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Poésie contemporaine
Yannblev : Églogue d'un fou
 Publié le 15/08/21  -  16 commentaires  -  1151 caractères  -  323 lectures    Autres textes du même auteur

« Le fou n’est pas l’homme qui a perdu la raison : le fou est celui qui a tout perdu, excepté sa raison. » (G.K.Chesterton)


Églogue d'un fou



Le soir je suis resté de ceux qu’un ciel fascine
Quand le soleil mourant jette des mandarines
Plein les grands sapins verts mal peignés des collines
Pour que la nuit soit fête
Et qu’en passant m’emporte un volier d’oies sauvages
Ces voleuses d'été qui partent sans bagage
Et dans un V tendu écorchent les nuages
D'une flèche parfaite

Je suis cet endormi à l’ombre des fontaines
Pour qui un piano entre les joncs égrène
La mélodie de l’eau tout au long des semaines
Sans souci des saisons
Et les yeux dans les nues je suis celui qui mange
De la barbe à papa. J’y contemple d'étranges
Cavales éperdues… Je suis de ceux qui changent
Les cieux en panthéon

Je suis aussi celui que traverse la brume
De part en part. Celui dont les rêves s'enrhument
Quand sa plage infinie se perd sous le bitume
Par les bouches d'égout

Je suis de ceux qui ont d'inutiles croyances
De ceux qui professent d'utiles ignorances
Et lyrisent leur temps d’errance et d’espérance
Mais je ne suis pas fou
Quoi qu'on dise ou qu'on pense.


 
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   Anonyme   
30/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
De fort belles images je trouve, du soleil mourant qui jette des mandarines aux rêves qui s'enrhument… Chaque strophe m'apporte sa ou ses trouvailles, me voilà très agréablement ballottée ! J'aime bien le rythme aussi, ces hexasyllabes qui viennent "casser" un peu les dodécasyllabes bien balancés, cela dit je crois que j'aurais préféré un peu plus d'"aberration", typiquement de l'heptasyllabe pour une rupture plus nette du train-train. En gros, selon mon appréciation, un bien beau poème un peu trop harmonieux et rangé à mon goût au vu du sujet.

   Provencao   
15/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
" Et les yeux dans les nues je suis celui qui mange
De la barbe à papa. J’y contemple d'étranges
Cavales éperdues… Je suis de ceux qui changent
Les cieux en panthéon "

J'ai bien aimé cette strophe qui souligne au sein de cette folie, l'enracinement dans l'étrange comme le sublime dans l'extraordinaire , qui vient dans son lien à l'objet du fantasque faire accroc à la réalité de l'apparence et à une évidente individuation.


Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Corto   
15/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Puisque l'auteur joue de "l'églogue" comme un fou j'ai envie de lui dire Bravo.

Il y a dans ce texte une multitude d'images rares, bien trouvées, incongrues, qui me ravissent. Ainsi "le soleil mourant jette des mandarines Plein les grands sapins verts mal peignés" me ravit les yeux.

De même "le volier d’oies sauvages Ces voleuses d'été qui partent sans bagage" me ramène à ces périodes où mon ciel est traversé par ces convois bruyants filant une saison vers le nord, une autre vers le sud. Et à chaque fois on lève le nez d'admiration.
Chaque strophe complète un tableau pas si fou qu'il n'en a l'air.

Dans la dernière strophe
"Je suis De ceux qui professent d'utiles ignorances" me rend circonspect car sur ce créneau il y a de l'encombrement !
Mais disons qu'à celui qui "traverse la brume De part en part" on peut beaucoup pardonner...

Bravo Yannblev pour cette échappée où l'on n'est pas obligé de montrer à chaque instant sa rationalité.

