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Poésie libre
Vincente : L'amusement
 Publié le 26/10/21  -  18 commentaires  -  810 caractères  -  351 lectures    Autres textes du même auteur

À peine suspendu…


L'amusement



Aujourd'hui le temps s'est pendu

sans frémir il s’est laissé aller flottant
à l'ancre l'étranglant dans le vent impudent

temps mort instantané
inconséquent
tentative délibérée demeurant vaine cependant
car dès l'instant suivant il recoulait
s'éventant inlassablement

le temps s'ennuie…
alors de temps en temps
il tente une petite coquetterie
il fait comme si…
croyance aux jeux d'enfants

il peut bien faire l'enfant
imaginez l'angoisse de fuir à l'éternel

sans lui
plus de vie
plus de début plus de fin
alors quelques tentatives pour tuer le temps
une sorte de dépassement…
expurgation ou éternuement
une petite excitation
une petite mort de temps
en temps… !


 
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   Anonyme   
13/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé l'angle espiègle de votre poème sur un sujet qui peut très vite tourner au pesant, au tragique. Le temps qui en a marre de passer et ne parvient pas à échapper à son destin, le renversement me plaît ! Une mention pour
dès l'instant suivant il recoulait
et
imaginez l'angoisse de fuir à l'éternel
et surtout
sans frémir il s’est laissé aller flottant
à l'ancre l'étranglant dans le vent impudent
Deux vers visuels, aériens, selon moi.

La dernière strophe en revanche m'apparaît laborieuse, j'ai l'impression que vous reprenez en moins bien ce qui a déjà été dit, que vous cherchez une formule de fin sans vraiment la trouver. Je trouve les deux derniers vers sympas dans le genre égrillard, mais avant, je me dis que ça ressasse. Par exemple, le temps qui cherche à tuer le temps, c'est trop direct à mon avis, trop facile. Terminer sur l'expression "de temps en temps" ne me déplaît pas, mais je regrette qu'elle soit présente auparavant dans le poème : la répétition me semble de trop.

   Robot   
19/10/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Le temps est autre chose que la durée régulière. Il est en chacun de nous suivant le moment, suivant l'instant, suivant l'éphémère ou l'infini de l'ennui.
Voici un texte qui sort du ronron des réflexions et interpelle sur la façon dont on ressent, dont on subi ou qu'on accepte. Ce temps qui s'est pendu entre le fugace et l'éternité.
Merci pour ce poème libre dont j'ai tout apprécié mais plus particulièrement les quatre derniers vers qui achèvent sans conclure et laisse la porte ouverte à une reprise de l'écoulement du temps. (une petite mort de temps en temps...) C'est tellement vrai.

Au vers 10, j'aurais écrit "de temps à autre" au lieu de "de temps en temps" pour éviter la redondance avec le final.

   Cyrill   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comme promis dans le titre, on s’amuse dans cette lecture, dès le début à imaginer un temps (sus)pendu, et vogue la galère.

C’est une réflexion à la fois plaisante et profonde qui est menée, au sujet d’un temps dont on n’a pas la maîtrise.
Il se décline à tous les tempéraments, mais il est chez toi surtout facétieux, autant qu’indispensable, malgré nos tentatives d’homicide.
J’ai entendu ses battements avec ces sons tɑ̃ si présents tout au long du poème.

Trois vers m’ont gêné, comme une évidence inutile à verbaliser :
« sans lui
plus de vie
plus de début plus de fin »

J’ai bien aimé cette petite mort qui permettrait de tuer le temps, le cercle est bien vicieux !

Edit : je reviens parce que j'en ai oublié un bout dans un bout de neurone : je trouve que ce temps qui tant nous tourmente mérite bien que tu lui tordes les aiguilles comme tu l'as fait, c'est un bien juste retournement !

   Annick   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
La répétition de la voyelle nasale em, en, an etc... vient comme un écho scander, rappeler le sujet du poème. Elle semble représenter le fil du temps qui se déroule.

Le temps, personnage à part entière, vivant, tente bien de briser ce sortilège qui le condamne à filer éternellement. C'est là qu'intervient le temps mort. L'humain apparait en filigrane. Car c'est l'homme qui découpe le temps avec un début et une fin. Tentative illusoire.

