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Poésie libre
Vincente : De ces gouttes croisées
 Publié le 15/03/19  -  11 commentaires  -  5213 caractères  -  130 lectures    Autres textes du même auteur

L'improbable impromptu…


De ces gouttes croisées



La mare somnolait dans son lit de terre…

Sa réflexion éternelle s'amollissait mais
dans ce flottement entre deux eaux
son envie restait vive

Se rendre ciel toute de bleus lissée
puis vagabonder par quelques ondées
encore une fois elle s'y laissa aller

S'imaginant ainsi glace tendre dans le soir d'été
elle s'étira
calmement amplement
en devint miroir si grand qu'elle put s'y admirer

Peaufinant le moindre étalement
de ses vaguelettes dont le mouvement
habituellement lui donnait respiration
elle se rendait naturelle page très sage
pour offrir au paysage
du plein de sa surface
sa peau la plus nue
prêtée à la force la plus vive de la représentation

Le cadre de prairie aux contours sinueux
formait l'écrin fleuri de l'œuvre en instance
de généreuse mesure pour établir sa prestance

Des jaillissements bienvenus aussi la bordaient
l'arbre joufflu les roseaux les iris les presles
l'argumentant de reliefs qui l'adresseraient
encore plus savamment aux cieux

Ici la pureté de sa peau serait gage
de réussite pour la finesse du langage
la bonne perspective serait de belle éloquence
pour rendre si fluide sa liquidité
qu'elle en deviendrait matière à propos

Celle-ci ne serait pas un simple reflet de la réalité
pas même d'une réalité augmentée
non ici ce qui importait semblait d'une autre volonté
d'un autre ordre peut-être mystique ou surnaturel
mais de fait plus surréaliste que divin

L'apprêtement semblait abouti
le ciel les anges et Lucifer se réjouissaient
de pouvoir prendre part à la paisible danse

La douceur des tons de l'atmosphère
profitait à la jolie ambiance annoncée

L'œil sauvage le regard bovin les yeux d'enfants
allaient pouvoir déguster la vue
afin de s'y désaltérer
jusqu'à s'y refléter
sans le déboire d'en être floutés ou flottants
quand !... une première goutte brisa d'un pic le silence et bien que nul sang n'en coulât entacha la scène

Était-ce un oiseau malotru qui par outrecuidance
s'était épanché là pour apporter un dû indu ?
Serait-ce Lucifer qui
bien que convoqué aimablement
jouait goujatement de son mauvais esprit ?
Ou n'était-ce qu'un pépin
échappé de l'arbre coquin
qui ne put attendre d'être fruit trop mûr
pour jouir du plaisir de la reproduction ?

En tout état de cause la tache se répandit
comme une traînée de poudre
mais sans étincelles
ou plutôt telle l'ondulation du serpent
tant elle rampait sur la pellicule d'eau

Étonnamment elle s'estompa vivement
complètement
autorisant l'estampe à reprendre son dessein

Mais à peine la quiétude réinstallée
une autre chute
seule aussi celle-là
et puis...
comme si chaque tache fondue
appelait un enfant à jeter son dévolu
en balançant un autre caillou
une autre branchette
une autre pierrette
– comme sa sœur poussée sur le château de sable

Attentif à soigner le tableau
un autre imprévu s'était invité

Un gros nuage
enfin pas si gros
ami rebondit à la Botero
comme s'il avait fait trop de gonflette
tout boudiné en fait comme le bonhomme Michelin
sauf qu'il était sombre et pas commode du tout

Les petits nuages cumulés
des cumulos
voire des nimbus à peine nés
quelques stratus soulignant leurs traits tirés
et des cirrus à la mèche folle
étaient les bienvenus

Celui-là était menaçant

Il n'attendit pas pour prodiguer son entretien
dans une fougue telle une foudre liquide

Sous l'attaque l'on entrevit une fin
l'extinction du tableau
le feu artistique y brûlerait comme cendres sous douche

