèrent les points de suspension au début et à la fin du poème, points de suspension qui semble vouloir dire que ce poème n'est qu'un instant parmi beaucoup d'autres qui se succèdent, tous plus ou moins identiques. C'est du moins ainsi que je les comprends. Mais bon... la mise en scène et la présentation de ces thèmes, avec des images tout à fait originales et réussies, sont à ce point saisissantes que cela ne m'a pas du tout gêné. Et c'est bien là l'essentiel selon moi : l'ambiance et l'émotion qui se créent autour du récit tout nu, plutôt banal sans cela.

Bref, vous l'aurez compris j'espère, ce texte me plaît vraiment beaucoup. Un souffle tout à fait prenant, des images fort bien trouvées et traduisant une dimension presque "hallucinée" (du fait, essentiellement, de certaines associations et de la rapidité de leur enchaînement), une véritable ambiance et mise en scène qui parviennent ainsi à rendre palpitante cette balade sur le "chemin de la nuit".

Bravo et merci à vous !

   Anonyme   
5/1/2012
... le lecteur enfourche sa bicyclette et suit
dans votre roue
à votre rythme échevelé
ce chemin de nuit
les retours à la ligne bien calibrés
l'absence de majuscule et de ponctuation
accentuent l'impression de vélocité
"j’ai roulé vers toi"
le lecteur n'en saura pas plus sur ce "toi"
un amour passé ?
comme le laissent entendre les derniers vers
au lecteur de se faire son propre cinéma
et c'est très bien ainsi...

   Charivari   
5/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé.
Un ton faussement naïf, des petites touches surréalistes, des images qui reviennent de manière cyclique (ce qui est très bien vu quand on parle de bicyclette), le style est adapté au fond, celui d'un amour qui pédale dans une choucroute aussi verte que de l'herbe-nuit...
La fin, avec ces points de suspension, et très sympa aussi.

   Luz   
5/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

J'ai bien aimé ; le rythme, une ambiance très particulière, et aussi quelques passages très poétiques :
"chemin effrité dans l'herbe nuit... un clocher sans étoile... carré de terre verte comme une fourrure...
Bonne continuation.

Luz

   Anonyme   
6/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai aimé ce texte qui respire l'apnée, le sentiment d'urgence avant la chute finale. Descente aux enfers avant le déséquilibre-c'est ce qui arrive quand on ne pédale pas- ; le temps est compté et les beaux jours ne reviendront pas de sitôt... La disposition du texte en "escaliers" participe au sentiment poétique, un peu comme des écueils que l'on peut rencontrer sur la route de la vie-qui passe si vite-. Merci pour cette lecture.

   Lagomys   
6/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Vicon

Plutôt vététiste j'ai enfourché la petite reine en bec de selle et tenté de sucer la roue sans manger la luzerne.

Je commence par ce que j'aime un peu moins et qui compte les pavés :

"Un chemin" qui "abat" et "jette", sans doute pour amener les "pierres tombantes".
" Pédalé vers ce secret comme on tombe d’un réverbère", la métaphore me semble un tantinet insolite.
"Une lumière gercée" me gêne.
Un chouia pathos : "aux ongles agonisants sur l’asphalte" (du berger à la bergère, lol)
Sur la jante, la profusion des dormeurs.

Mais ces désagréments sont largement compensés par des images qui emmènent la braquasse : " j’ai cherché entre les ombres tes traces", " l’herbe-nuit", " pâle comme un drap froissé", " dans mon froid velours embué", " éboulé ma ville éteinte", " un clocher sans étoiles", "ces dormeurs aux mains mortes"(moins quand ils toussent la journée), " manger trop de nuits"… j'en garde sous la pédale.

Judicieuse la construction chaotique entre suspensions.

Malheureusement je n'ai pas saisi tout le sens de la fin du périple ni de l'intro d'ailleurs.


En croustille,

Lagomys couraillon

   funambule   
7/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Surréaliste? Je reste partagé tant la substance est dense... et dansante, tant le souffle dégringole la page pour arriver à ces "dormeurs", comme une pause, une parenthèse... avant de conclure cette descente haletante... et s'achever dans un ultime ralentissement et cette herbe nuit... berceau d'un "autre" jour.

Un vrai texte d'auteur, d'angle dont le mystère renforce les impressions, l'émotion. La vie? Le cycle semble complet et magistralement déroulé... mais n'importe quelle clarté... ou... rien me satisfera, ne cherchant rien d'autre que l'égoïste plaisir de la découverte.

   melancolique   
11/1/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Vicon,

J'ai beaucoup aimé cette poésie, originale et pleine de belles images, comme "l’herbe-nuit", "un clocher sans étoiles", "ces dormeurs aux mains mortes", "un carré de terre verte comme une fourrure".

Le rythme est parfait pour le thème choisi, et la fin de la poème laisse planer le mystère, je l'aime ainsi.

Un poème à lire et relire donc, merci pour l'auteur.

Au plaisir de vous relire.

   vicon   
11/1/2012

   brabant   
12/1/2012
Bonjour Vicon,


J'avoue que ce texte me laisse perplexe...


- par son incipit : à quoi "ma" renvoie-t-il ? (Ma est le diminutif de Maman). L'incipit m'indique un événement passé.

- par sa typographie, il est rare de voir des décalages irréguliers en début de vers. Sans doute "accouchez"-vous, au sens platonicien, de souvenirs douloureux, de bribe en bribe. Douloureux car il s'agit d'un chemin de "nuit" ?


Il s'agit d'aller vers "elle", chemin initiatique à rebours jalonné de difficultés, voire de dangers, propre à la désespérance, voire cauchemardesque au cours duquel vous semblez avoir chuté... mais au bout de la désespérance vous auriez retrouvé votre... mère, votre enfance.

S'agit-il d'une agonie à l'envers ? Vous ressourceriez-vous en remontant le temps pour vous donner une chance de renaître ?
"et comme un petit enfant qu'on serrerait dans nos bras
un petit brin d'herbe-nuit où se lovait le jour
et j'ai..."
crié, pleuré, souri... ? ...
Etes-vous arrivé au bout de votre "Chemin de nuit" ?


Texte lourd de signification.


Maintenant je vais lire les autres coms et votre fil... pour voir jusqu'où je me suis planté. :)

brabant intrigué


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