Jeu de mot entre le temps mort qui s'est pendu, au sens propre, et le temps mort, expression au figuré qui indique qu'il semble suspendu.

Il joue, espiègle, pour ne pas mourir d'ennui. Mais le temps est éternel, il court à tout jamais, ennuyé de ne jamais mourir ! Il est comme prisonnier de sa condition. Alors au lieu de se lamenter, il essaie d'échapper à cette destinée inexorable en s'amusant. Tentative d'évasion qui échoue à chaque fois, bien sûr...

Jeu de mot encore avec "cette petite mort" qui tue le temps. Idée à la fois de la fin et du plaisir. ( Excitation). L'humain apparaît encore en filigrane.

Le temps personnifié subit sa condition mais sans larmoyer. Il est facétieux, il essaie de rompre le sortilège qui le rend éternel. C'est un joueur.

Une manière très originale d'aborder ce thème qui pourrait être aussi vu d'un point de vue de la philosophie, de la physique...

C'est pour cela qu'un poème est magique. Il s'approprie toute chose.

   Provencao   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
" le temps s'ennuie…
alors de temps en temps
il tente une petite coquetterie
il fait comme si…
croyance aux jeux d'enfants "

J'ai bien aimé cette petite coquetterie, comme vous la nommez. Il est précieux ce temps suspendu par l'amusement et par le désir d'assouvir ce qui correspond à ce "il fait comme si…" avec ces successions de moments.

Belle écriture, belle lecture qui ouvre la voie à la philosophie et au questionnement.


Au plaisir de vous lire
Cordialement

   hersen   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voici un amusetemps bien mené, un temps-vent dont on ne peut se soustraire, mais qui est le sel de notre vie. puisque tant qu'il s'écoule, c'est qu'il y a un souffle que nous reconnaissons.

Une remarque fort subjective, donc à prendre comme telle :
"tentative délibérée demeurant vaine cependant" je trouve ce vers assez lourd, il y a un quelque chose d'assez prosaïque, d'explicatif, qui ne va pas avec 'ensemble de cet amusement.

Un peu de piment pour égayer ce temps, une petite mort, qui passe par là...

Petite mort : excellente trouvaille pour cette petite mort à deux sens !

Un amusement qui, si on creuse est très empreint de philosophie.

merci de cette lecture !

   Anonyme   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Ton poème m'a plu par son originalité !
De belles images se succèdent pour notre grand bonheur dans ton univers hors du commun.
Mais j'ai senti, je me trompe peut-être, une certaine monotonie s'installer, je n'ose dire banalité, alors que l'intensité émotionnelle aurait dû aller croissant pour maintenir intact l'intérêt du lecteur.
Cela dit, dans l'ensemble, c'est une lecture fort agréable.

   Eskisse   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Vincente,
Poème à la fois plaisant et sombre qui décline par le jeu toutes les caractéristiques du temps en le personnifiant. Du suicide raté à l'angoisse de vie éternelle.
Ce n'est pas perdre son temps que de le lire !

Merci

   Anonyme   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Vincente,

Prévert chez Pascal, ou Détente à Port Royal. C’est la poésie que j’aime. Je vous soupçonne d’avoir voulu me corrompre dès le choix du titre.
La diphtongue AN comme le tic-tac d’une horloge bressane au galbe violoné.

Pascal dans un bon jour aurait abandonné son jansénisme rigoriste pour votre amusement carpe diem. Pourtant vous vous ressemblez dans cette idée que l’homme, s’il veut tuer le temps, doit stimuler le présent. Pascal semblait nier l’éternité par la tendance de l’homme à interrompre le continuum de son existence en sacrifiant le présent, pour se perdre dans le passé et le futur. Ne disait-il pas dans ses Pensées, que je viens de découvrir à l’instant, lui préférant Pierre Desproges :

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent… C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige… Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent… Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin… Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »

Merci donc Vincente, par votre amusement, d’avoir résolu le théorème de Pascal, abandonné depuis sa mort. Merci de faire enfin confiance à l’homme pour l’excitation de l’instant, là tout de suite, et de nous faire sortir de sa thébaïde.