La magie
le miracle avant l'apocalypse
fut que chaque goutte
de l'averse qui s'épanchait fut grosse et indépendante

Comme pour marquer sa différence
chacune s'attachait à se détacher de sa voisine
dans le temps comme dans l'espace
à produire sur l'étendue dévolue et dépourvue sa marque

Celle du cercle le plus parfait
qui s'augmentait très graduellement
par son cercle premier grandissant
et géniteur de cercles internes concentriques.
Chacun y allant de son expression personnelle
la plus lyrique et la plus physiquement maîtrisée

Pour ne vexer personne
il est à reconnaître que chaque œuvre
bien que parfaite
était si semblable
si sensiblement ressemblante à celles de ses consœurs
que du cyclone craint
à l'évidence s'était perdu le cy
la chorégraphie s'avouait ainsi réplication désynchronisée

Elles furent sauvées par leur multiplicité
qui s'accroissant
les fit se rencontrer
aléatoirement
révélant sur le fond divagant d'un ciel renversé
par la singularité bonifiée des croisements erratiques
une beauté graphique émouvante


 
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   Provencao   
21/2/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
"Elles furent sauvées par leur multiplicité
qui s'accroissant
les firent se rencontrer
aléatoirement
révélant sur le fond divagant d'un ciel renversé
par la singularité bonifiée des croisements erratiques
une beauté graphique émouvante"

Vous m'avez époustouflée par votre audace, votre "désinvolture" en vos mots choisis, très bien choisis.

Un peu comme un magicien, capable de tout et de rien...jusque dans l'illusion, avec vos vers justes, unissant les évidences et les brillantes, investissant l'humilité du mot et le "classe" en quelques vers.

Vous vous êtes essayé à cet exercice fort complexe du "L'improbable impromptu..." avec aisance, libre dans l'harmonie de la composition, dans la forme choisie, dans le ton donné et voulu de l'écrit; Et vous sautillez de réflexion, de constatation, de description...

Bel éclectisme dans votre poésie avec en fil d'or "cette beauté graphique émouvante".

Au plaisir de vous lire

Cordialement

   INGOA   
21/2/2019
 a aimé ce texte 
Pas
La première partie (jusqu'à la première goutte) me rappelle beaucoup Le lac paru il y a peu sur ce site, avec des éléments de comparaison peu favorables dans la finesse des descriptions ; exemple : Le cadre de prairie aux contours sinueux formait l'écrin fleuri de l'œuvre en instance de généreuse mesure pour établir sa prestance. Je trouve l'écriture très pesante.
La deuxième partie aurait gagné en concision, en l'allégeant notamment de vers également pesants ; exemple : Celle du cercle le plus parfait qui s'augmentait très graduellement par son cercle premier grandissant et géniteur de cercles concentriques…
Je ne poursuis pas davantage car tout le reste est du même moule.
Cette poésie abusant généreusement d'adjectifs et de tournures empesés, rend très vite la lecture indigeste.

   Corto   
27/2/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ayant lu ce poème on ne pourra plus regarder la moindre mare avec inattention.
Une mare qui se veut lissement parfaite pour honorer son environnement et bien sûr le ciel qui s'y reflète, voilà qui n'est pas banal.

L'ambition est grande et le décor peut l'autoriser notamment avec cette strophe superbe "Des jaillissements bienvenus aussi la bordaient
l'arbre joufflu les roseaux les iris les presles l'argumentant de reliefs qui l'adresserait encore plus savamment aux cieux".

La mésaventure des gouttes malencontreuses mais qui finissent par participer au tableau est finement et audacieusement décrite car chacune "si sensiblement ressemblante à celles de ses consœurs
que du cyclone craint à l'évidence s'était perdu le cy".

Un texte long mais très beau dans lequel on prend plaisir à s'immerger.
Bravo.

