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Poésie en prose
Virou64 : La main
 Publié le 13/12/21  -  8 commentaires  -  1680 caractères  -  152 lectures    Autres textes du même auteur


La main



L'œil empli de tristesse et voilé par l'ivresse, il fixe, fataliste, sa main de naufragé, sur sa cuisse échouée telle une épave triste.
Il voit la peau tannée, l'ongle qui s'étiole, les doigts violacés tendus vers les badauds en quête de l'euro, du quignon, de l’obole…

Cette main, là devant, qui n'obéit plus guère à ses commandements, lui paraît étrangère, distincte de son être, il n'en est plus le maître.
Elle n'est plus que disgrâce au bout d'un corps usé. Il revoit cependant, dans cette forme lasse, les mains de son passé.
La main de l'écolier utilisant les doigts pour compter six fois trois, traçant sur le cahier, sérieuse, appliquée, les pleins et déliés.
La main de l'appelé, soldat du contingent, guerrier mais tremblant, crispée sur le fusil, qui enleva des vies dans les faubourgs d'Alger…
La main de l'ouvrier experte et assurée, façonnant de l'outil, sous l'œil de l'apprenti les pièces alambiquées qui faisaient sa fierté.
La main si chaleureuse de l'élu populaire, tendue, ensorceleuse, vers chaque administré, promettant, c'est juré, la fin de la galère.
Cette main protectrice, douce et consolatrice qui éloignait les peurs, faisait taire les pleurs de l'enfant timoré, ce fils qu'il adorait.
Et la main de l'amant, l'amoureux, le mari, fiévreuse de désir qui prenait tout son temps, attentive au plaisir de la femme chérie.

La main s'est affaissée, a glissé tout le long du corps à l'abandon… Sur le trottoir gelé, de rares piétons passent, indifférents…
La vie s'est échappée de la main décharnée… Dans le petit matin, l'éboueur malien vient toucher, affligé, les phalanges glacées.


 
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   papipoete   
30/11/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
libre
il habite le trottoir, loin de Côte d'Ivoire peut-être, où le froid n'existe pas ; le froid du temps qui déroule son Hiver, sur de pauvres hères !
Il tend la main, aussi triste que l'est son pauvre regard, pour une pièce, un quignon de pain...Par une nuit glaciale, de son corps la vie est partie ; sa main toujours tendue mais...
NB un texte qui put horrifier l'Abbé Pierre, bien longtemps après cet Hiver de 1954 !
ce que fut cette main suppliant, défile sous nos yeux, dans des images stroboscopiques de bonheur, de savoir-faire, d'amant caressant...
Tout est bien traité, et l'on gèle sur le trottoir, auprès de ce malheureux !
Difficile de relever un passage particulier, tant chacun est plus fort que l'autre !
Les deux distiques sont si pathétiques !
papipoète

   Marite   
13/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Difficile pour moi de déterminer une nationalité quelconque à ce sans-abri échoué sur un trottoir et réduit à la mendicité. Cette situation peut arriver parfois très rapidement après avoir pourtant suivi un parcours que l'on peut qualifier de normal dans la société. Le texte, par son habile composition, nous fait revisiter ce parcours passé en utilisant "La main" comme guide.
La répétition du mot main n'est pas dérangeante pourtant elle apparaît dix fois dans le récit. Elle m'a donné l'impression de structurer l'ensemble, d'en être l'ossature. Voir et regarder cette main évite de voir le corps de cette personne et ainsi, peut-être, d'être submergé par l'émotion

   Anonyme   
13/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Virou,
Touchant comme description. On le voit, on le sent, cet être humain sans rien. Il se laisse mourir dans l'abandon presque total. Il a besoin de survivre mais n'y arrivera pas, ou alors pas longtemps, il fait trop froid dehors. Le début de ce texte est bien trop déprimant, on veut fuir la lecture. Mais il nous " hameçonne", nous accroche et nous ne pouvons plus nous en défaire... On ne peut que l'accompagner jusqu'à la décrépitude finale de cette main qui a tant vécu et qui pourrait être la nôtre.
Merci Virou.
ericboxfrog

   Malitorne   
14/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien
D'habitude j'apprécie peu les textes qui cherchent à nous apitoyer, souvent teintés de démagogie, mais le prisme utilisé ici rend l'exercice réussi. C'est bien vu d'avoir utilisé la main, organe fonctionnel par excellence, pour rendre compte de toute une vie jusqu'à la chute. On ne sait rien des causes qui ont conduit à l'exclusion et ça rend justement ce malheur collectif. Personne n'est à l'abri.
Peut-être une critique avec cet "éboueur malien" bien caricatural.

   Vincente   
14/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Choisir "l'accessoire" emblème de la préhension humaine pour évoquer le dessaisissement de sa propre vie et de la société sur un clochard est lourd de sens, très symbolique et très bien trouvé. Je salue sans réserve l'intention narrative.

L'écriture progresse en trois phases judicieusement placées, le corps "fataliste" du sujet, la réécriture des moments clés du passé vus à partir des actions importantes de la "main", et puis la découverte de la mort qui moins qu'une chute paraît alors comme une délivrance.
Les longues phrases, toutes de longueurs assez similaires, au ton constant, comme fourni, fourbi, plein, très vivant en somme, argumentent avec une cadence longue tous ces moments qui ne se pressent pas, comme voulant ne pas faire résumé ni condensé. Là encore j'aime bien l'intention généreuse envers son propos.

En fait, je constate que je n'ai rien de particulier à contester dans la facture de ce poème en prose. Peut-être que seul le propos misérabiliste, donc véhiculant un pathos un brin facile, pourrait être regretté, mais vraiment à peine. Oh et puis si en ce final inspiré pourtant, ce "malien" stigmatisant "l'éboueur" venu de loin, n'est pas trop utile, "l'éboueur" est une convocation déjà bien chargée en elle-même, pas besoin d'en rajouter.

   Anonyme   
15/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Virou64, bonsoir

Avec pour toile de fond la rue, plus qu’une descente aux enfers individuelle, « la main » nous offre une intelligente déconstruction de la vie d’un homme en rupture avec les standards d’une société repliée sur soi et indifférente aux malheurs d’autrui. Car il n’est plus rien cet être blessé par la vie. Pourtant, malgré un destin tragique pour le principal protagoniste de cette triste histoire, il y a une grande douceur qui laisse éclore l’émotion dans ce récit qui donne chair aux souvenirs de l’enfance jusqu’à l’âge adulte et rappelant le confort d’un foyer.

Merci pour cette si sensible lecture.

   Babefaon   
27/12/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Une très belle évocation d'une descente aux enfers, à travers les souvenirs qu'évoquent la main de celui qui est désormais seul à la regarder et à y accorder de l'attention. Terrible et à la fois hélas tellement banal, dans une société où les choses peuvent basculer, quelle qu'en soit la raison, de façon si soudaine et brutale !

   Anonyme   
14/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je trouve l’écriture très fluide et rythmée.


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