Le temps n’est pas le seul à préférer l’expurgation de la petite mort à celle de l’éternuement. Décidément, Vincente, vous en avez d’excellentes :)

Bellini

   Pouet   
27/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut,

Je crois avoir écrit ce vers "Et le Temps s'est pendu au gibet du néant". Mais simplement "le temps s'est pendu" (tout court si j'ose dire...) est tout aussi voire plus percutant finalement. Et puis comme le dit la chanson "la pendaison papa ça ne se commande pas tilalalala..."

Du coup, c'est le jeu, l'amusement - jeux d'humour et jeux d'amour bien sûr qui tuent le Temps, très bon titre reflet du plaisir de l'auteur pris lors de l'écriture tout autant que du thème du poème, qui dit mieux ? Un lecteur s'amusant peut-être ?

Je me suis dit peut-être de façon assez surréaliste que le "recoulait" dans le vers "car dès l'instant suivant il recoulait" était un parfait "mix" de "reculait" et "roucoulait", pas uniquement dans le sens reculer pour mieux sauter non non, mais moins grivoisement une sorte de lune de miel cyclique avec l'instant, quelque chose comme ça, perpétuité identique et trémolos d'émerveillement inédit , fugaces félicités aux voilettes éternelles. Car quoi de mieux que le napperon du Temps pour y broder nos pâles métaphysiques ?

L'oubli est un bon fossoyeur, aussi.

Si ce texte "L'amusement" fonctionne, c'est évidemment parce que tout cela est très sérieux.

Au plaisir

   papipoete   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonsoir Vincente
Non point poésie à mon avis, mais un numéro d'acrobatie " façon " Devos, où l'auteur joue avec le temps, coure après lui le long du lé de vent, où son amarre l'a retenu un instant, l'étranglant mais c'était " pour de faux " il a bien ri le temps comme un enfant qui dirait " je vous ai bien eu ! vous croyiez que j'étais mort ! mais le temps, on le tue pas comme ça ..."
NB des pirouettes, du saute-mouton, mettons-nous à sa place au temps ; il doit lui paraître long, le temps, depuis qu'il existe depuis la nuit des... et le poète jongle avec les mots, pour évoquer un début avec ou sans fin, mais pour le temps lui, jamais ne sonnera l'heure de sa fin.
J'ai pour habitude de faire parler, " qui n'est pas doté de la parole ", Vincente me chipe un sujet ! pas grave, quand il aura passé, passé et repassé, je l'attraperai... le temps !

   Robertus   
26/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Poème amusant et plein de finesse.

J'ai buté un peu sur la transition entre " à l'ancre l'étranglant " qui aurait peut-être mérité une ponctuation séparatrice où un retour à la ligne ? Ce n'est qu'un ressenti, je suis un néophyte.

Non seulement vous avez réussi à jouer avec le temps mais vous avez aussi placé le mot " expurgation " comme si de rien n'était et il est passé comme une lettre à le poste!

Au plaisir de vous relire

   Davide   
27/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Vincente,

Un nœud coulant eût-il donc suffi à tuer le temps, une bonne fois pour toutes ? Celui-ci eût-il définitivement coulé et se fût-il noyé, accroché à une ancre ? Eh bien, non, ma p’tite dame ! On ne le tue pas, le temps, surtout en poésie : on s’en amuse pourtant, on l’étire, on le compresse, on l’habille d’expressions, de formes et d’ « informes ».

Faire d’une telle abstraction une matière poétique aussi souple et questionnante offre au poète inspiré le regard de l’enfant malicieux, de celui qui ne se laisse pas berner par l’impromptu, de celui qui dompte sa matière, ou feint de le faire, qui sait la forme qu’il veut donner à sa maison de LEGO et œuvre en ce sens. S’amuser du temps – qu’il soit chronologique ou psychologique –, c’est un peu vouloir le tromper, finalement, lui donner une mesure presque humaine, le cerner à défaut de le discerner.

Par-delà les divertissants jeux de mots qui font fièrement chanter ce petit libre et drainent toute l’espièglerie du geste poétique (sens propre/sens figuré, homonymie, images farfelues, nombreuses récurrences de la syllabe [tan]…), je me suis senti réellement touché par la tentative désespérée du poète, empruntant au registre surréaliste ce beau brin de fantaisie, de se jouer du trouble en surplomb, ou de le contenir peut-être. Car, en effet, si ce poème coulant et sans temps mort est un réel amusement, la démarche, elle, est drôlement sérieuse, carrément métaphysique même. Ou philosophique, peut-être.