   papipoete   
15/8/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
bonjour Yannblev
D'emblée, je dis " comme c'est beau ! " ; subjugué par une oeuvre qui ne laisse de marbre, on marque le pas, et moi appuyé sur ma canne, j'admire...
" Je suis de ceux... " que tout ne laisse indifférent, le jour et la nuit que le ciel pare de ses ombres chinoises... même par moment dans mon corps de grand, l'enfant qui habillait les nuages que je croque telle barbe à papa !
Mais la brume du spleen m'envahit aussi quand la vie s'embrouille ; mais je rebondis quand je rejoins les gentils, doux-rêveurs... non, je ne suis pas fou !
NB Yann Artus-Bertrand n'eut pas monté film plus étincelant, sur ce terrien animé des meilleurs sentiments, pour ces enfants de la Terre qui savent la regarder, qui ont à la place du coeur aucune place pour le mal, mais " n'utopisent " pas leurs pensées !
Tout est si joliment écrit :
" ... plein les grands sapins mal peignés des collines "
" ... et les yeux dans les nues je suis celui qui mange de la barbe à papa "
et la conclusion si lucide ( quoi qu'on dise ou qu'on pense )
Un poème à mettre en musique, que tous les râleurs devraient chanter du matin jusqu'au soir !!!

   Donaldo75   
15/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Yannblev,

J’ai beaucoup aimé ce poème ; je lui trouve une forme riche, moderne, qui allie ce que la poésie en prose permet – je sais, ce n’est pas la catégorie proposée – et que l’usage de la rime enrichit de sa musicalité. Il y a de la force dans cette narration, ce monologue intérieur à destination du lecteur dont l’empathie est visée et atteinte avec justesse. Les images sont absolument poétiques et ne tombent pas dans des clichés maintes fois lus par ailleurs. Cela permet de rendre ce poème plus incarné, plus humain, parce que le sujet est l’humain finalement ne sommes nous pas tous fous parfois car nous ne serons jamais, espérons-le, des robots désincarnés et réduits aux seules fonctions vitales telles des fourmis.

Bravo !

   Cyrill   
15/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Yannblev,

J'ai senti un vrai souffle poétique, enivrant, en lisant vos vers, dont la fluidité est un régal.
Comment toucher à ce point l'évidence avec un vocabulaire d'une simplicité confondante ?
Vous nous parlez de liberté et d'indépendance d'esprit, du moins est-ce ma lecture.
Les métaphores sont un régal.
Un petit bémol pour les deux derniers vers qui me font retomber de votre imaginaire, dommage.
Merci.

   Recanatese   
16/8/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

vous nous offrez ici de très belles images. J'ai particulièrement aimé:

"Quand le soleil mourant jette des mandarines
Plein les grands sapins vert mal peignés des collines"

"Et dans un V tendu écorchent les nuages"

"Je suis aussi celui que traverse la brume / De part en part"

Une sorte d'auto-affirmation du poète où le fou, dans un monde à l'envers, est peut-être bien le sage...

J'adore.

Bien à vous

Recanatese

   hersen   
16/8/2021
Je ne sais si en premier je dois louer la beauté des images ou la richesse du propos.
À moins que ce ne soit l'inverse ?

ce poème qui va tout seul nous emmène dans de bien jolies contrées, les plus simples au monde.

Un volier ? je ne savais pas que ce mot existait. Mon cerveau l'a remplacé par voilier, un voilier d'oies sauvages... c'est limage que cela m'a d'emblée apporté, un voilier à l'envers, vu de notre Terre.

Merci pour cette très belle lecture !

   Myndie   
16/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Yannblev,

après ce concert d’éloges, j’aurais pu m’abstenir de peur de paraphraser mais je n’ai pas pu résister- l’occasion était trop tentante- à mettre mon grain de sucre.
Sur le thème traité, rien à dire de particulier, moi qui n’aime pas trop le terme « fou » qui banalise la maladie mentale et en supprime toutes les nuances, je le trouve ici réhabilité par le sens que lui donnent vos vers, nulle condescendance mais au contraire, de la compassion et beaucoup de tendresse . Si « je » est l’humble victime des passions de son âme, alors oui, il est bien fou.

Dès la première strophe, j’ai tout de suite su que j’allais aimer votre poème. On en prend plein la vue, plein le souffle entre ces images inventives et magnifiquement poétiques et la parfaite harmonie musicale et visuelle produite par cette allitération en « V » , ce « V tendu » qui écorche « les nuages ».
Le reste est à l’avenant. Tout me parle et m’emporte dans ce magnifique portrait.

