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Poésie contemporaine
Wencreeft : Vendredi soir
 Publié le 03/12/20  -  12 commentaires  -  1052 caractères  -  272 lectures    Autres textes du même auteur

Sombres lueurs.


Vendredi soir



Il est vendredi soir, la nuit m’admire nue,
Je sens couler sur moi l’encre bleue de la nue ;
Le ciel, ensemencé des surgeons du Soleil,
Se pare et fait éclore un parterre vermeil.

Pourquoi, quand sont happés les appétits solaires,
L’ombre est-elle émaillée d’étoiles lucifères ?
Des dieux ont-ils semé, jardiniers d’un ciel mort,
Des éclats scintillants comme des graines d’or ?

Ma nuit ne sera pas mêmement floribonde,
Les fleurs ne poussent plus sur ma terre inféconde ;
J'ai déjà renié le jour qui s’est enfui :
La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit.

Alors, tout obombrée par ces morceaux d’éther,
Je plonge dans l’étang sous un dernier aster
Et je fends, doucement, comme on traverse un songe,
La moire de ses eaux où la lune s’allonge.

Il est vendredi soir, la nuit me berce nue ;
Ne languis plus, amour, voici l’heure venue.
J’ai la douce illusion dans ces reflets étranges,
De nager dans le ciel comme le font les anges.


 
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   Anonyme   
23/11/2020
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai en lisant ce poème le sentiment d'une forme, et surtout d'un champ lexical, qui "grince" contre le fond. Vous choisissez de narrer un suicide par amour au moyen de vers certes présentés en catégorie de "Poésie contemporaine" mais d'apparence et de scansion tendant vers les canons classiques. C'est votre choix, le risque à mon avis est de brider l'expression de la détresse à cause des contraintes formelles.
Et alors, selon moi, avec le vocabulaire employé vous vous tirez carrément une balle dans le pied. Notamment "floribonde", "obombrée", qui ne passent pas du tout je trouve ; d'une manière générale le ton du poème m'apparaît d'une préciosité dommageable au vu du sujet. Ce n'est pas que la vulgarité me semble obligatoire et la solennité impossible ! Par exemple, le premier vers, selon moi, touche juste : simple et percutant.
Une mention d'ailleurs pour le deuxième quatrain que je ressens en adéquation avec le propos : la narratrice, avant le passage à l'acte, a un moment d'élévation ; dans ce contexte, les "étoiles lucifères" m'apparaissent à leur place.

Un bref instant, au deuxième vers j'ai lu
Je sens couler sur moi l’encre bleue de la rue
que je trouve franchement meilleur que la vraie version. Mais la rime, ah ! la rime...
Oh ! qui dira les torts de la rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
(Paul Verlaine, "Art poétique")

   Anonyme   
26/11/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Magnifique texte fondé, si j'ai bien compris car il est ardu à comprendre, sur un parallèle entre la mort et la tombée de la nuit. On se délecte du vocabulaire recherché (moire, aster, obombré, floribonde, mêmement). Légère déception due à la répétition de mots-clefs comme mort, nuit (trois fois, même si l'anaphore est voulue mais ça en fait une fois de trop à mon goût), mais enfin il y en a chez Baudelaire, ne soyons pas plus royalistes. Et pour être très pointilleux, la première rime nue/nue reposant sur des homonymes est étrange.
Le quatrain central est un point de bascule rondement mené. Bravo. Il manque tout de même quelque chose, je ne sais pas vraiment quoi. On dirait qu'elle a toujours été seule dans sa vie. Qui est cette dame ? Ne dit-elle pas au revoir à ses proches ? Et pourquoi ce choix du vendredi. Si c'est une allusion à Vénus, il aurait fallu l'expliciter et ce n'est probablement pas elle, puisqu'elle se pose une question simple sur les dieux.

   Miguel   
26/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je n'ai pas tout compris, car le vers "Ne languis plus, amour ..." me semble en contradiction avec ce que j'avais cru comprendre au vers "Les fleurs ne poussent plus..." (métaphore, me semblait-il, du renoncement à l'amour, à la beauté, alors qu'au début aussi "la nuit m'admire nue"). Mais finalement "voici l'heure venue" est plus positif. En tout cas, je suis sous le charme de ces vers comme je l'étais, enfant, quand ma maman me chantait des chansons auxquelles je ne comprenais pas tout non plus, mais qui m'emportaient dans leur monde. Tout y est mélodieux, fluide, tendre, avec une part de mélancolie communicative et douce. De fort beaux vers. La magie des mots est là, et que demander d'autre à la poésie ?