En somme, suspendre le temps (À peine suspendu... nous chuchote l'exergue), ce n’est pas une si mauvaise idée, au contraire, mais pour la prochaine fois, peut-être faudra-t-il penser à le suspendre plus solidement, c'est-à-dire définitivement, qu’il ne remette plus jamais les pieds sur son lieu de travail, le coquin… Ou peut-être pas, c'est selon ! ;)

   Luz   
27/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Vincente,

J'aime beaucoup ce poème sur le temps, vaste sujet (impossible sujet...)
Philosophes, théologiens et scientifiques s'arrachent les cheveux sur ce thème depuis bien longtemps. Enfin, les horloges continuent à tourner à peu près rond...
J'ai relevé en particulier :
"flottant à l'ancre l'étranglant dans le vent impudent"
"temps mort instantané"
"l'angoisse de fuir à l'éternel"
"une petite mort de temps en temps…"
Bravo et merci !

Luz

   Myo   
27/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un moment suspendu, léger où le temps ne se prend pas la tête à être le centre du monde.
Finalement, il n'en a cure d'être le sujet de tant de polémiques.
Il veut juste faire comme ci..

De bien belles trouvailles.

   Louis   
29/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ce poème semble répondre à l’imploration lamartinienne : « Ô temps, suspends ton vol », par ce constat étonnant et troublant, exprimé dans le premier vers :
« Aujourd’hui le temps s’est pendu »
Le temps n’est pas seulement suspendu, mais il est pendu, il s’est pendu, tout court, tout haut.
Il est resté "sus-pendu ‘’, en deux sens de ce terme : celui de l’interruption, et celui de ce qui reste attaché, fixé, de manière à pendre, en suspension donc.
Que le temps puisse rester pendu, surprend moins si l’on considère qu’il peut être donné par des "pendules’’.

Le temps a donc coupé court à sa course.
Il s’est donné la mort. « Aujourd’hui ». Comme si aujourd’hui allait être sans lendemain ; comme si aujourd’hui devait être le dernier jour dans la suite incalculable des jours, comme si aujourd’hui était le terme à ce qui semble interminable.
Il ne s’est pas donné la mort par remords, lui que l’on présume coupable de meurtres, que l’on considère comme le plus grand "serial killer’’, le meurtrier absolu, assassin de toute vie, infanticide même sous le pseudo de Cronos.
Il s’avère, en effet, dans la suite du poème, que le temps qui s’est pendu, c’est « l’instant ».
« Aujourd’hui », somme d’instants, ne peut se comprendre que par l’intervention subreptice, et métonymique, d’une subjectivité qui prend « aujourd’hui » conscience, que l’instant peut mourir. Et s’il le peut, il le peut à chaque instant, c’était vrai hier, ce sera vrai demain.
Le temps mort pendille donc « sans frémir », inerte, sans le moindre mouvement, et donc sans rendre possible le moindre changement. S’il se laisse aller « flottant », c’est nécessairement sans oscillations, sans ondulations, dans une détente qui le soulage de la tension qui le pousse, en quelque sorte, vers le moment suivant.
Il n’est pas mort vraiment, définitivement, mais il est au repos, lui qui court sans cesse.
Une « ancre » le retient, interrompt son mouvement de passage, lui dont on dit qu’il «passe », lui plutôt par lequel tout passe. L’être qui semble s’écouler sans cesse, se donne pourtant une ancre pour se fixer sur le lit du fleuve.

Le temps meurt dans l’instant : « temps mort instantané ». Pas d’agonie. Le temps ne prend pas son temps pour mourir. Il meurt à l’instant, il meurt en tant qu’instant pour renaître dans l’instant suivant, se raviver et sortir de sa fausse mort, de son repos.
Car le temps fait mine de mourir, mais en réalité il dort, il s’assoupit, facétie du temps joueur.
Comme l’avait pensé il y a bien longtemps, le vieil Héraclite, le temps est joueur, royal et enfantin : « Le temps est un enfant qui joue. Royauté de l’enfant »
Sa part ludique se ramène, dans le poème, à la dissimulation, au déguisement, à se faire paraître autre qu’il n’est. Mais aussi, implicitement, à l’obéissance des règles d’un jeu. Et à leur transgression. Le temps nous joue des tours, pendables.