« Je suis celui que traverse les brumes ».  « Je » aurait pu être celui qui traverse les brumes, ce n’est pas ça, c’est mille fois plus fin et ça tient à un fil de trois petites lettres.
Bref, vous l’aurez compris, j’adore votre poème parce qu’il est né d’une plume riche et éminemment raffinée.
Le seul petit bémol pour moi est dû aux deux derniers vers : une fin plutôt attendue qui affaiblit un peu l’ensemble. Mais si peu.

Bravo et merci

myndie

psychiatre d'opérette

   Atom   
16/8/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Alors si c'est ça être fou autant ne pas être enfermé...
Si en plus il y a matière à délivrer une vision des choses sous forme d'images toutes plus inventives les unes que les autres alors oui, laissons nous glisser dans la folie; surement moins folle que la dinguerie urbaine.
Je suis en revanche moins fan de la dernière strophe qui pour le coup semble un peu trop terre à terre par rapport à l'ensemble du texte. Était-elle par ailleurs si utile ?

   Myo   
19/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De très belles images dans cet envol des plus poétiques.

C'est un paysage féerique qui s'offre à nous, une invitation au voyage imaginaire.

Vous êtes de ceux qui possède cette autre dimension, celle du rêve qui ouvre le champs de tous les possibles.

Un grand bravo.

   Jahel   
20/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Votre poèsie est d'une belle facture par la simplicité de sa composition (C'est parce que la simplicité dans l'écriture est difficile d'accès que vous en avez d'autant plus de mérite.)
Mots justement et originalement choisis qui créent les couleurs, les couleurs apposées créant les tableaux.
Il n'y a pas de belle ou bonne création sans un brin de folie ou d'originalité qui transcende le réel.
Il y a eu les églogues de Virgile ou de Ronsard, nous aurons désormais les églogues de Yannblev.
Merci pour cet instant de lecture agréable.

   Gaspard   
20/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Poème foisonnant et musical à souhaits ! Les images, les métaphores, les comparaisons sont distillées avec beaucoup d'art et d'élégance et produisent un alcool puissant qui vous monte à la tête !
Le narrateur, ce "wanderer" inapaisé, se dévoile et bientôt se confond avec la nature qu'il contemple ! "Ces cavales éperdues" sont irrésistibles et me redonnent le goût de la fugue et des frais vagabondages !

   Yannblev   
30/8/2021

   Anonyme   
1/9/2021
Bonjour,


Le vers 22 me peine un peu par son caduc à la césure, tant le verbe est dans ce poème incroyablement mené.

Peut-être y a-t-il dans ce poème une référence à votre personne à laquelle je n'accède pas : je ne vois ni ne devine aucune folie en vous. Certes, les images que vous déployez incroyablement sont parfois hardies, mais que sont-elles d'autre que de la pure poésie ? Je vois donc mal à qui s'adressent les derniers vers de ce poème, et leur chute n'a pas de prise sur ma lecture.
J'ai l'impression que c'est une façon d'abréger votre partage poétique dont j'avais encore soif.

Votre plume, que je connais peu, m'a l'air des plus aiguisées, incisives, inspirées mais réfléchies qui soient.
Aussi ai-je beaucoup apprécié ma lecture, et m'obligé-je à l'exprimer sans savoir en dire grand-chose d'intéressant, après de nombreuses lectures, dans le trop peu de temps que je me permets d'investir à ce trop riche Oniris dans lequel je pourrais me noyer si je ne faisais pas attention à en garder quelque distance salvatrice.

Un poème original, fin, généreux, baroque par touches, mais d'une justesse assez rare dans le trait ; ses vers sont très expressifs, colorés, et, si l'huile a la prédilection d'un certain élitisme, votre acrylique est d'une exécution virtuose à la maîtrise discrète, à hauteur de la vie et de nos faibles cœurs.


Bien à vous.

   inconnu1   
8/9/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Je trouve vraiment que ce poème fait partie des plus beaux qu'il m'ait été permis de lire sur Oniris. Plus que la folie, je dirai la vision enfantine du monde est très poétique, de même que le rythme des strophes 3 dodécasyllabes rimant entre eux, suivis d'un hexasyllabe. Alors pourquoi pas un passionnément ++, parce que l'erreur de césure du vers 22 vient effectivement casser le caractère presque parfait du reste. On aurait pu le modifier en Qui professent souvent d'utiles ignorances...

Bien à vous


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