   fried   
3/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime beaucoup ce poème évocation onirique, invocation d'un amour qui se languit déjà dans l'autre monde ?
Il y a de belles trouvailles
"étoiles luciferes"
et un vocabulaire, floribonde, obombrée
que j'aime.
Merci pour ce joli partage.

   papipoete   
3/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Wencreeft
Voici ce que mon esprit songe, à vous lire...
Terre-Mère devenue inféconde ; l'on ne m'a pas pas respectée, ne prit assez soin de moi et me voici toute-nue, comme avant que sur moi poussent la faune, la flore et que me foule l'homme.
Chaque jour dorénavant est pareil au précédent, et demain sera le même qu'aujourd'hui ; pourtant lune et soleil continuent de luire, briller comme si de rien n'était...
NB peut-être que mon esprit s'égare, et va chercher un scénario trop " terre-à-terre " ? En tous cas, je vois cette scène-là, que vos vers d'une richesse peu ordinaire, mettent en scène...
Mon vocabulaire s'enrichit de mots, que je n'aurai pas loisir à poser dans mes lignes ( ne dirait-on pas " ce n'est pas du papipoète ça ! " )
la 4e strophe me plaît particulièrement, avec entre autres ce " la moire de ses eaux où la lune s'allonge "
techniquement ;
au 5e vers le son " happés/appétits " fait un mauvais écho
le 11e vers ( à moins de diérèse/synérèse ) me semble mesurer 11 pieds ?

   Cristale   
3/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ophélie aurait-elle ressuscité des oeuvres de Shakespeare, des toiles de Delacroix ? ... des vers de Rimbaud :
"- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys."

Je ne sais pas mais ce sont "ces" images qui agitent mon esprit à la lecture de ce poème.
J'aime le vocabulaire enrichi.
Ces vers élégants, entre-autres :
"La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit."
"J’ai la douce illusion dans ces reflets étranges,
De nager dans le ciel comme le font les anges."

Attention aux liaisons...cacophoniques "ses eaux où" : sezozou
Peut-être pourrait-on éviter les 2 "nuit" de la troisième strophe, la répétition du mot aux premier et dernier quatrain se justifie en tant qu'effet de style.
Des détails qui ne m'empêchent pas d'apprécier l'ensemble du récit dont la douceur prête à la rêverie dans vos "lueurs sombres" très poétiques sur cette toile dramatique.

Jolie plume !

Cristale

   Angieblue   
3/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut,

C'est une très belle poésie avec des images et du vocabulaire recherché.

J'ai beaucoup aimé:

"Je sens couler sur moi l’encre bleue de la nue ;
Le ciel, ensemencé des surgeons du Soleil,
Se pare et fait éclore un parterre vermeil."
J'aime beaucoup le jeu sur les couleurs du crépuscule. C'est très visuel

"Des dieux ont-ils semé, jardiniers d’un ciel mort,
Des éclats scintillants comme des graines d’or ?"
Jolies les graines d'or semées par les dieux.

"La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit."
J'adore! c'est un vers merveilleusement poétique que je retiendrai.

"Alors, tout obombrée par ces morceaux d’éther,
Je plonge dans l’étang sous un dernier aster
Et je fends, doucement, comme on traverse un songe,
La moire de ses eaux où la lune s’allonge."
Excellent! c'est le plus beau quatrain du poème. C'est envoûtant! quelle belle inspiration!

Par contre, le dernier quatrain est moins bon par rapport aux autres.

"la nuit me berce nue"
Là j'aime bien le clin d'oeil au premier quatrain, mais après je ne comprends pas bien à qui renvoie le mot "Amour"...ça n'est pas très bien amené...
Ensuite, la comparaison avec les anges est un peu banale. L'image est un peu simple par rapport à celles que vous nous avez servies précédemment dans le poème.

En somme, j'aime beaucoup votre style . Vous avez un bel imaginaire sophistiqué. Votre univers me plaît et me parle.

   Anonyme   
4/12/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un texte qui a fait ses classes sur les bancs de la poésie baroque : exubérance et préciosité de la langue, complexité de la pensée, intrusion d’un imaginaire riche, thème récurrent de la mort, de la Mythologie et de la féerie.

L’impression d’ensemble est d’abord très favorable. Je suis client de ces ambiances païennes qui rejettent le culte sacré et monothéiste de la mort en déléguant le pouvoir aux dieux de la nature (ici le soleil ensemence le ciel), tout en finissant le voyage près des anges du ciel, un vendredi, dans une tradition religieuse banalisée de nouveau, apaisée et retrouvée. Du baroque, je vous dis.
Les rimes plates sonnent comme dans une tirade théâtrale et tragique. On pense à Shakespeare, peut-être du côté de Hamlet.