   Davide   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Vincente,

Commençons par ce qui m'a dérangé :
Non pas vraiment la longueur du poème, mais la "lourdeur" des vers, notamment vers la fin : trop de circonvolutions, trop de descriptions...
J'aurais vivement préféré une alternance entre les strophes "écrites" (comme celles du poème) et des strophes contenant des vers plus légers, plus courts, à l'image du tableau mouvant si joliment dépeint.
Il faut alléger la pâte, si je puis me permettre, d'autant que les ingrédients sont d'excellente qualité.

L'écriture est élégante, raffinée, le sujet original et le ton poético-humoristique n'est pas sans rappeler celui des fables.
Je me suis laissé bercer par l'ambiance de ce paysage calme et les premières gouttes de pluie qui sont venues briser cette harmonie pour en créer une autre.

Un bien bel écrit, mais qui, à mon sens, pâtit d'une écriture se voulant trop exhaustive ou saturée de détails.

Davide

   Anonyme   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une première lecture, d'un trait (ouf !), m'ayant révélé l'idée générale de ce poème, j'ai entrepris de m'attarder sur chaque strophe, sans ordre chronologique précis, afin d'y goûter la finesse des images.

Les deux tableaux sont bien rendus.

Un poème à lire en prenant son temps.

   senglar   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Salut vincente,


Histoire(s) d'une mare, plus précisément Heurs et Malheurs d'une Mare, je n'ai pu m'empêcher de sourire et de sourire encore à la lecture de ce poème exhaustif et tendrement ironique où la mare ne craint pas de se moquer d'elle-même.

Un travail titanesque où tu es allé au bout de chacune de tes inspirations, de tes trouvailles Vincente, jouant sur et avec les mots jusqu'à ce point d'orgue à la fin :
"... du cyclone craint
à l'évidence s'était perdu le cy
la chorégraphie s'avouait ainsi réplication synchronisée".

Bravo tu as osé, tu n'as pas eu peur de lasser en te disant que ta mare ensorcellerait par sa 'profondeur' et par sa drôlerie plus qu'elle n'impatienterait par sa longueur.
Mais pour qui se prend-elle donc cette petite mare qui fait sa mijaurée... Pour un lac... une mer... un océan ! se seront exclamés les jaloux.

Peut-on se noyer dans une mare ? Celle-ci a le coeur trop vaste et pour être bucolique reçoit chez elle le monde entier, aventurière en pantoufles elle a le coeur sur la main et la vague communicative quand on sait qu'une mare bien sage n'en fait pas.

Les mares sont toutes semblables dans notre souvenir mais uniques aussi et je ne crois pas que celle-ci soit semblable aux autres contrairement à ce que disent les quelques vers que j'ai cités plus haut.
Celle-ci est en plus de tout ce que j'ai déjà dit un peu matamore et de craint pas de croiser le fer... avec les éléments, avec son propre ego, ses propres humeurs, ses propres pensées, sentiments, états d'âme, et même avec le lecteur pour s'imposer à lui. C'est aussi ainsi que je comprends le titre : "De ces gouttes croisées".

Pour finir, au fur et à mesure que j'ai barboté dans cette mare, un titre de livre m'est venu à l'esprit, va savoir pourquoi : "Les Aventures du baron de Münchhausen"... (Tu ne t'attendais pas à ça hein :) ) pour la folie, pour le rêve, une certaine forme de divagation. C'est qu'elle est aussi fantasque, invraisemblable, cette mare ! C'est que tu es un auteur-fleuve Vincente... euh pardon... un auteur-mare, voilà donc un nouveau vocable pour désigner qui va au fond de son écriture :)

Merci à toi !