Mais la réalité du temps est là, dans l’instant. Cette idée est présupposée encore par le passage, dans le poème, entre «aujourd’hui » et « l’instant ».
L’intuition poétique qui porte le poème semble proche de celle que l’on trouve dans "l’Intuition de l’instant’’, et "La dialectique de la durée’’, deux ouvrages de G. Bachelard.
L’instant y est considéré comme la plus petite partie du temps, un "atome’’ temporel au sens ancien du terme, celui de l’unité indivisible (eh, comment le temps pourrait-il se diviser à l’infini ! ). Pas une heure, pas une minute, pas une seconde ou l’une de ses fractions, l’instant, sans durée, n’est pas mesurable.
Il est le présent objectif.
Sans lui, sans le temps qui se ramène au présent de l’instant ; sans lui, le temps qui est la succession d’instants exclusifs des autres (les instants n’aiment guère cohabiter, et rejettent toute simultanéité), sans lui :
« Plus de vie
Plus de début plus de fin »
Sans le temps, en effet, plus de devenir, plus de mouvement possible, et plus rien ne peut donc se déployer, or toute vie a besoin nécessairement d’expansion, de développement.

Le "temps mort", en repos, n’est pas l’éternité, qui n’est pas la perpétuité, mais l’absence de tout changement, de tout devenir. L’éternité ou l’immuable.
Sans les choses et les vivants en devenir, pas de début et pas de fin.
Dans l’éternité, tout est figé, définitivement. Angoisse de l’éternité. De l’immobile pour toujours.
Mais la petite mort du temps n’est pas l’éternité.
C’est juste
« Une petite mort de temps
En temps… ! »
D’un temps à un autre temps. Non pas « parfois », ou « quelquefois», mais de temps en… temps.
Et puisque le temps se ramène à l’instant : d’un instant à l’autre.

L’instant, distinct de la durée qui est un temps continu, suppose une discontinuité du temps.
Dans l’illusoire continuité du mouvement, il y a des ruptures, des "intervalles", des "repos" entre les phases événementielles.
Bachelard exprime dans La dialectique de la durée sa conviction que : «le repos est inscrit au cœur de l’être » et « que nous devons le sentir au fond même de notre être, intimement mêlé au devenir (…) au niveau même de la réalité temporelle sur laquelle s’appuient notre conscience et notre personne.»

Ainsi le poème ne se réduit pas à répéter une énième fois le Carpe diem.
S’il y a une morale à tirer de cette intuition de l’instant et du repos, elle est en rapport avec ce couple d’opposé : l’excitation et le repos ; l’excitation et « la petite mort ».
Le plaisir épicurien serait dans la « dialectique » de ces contraires : excitation, mouvement, événement d’une part, et repos, d’autre part, dans une échappatoire au temps, dans ce qui se creuse au sein même de son être, en sa course effrénée, et que nous pouvons «sentir au fond même de notre être ».
Le poème vise surtout l’intuition d’un repos entre-temps.
Dans un « dépassement » aussi, comme synthèse dans une union supérieure, du repos et de l’éveil, de la "mort’’ et de la vie.

   Vincente   
1/11/2021

   Anonyme   
2/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime bien la petite phrase de l'exergue ''à peine suspendu''... que je m'amuse à lire ''à peine suspendue''... Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici, n'est-ce-pas, Vincente ? De cet amusement que l'on s'autorise de temps à autre, lorsque l'on prend le temps de faire une pause avec la peine qui alourdit nos jours.

Ensuite, je trouve l'amusement bien mené. Il ricoche de ''temps mort instantané'' en ''tentative délibérée'' et ''tente une petite coquinerie'', ''une petite mort de temps en temps'', où il est facile de déceler l'étonnement du narrateur-temps devant la facilité avec laquelle il s'adonne au va-et-vient du lâcher-prise.

C'est facétieux, profond, sans être insondable, et léger à la fois, et cela me laisse indubitablement un petit air guilleret à la sortie de ma lecture.

Merci, Vincente, pour ce petit temps de foldinguerie pris au temps, pas si foldingue finalement.


Cat


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