Mais quand on plonge dans les détails du poème, il y a matière à porter quelques réserves sur le trop-plein du foisonnement d’images.
Dès la première strophe surgit l’idée païenne d’un ciel ensemencé par les surgeons du soleil. Un ciel vu comme un parterre, donc vu de l’Olympe, résidence des douze grands olympiens. L’héroïne s’y croit-elle déjà ? :)

Je relève quelques truismes :

- « des étoiles lucifères ».
Le qualificatif ici n’apporte rien, puisqu’il est déjà contenu dans la définition de l’étoile : « astre brillant de sa propre lumière… ». C’est donc un pléonasme.

- « La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit. »
Oui, évidemment, ça tombe sous le sens. Mieux valait peut-être une idée plus originale à propos de l’aube.

Je n’aime pas trop :
- les rimes nue/nue
- mêmement, à cause de la cacophonie des M.
- obombrée, pas très euphonique.
- happés les appétits, allitération désagréable non justifiée par une harmonie imitative.

Mais aussi de nombreux vers magnifiques d’une personnalité poétique indiscutable. Un grand talent en devenir.
Bellini

   Donaldo75   
4/12/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Wencreeft,

J'ai trouvé de la réelle tonalité à ce poème contemporain aux allures de classique. Je mentionne le classique car au-delà de la seule prosodie, il en a conservé certains traits telle cette rime que je trouve féconde et ce champ lexical qui sent bon la maîtrise. C'est agréable à la lecture, un peu comme aborder une toile figurative dont on sent qu'elle se rapproche de l'abstrait. Le flot des mots déroule dans les vers et les images coulent tranquillement à la lecture.

Oui, j'ai beaucoup aimé.
Bravo !

   Anonyme   
7/12/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Wencreeft

« L’amour est une nuit qu’aucune aube ne suit » SOMPTUEUX !!!

« Je sens couler sur moi l’encre bleue de la nue » ADMIRABLE !!!

« J’ai la douce illusion dans ces reflets étranges » ENVOUTANT !!!

« De nager dans le ciel comme le font les anges » DIVIN !!!


Que dire d’une telle splendeur ? Sinon plaindre ceux qui n’en sont pas fous…

Mille BRAVOS !
dream

   Davide   
8/12/2020
Bonjour Wencreeft,

L'écriture est élégante, très soignée, voire magicienne, mais j'ai trouvé l'ensemble trop démonstratif, trop voyant, trop "déclamatoire", trop se regardant - limite théâtral en fait ! - comme en contradiction avec ce moment d'intimité, poétique et dramatique, qui nous est gracieusement partagé ici. Et les quelques mots rares ("nue", "surgeons", "obombrée"...) ou vieilles vieilleries ("mêmement", par exemple) qui maillent le propos m'ont paru alourdir, voire engluer, le poème.

"Il est vendredi soir"
Le démarrage, avec le verbe "être" à la tournure impersonnelle, est un peu plat, je trouve. En revanche, j'ai bien aimé sa reprise dans le dernier quatrain, comme symbolisant le passage du cap.

"La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit."
Ce vers est un truisme. Il dit trop. Il dit tout. C'est dommage.

"La moire de ses eaux où la lune s’allonge."
J'aime beaucoup la métaphore filée de l'immersion/la noyade dans le ciel, tel un océan d'infini. Ici, le double-sens du verbe "s'allonger" me plaît plutôt pas mal : j'image la lune reflétée qui s'étire sur l'étendue d'eau ondoyante et je l'imagine, aussi, s'allongeant pour s'endormir - pour mourir ? -, conjointement avec la narratrice.

"Ne languis plus, amour, voici l’heure venue."
Le ton du dernier quatrain est empreint d'une douceur bienvenue, comme caressante, sans doute l'évocation de cet "amour" accroît-elle l'espérance de retrouvailles dans cet au-delà. Mais un au-delà poétique, s'entend. C'est émouvant.

   Anonyme   
15/3/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Un poème visiblement beaucoup travaillé... mais on sent un peu trop la sueur et l'artifice.
Pourquoi utiliser tous ces termes rares et vieillis, tels "mêmement", "obombrée", "floribonde", sinon faire étalage d'une érudition un peu vaine, voire pédante ?
Je rejoins donc le commentaire de Davide (avis précédent).
Certaines rimes sont originales (éther/aster), d'autres très banales (soleil/vermeil, ou nue/nue)
Je ne trouve pas très joli le vers "La mort est une nuit qu’aucune aube ne suit" avec sa rime à la césure.
Idem pour le très peu musical "La moire de ses eaux où..."
Le thème est intéressant, même si cela a été souvent (mieux) traité, avec plus de simplicité.


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