Senglar de Brabantie

   papipoete   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Vincente
plus de 5000 caractères, ça fait peur au lecteur, et bien d'entre eux potentiels purent passer à autre chose !
J'ai relevé le défi de vous lire jusqu'à la goutte finale, et dois avouer que votre texte le méritait . Mais il n'est pas certain, que je le fasse à chaque fois ; combien de mes récits par le passé, virent des strophes entières sabrées pour ne pas dissuader le lectorat !
Mais votre mare qui somnolait, rêvant d'épater un étang, un lac, est presque vivante, tant vous la faites parler ; on la croirait, s'apprêtant devant la glace pour au bal, aller danser et être la plus belle...
Et puis, sur sa surface immaculée ( comme notre joue, sur laquelle au dernier moment pointait l'acné ) vient à tomber une goutte, puis deux, puis un sac, et voici la Belle toute contrariée !
NB la longueur de votre récit, empêche que l'on cite un passage particulier, mais il y en a plein ! mais j'aime bien la strophe ( peaufinant le moindre étalement... )
Vous me rappelez un souvenir d'enfance, celui de " ma " mare, où j'allais taquiner la perche-soleil ; elle me semblait géante !
Aujourd'hui, le contournement de notre ville passe juste au-dessus d'elle...un confetti ! ( je devais avoir près de 8 ans, en 1957 )

   Castelmore   
15/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
D’abord cela se lit , très vite cela pèse en bouche et à l’oreille, l’oeil cherche l’appui d’une ponctuation... en vain. Et puis, et puis ... un rythme apparaît , les images s’ajoutent, le paysage se met à vivre et le lecteur que je suis à vibrer...
Quand j’ai vu la longueur du texte, je l’ai attaqué vite, trop vite ! Voilà l’erreur. Il faut y rentrer doucement, ne pas réveiller cette mare qui somnole, ne pas bousculer ce miroir si lisse, le laisser nous envelopper de sa douceur et de ses reflets.
Une très belle écriture pour un texte original et surprenant.
Merci

   leni   
16/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour VINCENT
je me suis fait tuyauté par un poète qui semble vouloir passer de rien ne se passe à à bouge Avant de s'agiter on campe le décors

La mare somnolait dans son lit de terre…
et comme au baby foot les joueurs prennent place sur le terrain dans un désordre BROWNIEN

et voilà une première goutte brisa d'un pic le silence et bien que nul sang n'en coulât entacha la scène
qui a fait le coup?

Était-ce un oiseau malotru qui par outrecuidance
s'était épanché là pour apporter un dû indu ? MDR!!


Serait-ce Lucifer qui
bien que convoqué aimablement
jouait goujatement de son mauvais esprit ?
Ou n'était-ce qu'un pépin
échappé de l'arbre coquin
qui ne put attendre d'être fruit trop mûr


la tache se répandit
comme une traînée de poudre
mais sans étincelles

c'est sans doute après le bing bang
et unenfant s'en mêle

la tache se répandit
comme une traînée de poudre
mais sans étincelles


un enfant se laisse prendre au jeu
ET tombe la premère goutte

et là encore MDR
Était-ce un oiseau malotru qui par outrecuidance
s'était épanché là pour apporter un dû indu ?

un nuage fait de la gonflette


CHAQUE ŒUVRE se ressemblait
c'était calme paisible maintenant ça 'agite


UNE CHOREGRAPHIE ALEATOIRE

et je pense à la création du monde où le désordre apparent laisse la place à l'ordre CELUI de mille voies lactées et j'ai le nez dans la grande ourse et j'écris en apesanteur

MERCI AMITIES Leni

   Eki   
16/3/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'improbable impromptu...et ma curiosité est éveillée...

Une nuance de reflets s'offre ici, la mare est contée très loin de l'encre stagnante...Tout un monde s'y mire, s'y penche avec tendresse.

Vous nous offrez là, Vincente, de belles images. Tout est décrit avec poésie, délicatesse. Les mots sont généreux, sensibles.

Peaufinant le moindre étalement
de ses vaguelettes dont le mouvement
habituellement lui donnait respiration
elle se rendait naturelle page très sage
pour offrir au paysage
du plein de sa surface
sa peau la plus nue
prêtée à la force la plus vive de la représentation

J'aime moins les deux dernières strophes de cet écrit mais je trouve que l'ensemble de cet écrit porte une vraie harmonie sur fond de lumière et une douce quiétude.

Faut-il se méfier de l'eau qui dort ?

sourire d'Eki

   Vincente   
17/3/2019


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